— Est-ce que j'ai déjà dit que j'adorais Paolo Nutini ?
Ange eut envie de répondre que oui, elle l'avait dit, au moins dix fois en l'espace de quelques minutes seulement. Mais à la place, il se tut. Car le visage de Luce était tellement lumineux qu'il ne voulait rien gâcher.
— Quelle serait ta dernière requête si tu devais en prononcer une ?
La question de la jeune femme laissa l'homme perplexe. Pourquoi demander une telle chose ? Était-ce en rapport avec la chanson que diffusait le bar ? D'ailleurs, maintenant qu'il y pensait... A leur arrivée, il n'y avait pas eu ces drôles de lumières... Est-ce que le barman s'amusait à jouer à Cupidon ? Qu'il était ridicule celui-là ! S'il croyait que c'était ça qui allait l'aider à enlacer Luce...
Car eh bien, malgré son annonce deux minutes plus tôt, la brune n'avait pas redit à Ange qu'elle souhaitait qu'il la prenne dans les bras. Et si sa demande n'était plus d'actualité ? Et s'il avait été trop empoté pour sauter sur l'occasion ?
— Je suis si intimidante que ça ? rigola une voix féminine.
Les spots de lumière mettaient en avant les yeux de Luce. Elle semblait encore moins réelle désormais.
Parce qu'Ange n'avait rien répondu et que la jeune femme commençait à douter de son courage, elle attrapa la deuxième main de l'homme et doucement, la positionna sur sa taille.
— Je ne vais pas te bouffer ou bien te mettre une baffe parce que tu me touches, tu sais ?
Il aurait voulu être capable de répondre. Mais maintenant, Ange se trouvait aphone.
— Ange ? s'inquiéta Luce.
Comme celui-ci ne dit rien, la jeune femme crispa ses doigts sur la main droite du concerné.
— Est-ce que ça va ?
Ange ravala sa salive et fit des efforts pour répondre, d'une voix bien trop grave à son goût. C'était comme s'il rapprenait à parler. Il se sentait rouillé :
— Ça va. C'est juste que... C'est comme si je vivais un rêve éveillé et... J'ai peur de faire un faux pas et de te voir disparaître.
Il avait dit cela avec tant de douceur que Luce ne put empêcher le frisson de parcourir son échine. Pourtant, elle n'abandonna rien. En effet, ses doigts quittèrent la main d'Ange pour remonter le long de son poignet. Elle apprécia dans un sourire de sentir les poils de ce dernier. Pas poilu comme un singe, il avait tout de même les avant-bras recouverts. Virilité et douceur... La jeune femme sentit son cœur fondre, une fois de plus.
Avec lenteur, elle continua sa route sur les bras d'Ange. Certes, elle l'avait rapidement remarqué, il n'était du genre à être gros, mais elle devait reconnaître qu'il avait tout de même quelques muscles. Et ses épaules, larges, des épaules de nageur... Ses doigts arrivèrent au cou de l'homme. Luce ne l'avait jamais encore touché, uniquement sa nuque. Tout en se mordant les lèvres, la brune frôla sa pomme d'Adam.
L'envie commençait sérieusement à monter alors qu'une question lui brûlait les lèvres.
La main de Luce toucha la mâchoire d'Ange. Carrée, saillante. Une petite barbe de deux jours. Juste de quoi gratter la joue à son contact...
Tout en inspirant profondément, la jeune femme commença sa découverte. Avec douceur, elle tâta le front de son partenaire. Ni trop grand, ni trop petit. Elle continua avec ses pommettes, plutôt inexistantes. Puis elle découvrit son nez, droit et plutôt fin. Peu à peu, une image d'Ange apparut dans sa tête. Une représentation approximative, uniquement basée sur les formes qu'elle avait senties sous ses doigts.
— Les gens disent que je suis roux mais c'est faux, commença Ange avant d'être interrompu par les doigts de Luce sur ses lèvres.
Cette fois-ci, ce fut au tour de l'homme de frissonner. Cette façon qu'elle avait de le toucher pour le découvrir... C'était si doux, si respectueux et intime à la fois. C'était complètement dingue.
— Blond vénitien, n'est-ce pas ? sourit Luce.
A la vue de la fossette solitaire de la jeune femme, Ange sourit à son tour.
— Des petits cils, blonds je suppose, continua la brune sans arrêter sa découverte. Des yeux en amande. Enfin, un du moins puisque l'autre est encore un peu gonflé.
A cette pensée, Ange se dit qu'il était préférable que Luce ne le voit pas en ce moment, car en effet, son œil était encore coloré.
— Des cheveux qu'il faudrait penser à couper, nota-t-elle en passant la main dans la chevelure dense de l'homme.
— Tu n'aimes pas les cheveux un peu longs ? demanda Ange sans quitter les lèvres de Luce du regard.
Un nouveau sourire se dessina sur ces dernières.
— J'adore.
Il comprit qu'elle l'avait taquiné à l'instant.
— Qu'est-ce que... Oh ? Un souvenir de l'adolescence ?
Les doigts de la brune venaient de tomber sur la boucle d'Ange. Un anneau doré. Un anneau qu'il n'avait plus enlevé depuis des années. D'après son ami Fabrice, ça lui donnait un style. Un petit air de rebelle, à moitié caché par sa chevelure.
