Ange et Angèle mirent une éternité avant d'arriver devant le camping du jeune homme. La brune avait proposé de faire du stop mais son camarade de marche lui avait affirmé que continuer à pied leur ferait du bien.
Le soleil tapait fort désormais qu'ils passaient la barrière de l'entrée. Et Ange réalisa que son désir d'éliminer la tension par le sport n'avait pas été une si bonne idée. Parce que maintenant, il avait l'impression d'avoir quatre-vingt ans et d'être cassé de partout.
— Tu es vraiment certain ? demanda pour la énième fois la brune.
A force d'entendre sa question, Ange ne l'était plus du tout, mais en croisant le regard bleu de la jeune femme, il se rappela que c'était à lui de la soutenir et non pas l'inverse.
— Certain !
Quel âge avait-elle ? La vingtaine passée, c'était sûr. Peut-être vingt-deux ans ? Si elle avait rencontré le connard qui lui servait de copain durant le lycée, cela faisait plus de quatre ans qu'elle acceptait le comportement odieux de ce Paul ? Quatre ans, c'était déjà trop !
— Qui est-ce qui a été battu ?
En voyant Ange s'immobiliser, Angèle eut confirmation qu'elle avait vu juste. De toute façon, la force avec laquelle il avait parlé, une bonne heure plus tôt, n'aurait pas pu la conduire vers une mauvaise conclusion.
— Tu peux me parler, tu sais ?
Les poings du blond se serrèrent tandis que les doigts de la brune se posèrent sur les bras nus et rougis d'Ange.
— Je sais qu'on se connait pas beaucoup. Mais tu sais des choses sur moi que même mes voisins ne connaissent pas !
Ça lui faisait trop de peine, trop de colère et Ange se dit qu'il était temps de mettre fin à cet instant trop douloureux :
— J'espère que tu aimes la rigolade parce qu'avec Fabrice, nous adorons nous lancer des défis. Et comme tu es notre invitée, tu seras de la partie !
Face à l'évitement de son confident, Angèle ravala difficilement sa salive. Il avait été le premier à proposer de parler de cette chose et désormais que c'était à son tour de parler de lui, il n'y avait plus personne ? La jeune femme sentit un sentiment amer couler en elle.
— Tu vas voir, ça va être géni...
— Eh bien ! Je vois qu'elle avait raison ! s'exclama une voix dans son dos. Et dire que je me suis inquiétée.
En se retournant, Ange reconnut l'amie de celle qu'il avait renversée. Son retour au camping s'annonçait bien plus chiant qu'il ne l'avait prévu. Et surtout, les mauvaises herbes venaient l'attaquer avec trop de vitesse.
— Ton pote était mort d'inquiétude, mais il a eu tort. Parce que visiblement, monsieur était juste en train de s'amuser.
La main d'Ange qui se posa sur le bras d'Angèle fit comprendre à cette dernière qu'il était inutile de répliquer.
— C'est qui elle ? le questionna-t-elle une fois le mannequin éloigné.
— Une peste qui se trouve être malheureusement ma voisine.
Puis après un soupir, Ange prit la décision de reprendre la route.
***
— J'espère que ça sera confortable.
Les mains dans les poches de son short, Fabrice fixait la banquette arrière de sa voiture.
— T'es malade ou quoi ? Elle ne va pas dormir dans ta caisse ! rouspéta Ange à ses côtés. C'est moi qui vais dormir là.
— Je refuse de dormir avec une inconnue. C'est pas contre toi, s'empressa de rajouter le châtain en se tournant vers Angèle.
— Alors je dormirai avec ! déclara aussitôt Ange.
Une remarque désagréable fut lancée, de l'autre côté de la tente où la malvoyante était assise. Aujourd'hui, elle était vêtue d'un combishort, remarqua le jeune homme. Un combishort rose pâle qui faisait ressortir sa peau mate. Avec ses cheveux nattés sur le côté, elle avait des airs d'une indienne. Une ravissante indienne.
Ouais, une indienne super méga chiante ! s'efforça-t-il de se rappeler.
