La fin de la semaine était arrivée si vite que Luce regrettait désormais d'avoir perdu autant de temps avec Ange. Parce que ces quelques jours de bonheur qu'ils avaient eus avaient été trop courts.
— Bon, je ne veux pas vous presser, mais on a pas mal de route à faire, et c'est moi qui conduis donc...
L'intervention de Fabrice brisa l'instant de grâce entre les deux vacanciers. Luce lâcha la main d'Ange et ce dernier envoya un regard noir à son meilleur ami.
— Ça va ! rouspéta le blond vénitien.
Claire, à quelques mètres de là, fit comprendre à Fabrice qu'il valait mieux ne rien dire. C'était les adieux de Luce et Ange, pas les leurs. Et connaissant les deux jeunes gens et leur caractère, il était préférable de s'effacer.
— Comment tu fais pour rester aussi calme ? demanda le châtain en venant s'asseoir à côté de la perche.
— J'ai eu un entraînement de longue durée, répondit Claire dans un clin d'œil.
Puis deux jours plus tôt, elle avait dit ses adieux à Angèle. Donc elle savait à quel point cela pouvait être dur, même si contrairement à sa meilleure amie et au rouquin, l'histoire qu'elle avait eue avec la jolie brune n'avait été qu'un passe-temps. Ça, les deux jeunes femme l'avaient vite compris.
C'était d'ailleurs pour cela qu'elles avaient autant apprécié de se fréquenter. Car leur relation avait été simple et sans prise de tête. Ça avait été un amour de vacances parmi d'autres. Un souvenir qui lui donnerait le sourire, dans dix ans. N'était-ce pas mieux de voir les choses ainsi ?
— Eh, Fab, et si on restait quelques jours de plus ? demanda subitement Ange au loin.
Le concerné regarda Claire qui haussa les épaules pour lui faire comprendre qu'il devait pendre cette demande à la légère. Non, il ne devait pas s'énerver en rappelant qu'ils avaient une vie en dehors d'ici, car le blond le savait déjà.
— Tu sais qu'on peut pas, répliqua tout de même le châtain. On bosse !
Ange soupira puis retourna à son tête à tête avec Luce.
Comment une femme comme elle, aussi belle, aussi forte de caractère, aussi classe, peut avoir accepter de sortir avec moi ? songea-t-il. Il se sentait si nul à côté.
— On peut se filer nos adresses postales, comme ça, on pourra rester en contact, proposa-t-il.
Ange remarqua que Luce fronçait les sourcils. Apparemment, sa proposition la surprenait.
— Tu veux qu'on s'écrive des lettres ? nota-t-elle, amusée.
— Bah c'est romantique les lettres.
— Il y a les mails aussi.
— Oui mais pour toi, j'ai envie de faire un effort, les lettres c'est plus symbolique.
— Peut-être, concéda la brune dans un sourire.
Elle était touchée par la proposition d'Ange. Il faisait des efforts. Il essayait de faire tout bien. Seulement il venait d'oublier un détail plutôt important :
— Mais les lettres sans braille, je ne peux pas les lire, contrairement aux mails. Et je doute que Claire accepte de faire la lectrice pour moi.
Le regard affolé de la concernée confirma l'annonce de Luce pour Ange.
En effet, la châtaine n'avait certainement pas envie de lire que son amie causait des nuits blanches au blond. Elle n'avait rien contre le fait qu'ils sortent ensemble, bien sûr. Pas plus qu'ils restent en contact. Mais elle ne souhaitait pas avoir d'information concernant leur histoire dans l'intimité.
— Oh putain, je suis con. J'avais oublié, je... Je suis désolé. Je...
— Non, le coupa Luce dans un nouveau sourire. Ne t'excuse pas d'avoir oublié que je ne suis pas comme tout le monde. C'est au contraire, ce que j'aimerais qu'il se passe.
D'habitude, les gens ne pouvaient pas s'empêcher de faire remarquer qu'une aveugle ne pouvait pas lire. Or là, Ange n'avait pas buté une seule seconde à propos de cela. Et durant quelques fractions de seconde, Luce s'était sentie comme tout le monde.
— Alors on s'enverra des mails ou des SMS, comme tu veux.
— Je ne suis pas très branchée portable, si ce n'est pour le boulot. Mais je peux te filer mon mail, oui ! continua la brune.
