— Ange, tu peux me mettre de la crème, s'il te plaît ? demanda Angèle en se débarrassant de ses claquettes.
— Ange, tu peux me mettre de la crème, s'il te plaît ? murmura Luce sur un ton moqueur. Elle s'est cru dans une émission télévisée ou quoi ?
— Tais-toi, ils vont t'entendre, souffla Claire en retour.
— Eh bien je m'en fous qu'ils m'entendent ! répliqua Luce en lâchant son sac sur le sable.
— Vous avez déjà surfé les filles ?
— Bien sûr, je surfe sur les vagues tous les jours ! rétorqua Luce en se tournant vers le pauvre Fabrice qui avait seulement tenté une diversion, lui qui avait tout entendu de la petite conversation entre amies.
— Luce, soupira Claire. Je ne suis pas des plus à l'aise dans l'eau, avoua-t-elle ensuite à Fab.
— Dans ce cas, pourquoi être venues en vacances à la mer ?
L'amie de Claire eut envie de dire à Angèle de se mêlait de ce qui la regardait, une fois de plus. Mais la châtaine choisit de répondre à sa question :
— C'était Luce qui voulait profiter de l'air marin.
Durant quelques secondes, la jeune femme se dit que cette phrase la faisait vraiment passer pour la fille égoïste. Puis Claire résumait un peu trop la situation. Luce n'était pas tout à fait d'accord avec cette annonce. On ne pouvait pas tout lui mettre sur le dos !
— Fab a fait du kitesurf hier. Apparemment, c'était génial ! Depuis, il ne pense plus qu'à ça, annonça Ange.
En ce moment, Luce regrettait de ne pouvoir le voir. Elle était certaine que la sangsue était pendue à son cou. Peut-être même lui faisait-elle des choses sous ses yeux... Se moquaient-ils d'elle ?
Subitement agacée, elle fit un pas en avant et s'entrava dans son sac. Un cri de panique plus tard, la face dans le sable, elle entendit le rire de personnes inconnues. Sûrement des vacanciers qui avaient vu sa gamelle.
— Ça va ?
C'était Claire qui, visiblement, était inquiète. Pourtant, ce ne fut pas la main de son amie qui l'aida à se remettre sur pied. Douce et tiède, elle reconnut aussitôt ces doigts. C'était Angèle.
— Ça va, souffla Luce en repoussant la jeune femme. Ça va, j'ai dit ! répéta-t-elle en se doutant que son amie s'apprêtait à la toucher pour s'assurer qu'elle ne s'était pas fait mal.
— Elle est toujours comme ça ?
La voix du fêlé semblait venir de sur le côté. N'avait-il pas bougé en la voyant tomber ?
— Qu'est-ce que ça veut dire ? releva Luce.
— Comment ça ? demanda Claire.
— Aussi infecte, je veux dire.
La réaction de Luce ne tarda pas. Tout en vissant les poings sur les hanches, elle secoua la tête et fit semblant de rire :
— Non mais entendez-le ! Eh oh, je suis là ! Vous allez arrêter de parler de moi à la troisième personne, oui ?
— Et toi, tu ne crois pas qu'il serait temps d'arrêter avec ce stupide vouvoiement ? Ça te donne plus l'air d'une psychorigide qu'autre chose !
— Ange !
Le visage de Luce se déforma sous la surprise, parce que ce n'était pas Fabrice mais Angèle qui venait de parler.
— S'il te plaît, je veux passer un bon après-midi comme hier, continua la brune.
— Ouais, c'est ça ! Allez vous éclater tous les deux et laissez-nous tranquilles !
Claire se cacha le visage. La jalousie de son amie ne pouvait plus passer inaperçue désormais. Mais bizarrement, Ange ne le releva pas.
— C'est ça. On vous laisse, préféra-t-il dire avant de s'éloigner.
Le cœur battant, Luce écouta le bruit de pas dans le sable. Puis bientôt, la voix lointaine d'Ange lui parvint. Il s'éloignait vraiment. Et elle se doutait qu'Angèle était avec lui.
— Écoute, je te jure qu'il se passe rien entre eux.
Cette fois-ci, c'était Fabrice qui parlait.
— Mais qu'est-ce que j'en ai à foutre !
— Luce !
Le ton ferme de Claire surprit la jeune femme. C'était plutôt rare qu'elle hausse la voix.
— Ça se voit à des kilomètres que t'es jalouse d'Angèle.
— Mais je ne suis pas jalouse ! Ton copain m'énerve ! Il a dix ans d'âge mental ! On dirait qu'il n'a rien compris à la vie. Il faut tout le temps qu'il fasse chier les gens !