Ce n'était pas le moment de fondre comme un idiot. De toute façon, Ange n'était pas du genre à fondre. Les femmes, ça ne l'intéressait pas. Juste pour les paris. Ou uniquement lorsqu'il s'agissait de la famille et des amis. Alors ce n'était pas cette fille, certes au physique de rêve mais au caractère de merde, qui allait le faire chier !
— Si je dérange à ce point, je peux... souffla Angèle à voix basse.
— Non, tu es mon invitée. Tu restes !
Suite à cette annonce, Ange s'interdit de jeter un coup d'œil à la jeune femme d'à côté. La démone resterait une démone, mais elle ne l'aurait pas.
— Est-ce que je peux te parler ? Seul à seul ?
La voix de Fabrice lui fit comprendre que son camarade de vacances souhaitait avoir une longue conversation avec lui.
— Écoute, on est en vacances, alors...
— C'est important.
Le soupir d'Ange fut des plus grands.
— J'en ai pas pour longtemps. Fais comme chez toi, lança-t-il à l'attention d'Angèle.
Fabrice eut envie de faire remarquer à son ami qu'ils ne connaissaient rien de cette jeune femme qui pouvait très bien les voler puis mettre les voiles. Mais il songea que parler avec Ange était pour le moment plus important. Aussi, il garda ses craintes pour lui.
Durant plusieurs mètres, les deux hommes marchèrent en silence. Et ce fut finalement le plus clair qui entama la conversation :
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— Tu m'en veux, pas vrai ?
En remarquant le visage fermé d'Ange, Fabrice eut sa réponse.
— Je te jure que...
— Tu l'as déjà dit, le coupa-t-il.
Fab regarda son ami puis soupira. Depuis qu'Ange était revenu au camping en expliquant rapidement pourquoi il n'avait plus de moyen de contact ni même d'argent, le châtain s'était rendu compte que le clown avait déserté. Et si c'était ce qu'il avait souhaité voir autrefois, il réalisait désormais que ce n'était peut-être pas la solution.
— Elle n'est pas ta sœur, Ange.
— Je sais ! répliqua le concerné.
— C'est pas parce qu'elle a le même âge que...
— Je sais ! répéta une fois de plus Ange.
Fabrice se hissa sur un petit muret.
— Je voulais que tu réalises que c'est pas en prenant tout à la rigolade que tu arriveras à mieux vivre. C'est pour cette raison que je l'ai choisie. Je te jure que je pensais pas que l'autre frapperait.
Avec le temps, le coquart d'Ange s'était révélé encore pire que dans les souvenirs de Fabrice. D'ailleurs, tous les gens dont ils avaient croisé la route, s'étaient retournés sur leur passage.
— Je veux plus en parler, souffla le blond.
— Mais bon sang ! Arrête de faire comme si de rien n'était ! Charlotte a...
— Je t'interdis de prononcer son prénom ! s'énerva Ange.
Fabrice leva les mains en signe de paix.
— Ça fait des années. Tu ne crois pas qu'il serait temps que tu te pardonnes tes actes.
L'œil de son ami se teinta de colère.
— Parce que tu crois que c'est vraiment ça le problème ? Tu crois qu'il suffit juste que je pardonne ce que j'ai fait ? Fab, je suis un mec dangereux !
En croisant le regard de plusieurs personnes, son ami réalisa que l'annonce d'Ange venait d'effrayer pas mal de gens.
— Alors quoi, tu vas faire semblant d'être un gamin tout le restant de ta vie ? Putain, t'as vingt-sept ans, pas douze !
Le soupir d'Ange ne lui échappa pas.
— Le mec que j'ai rencontré, il y a plus de dix ans, ne fuirait pas comme ça.
— Alors il serait peut-être temps que tu comprennes que le mec que tu as rencontré il y a dix ans est mort ! trancha le blond avant de contourner son ami pour rejoindre la tente et Angèle qui devait certainement l'attendre.
— Tu dis ça, mais c'est pourtant celui que je vois en ce moment ! répliqua Fab tandis qu'Ange, dos tourné à lui, continua sa route.
On en apprend un peu plus sur Ange et son passé qu'il tient à garder secret. Quelles sont vos théories à son propos ?