Elle avait le cœur qui bâtait la chamade et avait l'impression d'être à nouveau une adolescente qui promettait à son petit ami du moment qu'ils resteraient ensemble durant toute leur vie. Seul le fait que l'avenir était incertain changeait dans son esprit.
— Tu as de quoi noter ? demanda-t-elle.
— Bien sûr, s'empressa de répondre Ange en fouillant ses poches à la recherche de quelque chose pour écrire.
L'homme n'avait plus son portable, puisqu'il l'avait filé à des inconnus, lorsqu'il s'était saoulé, le soir où il avait fait la rencontre d'Angèle.
— Tiens, souffla Fabrice en lui tendant un bout de papier ainsi qu'un crayon.
Il venait de le sauver...
— C'était cool de passer les vacances avec vous, souffla Claire tandis que Fabrice reprenait sa place à ses côtés.
— Pareil, sourit en retour le châtain.
— Ton ami a fait beaucoup pour Luce.
Les deux jeunes gens regardèrent les amoureux de vacances se transmettre leur adresse mail, le tout en rigolant et souriant.
— Ça va, Angèle ne te manque pas trop ? demanda Fabrice en abandonnant l'observation du spectacle qui se déroulait sous ses yeux.
— On savait à quoi s'en tenir toutes les deux, il n'y avait pas de surprise.
Le regard insistant du châtain fit comprendre à Claire que ce n'était pas la réponse qu'il attendait.
— Ça fait un peu vide oui, reconnut Claire dans un haussement d'épaules.
— Tu sais, au début, quand tu es arrivée et que je ne savais pas encore que tu étais gay, je...
— Je sais, le coupa Claire. Tu craquais pour moi. Luce l'avait compris.
— Luce ? s'étonna Fabrice. Mais comment...
— C'est son sixième sens, compléta la jeune femme. Ce n'est pas parce qu'elle a perdu la vue qu'elle ne sait pas se rendre compte de certains trucs. Elle est bien plus rapide que moi sur pas mal de choses d'ailleurs.
— Sauf quand il s'agit d'Ange, remarqua Fab.
— Pas faux, rigola Claire.
Ces deux-là lui avaient failli lui faire perdre la tête et plus d'une fois.
Les bras croisés, les fesses posées contre le capot de sa voiture, Claire regarda son amie tendre la chemise à Ange, celle qu'il lui avait prêtée le jour où elle avait été trempée alors qu'elle portait une robe blanche. La chemise que le blond vénitien avait songé à lui demander, le lendemain, puis les quelques jours suivants...
— Je l'avais oubliée, rigola Ange.
Claire songea que Luce, elle, ne l'avait pas oubliée. La châtaine n'avait rien dit, mais chaque fois qu'elle avait vu sa meilleure amie plier puis déplier le vêtement, elle n'avait pas pu s'empêcher de soupirer. Car ce moment-là, Ange et la brune se faisaient un peu la guerre. Et que malgré tout, la perche avait compris qu'il se passait quelque chose dans le cœur de Luce.
Et désormais, elle savait que son amie rendait le seul bien d'Ange qui lui aurait permis de se consoler de son départ.
— Je n'ai pas envie de partir, souffla Ange en prenant Luce dans les bras.
— Et moi, j'ai pas envie que tu partes, avoua la brune.
Les deux jeunes gens soupirèrent, car malgré l'annonce de leur état d'esprit, ils savaient tous les deux qu'ils n'avaient pas le choix. Ils avaient leur vie, leur appartement séparé par des kilomètres de route, et ils ne pouvaient pas tout laisser tomber pour vivre éternellement dans ce camping.
— Je penserai à toi, continua Ange.
Claire regarda le rouquin déposer une baiser sur la tempe de Luce et tapota l'épaule de Fabrice.
— Je sais ce que tu te dis, lui apprit alors le concerné. Force à nous pour les jours à venir.
— Ils vont être infernaux, compléta Claire en secouant la tête.
— Ils vont reporter leur frustration sur nous, termina Fab.
Les deux amis de vacances soupirent à leur tour. Le pire les attendait.
Voici enfin la suite. Luce et Ange se disent au revoir. C'est la fin des vacances et les deux amoureux doivent se quitter.
C'est le dernier chapitre de la partie 2 !