Comprenant soudainement qu'elle venait d'être un peu trop dure, Luce s'assit dans le sable. Voilà, c'était décidé, elle ne parlerait plus de tout l'après-midi.
***
— Là, vas-y, fais-moi confiance. Avance !
La voix de Fabrice avait beau être douce, Claire au loin, qui refusait de quitter le bord, secoua négativement la tête.
Assise sur sa serviette, à quelques mètres des deux jeunes gens, Luce soupira. Ange et Angèle étaient finalement revenus, après s'être éclatés dans l'eau d'après les rires qu'elle avait entendus.
— Elle n'ira pas.
L'annonce de la jeune femme attira l'attention des deux vacanciers. Et même si Luce ne le vit pas, elle le sentit. Alors soudainement remuée par les souvenirs, elle choisit de se confier :
— Claire a failli se noyer, il y a des années de cela. Depuis, elle a peur de l'eau. C'est vrai que c'est elle qui a voulu qu'on parte en vacances et que c'est moi qui aie choisi la mer, mais c'était pas pour l'air marin. Je lui ai menti. J'ai bêtement pensé que je pourrais lui faire passer cette crainte. Mais que pourrait faire une aveugle sur une plage ?
La colère dans sa voix était plus que présente.
— Ma mère aussi a peur de l'eau.
Luce tourna la tête sur sa gauche. La voix d'Angèle lui fit comprendre que la jeune femme était toujours à ses côtés.
— Elle s'est mise à craindre l'eau du jour au lendemain. Quand j'étais gamine, elle aimait nager. Elle n'était pas du genre à aller là où n'avait pas pied, mais elle aimait l'eau. Puis un jour, elle a fait un blocage. Rien que lâcher le bord de la piscine, ça la paralysait. Elle a essayé de nombreuses choses pour vaincre sa peur. Mais elle n'a jamais réussi. Alors tu n'as pas à te sentir responsable ou inutile. Que tu sois malvoyante ou pas n'y change rien.
La râleuse fut surprise que la squatteuse tienne un tel discours, aussi, elle ne sut quoi répondre. Cette Angèle ne cessait pas de la surprendre. Et cela justement l'agaçait. Elle aurait largement préféré qu'Ange s'intéresse à une fille écervelée. Elle aurait pu l'enfoncer ainsi.
— Elle te manque ?
La question du fêlé lui fit comprendre qu'Angèle n'était plus en contact avec sa mère. Était-elle morte ?
— Beaucoup. Quand je suis avec Paul, j'essaie de ne pas y penser. Mais dans des moments pareils...
— Tu as réfléchi à lui d'ailleurs ?
Luce eut subitement l'impression d'écouter une conversation privée. Et elle s'en rendit rapidement compte que c'était le cas.
— J'essaie. Mais tu sais, j'ai déjà foutu ma vie en l'air avec lui.
Est-ce qu'Ange couchait avec cette femme alors qu'elle était encore en couple ? C'était la meilleure, ça !
— Je vais vous laisser à vos histoires de coucherie ! annonça-t-elle en se levant.
— On ne couche pas ensemble, lui apprit Ange.
Et Luce lâcha aussitôt un rire moqueur :
— Bien sûr, et prends-moi pour une conne aussi !
Alors qu'elle pensait que son interlocuteur répliquerait quelque chose de blessant, elle se rendit compte qu'il ne disait rien.
— Quoi ? râla-t-elle en se frottant les jambes pour se débarrasser du sable qui s'était collé sur sa peau.
— Tu viens de me tutoyer, nota Ange.
— Ouais, ben une erreur d'inattention.
— S'il vous plaît, arrêtez de vous disputer.
La voix d'Angèle fut recouverte par celle de Claire qui venait de les rejoindre.
— Je ne peux pas, c'est au-dessus de mes forces ! souffla cette dernière avant d'enfouir son visage dans le cou de sa meilleure amie.
Ce geste, pourtant anodin selon les deux femmes, ne passa pas inaperçu. Ni Fabrice, au loin, ou Ange et Angèle, ne ratèrent la scène. Et tandis que les yeux de Fab se teintaient de regrets, ceux du blond se posèrent sur sa protégée.
— Je te paris cinq euros que j'arrive dans l'eau avant toi, souffla-t-il à l'oreille d'Angèle.
Qui essayait de fuir la réalité ? La réponse semblait plutôt floue.
J'aimerais bien avoir votre avis sur le personnage d'Angèle. Elle est plutôt importante pour Ange et a un secret. Secret que vous avez peut-être deviné puisque j'essaie doucement de faire des petits clins d'oeil xD