— Non, souvenir de ma sortie de... prison, termina-t-il en baissant d'un ton.
— Je vois.
Luce continua son inspection en silence. Ses doigts étaient chauds. Avec cette musique, le décor, les spots ridicules du barman et cette proximité, Ange se sentait cuir.
— Ce serait de t'embrasser...
Les doigts de Luce se stoppèrent au-dessus de la tempe de l'homme.
— Tu m'as demandé quelle serait ma dernière requête si j'en avais une, expliqua Ange.
Ce dernier fut à l'afflux, en attente d'une réponse de la part de la jeune femme.
— Je sais que ça ne fait pas longtemps qu'on se connait. Et je sais qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps non plus. Mais pour le moment, tout ce qui compte, c'est que je sois à tes côtés, Lulu.
Ce fut le retour du sourire.
— C'est un surnom ridicule ! pouffa la brune.
— C'est vrai. Mais ça te fait de l'effet, rétorqua Ange, ravi.
— Sale petit con qui a toujours raison, rigola-t-elle.
Les doigts de Luce descendirent sur les joues d'Ange et sans préavis, la jeune femme attira le visage du blond vers elle. Tout d'abord avec brutalité, puis ensuite avec une douceur nouvelle, leurs lèvres s'apprivoisèrent. Luce sentit le cœur de l'homme battre contre sa poitrine.
Puis petit à petit, les mains du concerné se refermèrent sur la taille de la jeune femme. Ce fut alors qu'une chaleur remonta le long de son dos. Puis une seconde atteignit son ventre. Les doigts de Luce partirent à l'aventure dans la chevelure d'Ange tandis que ce dernier caressait ses hanches.
— J'ai envie de toi.
A peine eut-elle prononcé cette phrase que Luce fut repoussée, comme si elle venait de dire la chose à ne surtout pas dire.
— Je peux pas.
— Qu-quoi ? bégaya la jeune femme, perdue. Qu'est-ce qu'il y a ?
— Je peux pas Luce. Je... je ne veux pas être imprévisible. Je ne veux pas te faire courir un risque.
La brune resta sans voix. Que se passait-il ? Depuis quand Ange avait fait des pas en arrière alors qu'elle avait fait plusieurs avancées ?
— Mais qu'est-ce que tu racontes ?
— Je te désire Luce, depuis le premier jour que je t'ai vue. Mais je ne sais pas comment je peux réagir. La dernière fois que j'ai été écrasé par mes émotions, j'ai tabassé un mec à mort.
Si la jeune femme crut qu'Ange faisait référence à son ex beau-frère, elle finit par se rendre compte qu'elle avait tort :
— C'était lui ou moi, et je ne voulais pas passer ma vie à être défoncé à cause d'un mec qui avait des besoins sexuels à assouvir.
— Mais... de qui est-ce que...
Luce comprit. La prison. Un passé dont Ange lui avait vaguement parlé mais qui semblait être bien plus sombre encore...
— Ange, je ne suis pas ton ex beau-frère, ou ce gars. Et je ne suis pas non plus...
Elle eut envie de parler de celle qui lui avait brisé le cœur autrefois, puis qu'il avait fini par expliquer un peu l'histoire, bien qu'il était resté assez vague. Mais elle jugea que cela faisait peut-être déjà trop.
— Je sais, mais je n'ai pas ressenti un tel degré d'émotion depuis très longtemps et je ne te garantis pas que...
Luce ne le laissa pas finir sa phrase car son doigt se posa sur ses lèvres.
— D'accord, pas ce soir.
— Merci.
— Par contre, je vais rester dans tes bras, pour le moment.
Ange s'apprêtait à demander pourquoi, lorsqu'il se rendit compte que collée comme ça, la jeune femme avait dû sentir à quel point elle lui avait fait de l'effet. Et si elle, ne voyait pas, les quelques clients du bar eux, auraient pu le remarquer.
— J'étais jalouse d'Angèle au départ, souffla la Pocahontas rebelle tandis que les deux jeunes gens suivaient le rythme de la musique. Enfin, je le suis encore parfois. Parce qu'au final, tu ne la connais presque pas et tu ferais n'importe quoi pour elle.
— Je sais. Mais Angèle c'est plus comme...
— Ce n'est pas ta sœur, Ange.
— Je sais.
Au moins, ces quelques phrases avaient eu le mérite de refaire tomber son excitation.
— Et si on commandait ? demanda-t-il subitement.
— Toi, si tu veux. Personnellement, je n'ai pas soif.
Alors pourquoi avait-elle voulu qu'ils aillent dans un bar ? Comme si Luce avait lu dans ses pensées, la jeune femme sourit :
— J'avais juste envie de danser dans tes bras. Parce que ça serait ma dernière requête, si je devais en avoir une en ce moment.
Il n'en fallut pas plus pour qu'Ange se jette à nouveau sur les lèvres de Luce. Après tout, boire ou se cacher des autres, ce n'était pas si important que ça, non ?
Après ce chapitre, je n'ai pas de partie toute prête, donc je reprends l'écriture. Autrement dit, la suite risque d'arriver beaucoup plus lentement.
Sinon, bah j'espère que vous avez aimé ce chapitre. La relation entre Luce et Ange évolue, il n'y a plus aucun doute là-dessus ;)