Bonne lecture !
7 ans auparavant
Soukeyna venait d'empocher son bac scientifique et pourtant elle n'était pas heureuse. Elle était une littéraire et voulait son bac L mais son père voulait coûte que coûte que sa fille fasse un bac S pour pouvoir devenir médecin. Soukeyna a donc effacé son rêve de devenir avocate et s'est conformée aux désirs de son paternel.
- « Tu veux quoi comme cadeau ma puce ? J'ai vu qu'un nouveau iPhone était sorti »
Soukeyna se retourne pour regarder son père. Mamadou Sy, homme d'affaires dans le milieu de la construction. Son entreprise est leader sur le marché et détient plusieurs succursales en Afrique et à l'international. Raison pour laquelle il n'est jamais chez lui.
- « Non j'aime bien mon 7 plus » répond Soukeyna sèchement avant de continuer à regarder sa série
Son père vient s'asseoir à côté d'elle sur le canapé. Elle adore sa fille, c'est la prunelle de ses yeux, il ne sait juste pas comment s'y prendre. Soukeyna est devenue froide avec lui. Elle n'engage jamais la discussion avec lui, elle ne se confie pas, elle reste juste dans son coin.
- « Tu veux peut-être une voiture » tente son père une nouvelle fois
Soukeyna soupire bruyamment avant de mettre sa série sur pause.
- « Tu sais ce que je veux ? » demande-t-elle en regardant son père
- « Non dis moi » rétorque Mamadou
- « Je veux retourner au Sénégal. Ça fait quatre ans déjà et j'en ai marre d'être ici. Je déteste les anglais , je déteste l'Angleterre, je veux retourner chez moi »
- « Je ne savais pas que tu ressentais cela » s'étonne son père
- « Bien sûr que tu n'en sais rien. Tu ne penses qu'à toi »
Les paroles de Soukeyna blessaient tout de même son père. Tout ce qu'il faisait dans sa vie, c'était pour sa fille. Il voulait le meilleur pour elle, tout ce qu'il n'a pas reçu. Ce qu'il ne savait pas est que sa fille voulait juste de l'amour, l'amour de ses parents.
- « Pourquoi tu veux retourner à Dakar ? Ne me dis pas que ta mère te manque ? » demande son père en souriant légèrement
Lui aussi n'est pas en bons termes avec sa femme. Dès qu'ils sont dans la même pièce, c'est dispute sur dispute et c'est pourquoi il préfère travailler à l'étranger.
- « Pas une seule seconde » répond Soukeyna en souriant elle aussi
- « Tu veux revoir Mouhamed c'est ça ? »
Elle regarde son père, surprise. Ils n'ont jamais parlé de Mouhamed. Oui son père connaît son ami, ils se sont vus une fois ou deux mais rien de plus. Il ne connaît pas la relation qu'ils entretiennent. Enfin elle le croyait.
- « Ta mère m'en a parlé » déclare son père en anticipant sa question
- « Euh ... oui. J'espère juste qu'il me pardonnera » souhaite Soukeyna, la mine triste
// Ce jour-là, après l'humiliation que venait de subir son ami, Soukeyna ne pouvait pas rester dans sa chambre sans rien faire. Après que sa mère ait quitté sa chambre, elle s'est précipitée pour prendre son petit téléphone pour appeler Mo. Elle a essayé au moins cinq fois avant de se rendre compte que le téléphone de son ami vibrait dans sa chambre.
Elle se dirige vers la porte pour sortir et allait chez Mouhamed mais malheureusement la porte était fermée à clé. Elle a cru qu'elle deviendrait folle ce jour là. Comment elle va faire pour le joindre ?
De l'autre côté de la maison, sa mère était entrain de parler à son mari pour planifier le départ de sa fille. Pour elle, il fallait absolument que sa fille quitte le pays pour arrêter cette quelconque relation. Pas question qu'elle aille à l'école le lendemain ni un autre jour. //
- « Je retourne à Dakar la semaine prochaine mais juste pour un mois. On peut y aller ensemble mais il faut que tu me promettes que tu rentreras avec moi à la fin du séjour et que tu n'essaieras pas de t'enfuir » expose son père
Soukeyna hochait la tête frénétiquement. Elle ne voyait que Dakar pour l'instant. Elle n'a pas le temps de débattre sur quoique ce soit.
Au Sénégal, Mouhamadou Moustapha venait de valider son deuxième année universitaire avec difficulté. Les études universitaires n'étaient pas faciles. Mais il savait qu'il devait réussir et rien ni personne ne l'empêchera d'atteindre son objectif.
Il n'a plus reparlé à Soukeyna et il se disait que c'était mieux ainsi. Il savait au fond de lui que jamais sa mère ne l'accepterait et jamais il ne changerai pour plaire à une quelconque personne.
// Le jour où Mouhamed a quitté la maison de sa meilleure amie a été la pire journée de sa vie. Il est rentré et s'est directement enfermé dans la chambre qu'elle partageait avec sa grande sœur. Il n'avait pas de chambre car l'appartement qu'ils avaient loué ne contenait que deux chambres et l'autre était occupée par ses parents.
Il s'est mis devant le miroir et s'est demandé qu'est-ce qu'il avait de moins que les autres. Au Sénégal malheureusement l'habit faisait le moine. Il vivait cela tous les jours. Mais il était très fort, ne montrait presque jamais ses sentiments et lorsque des gouttes de larmes sont tombées de ses yeux, il s'est empressé de les essuyer et de les refouler.
Non, il ne faut pas que je pleure se disait-il. Non c'est qu'il me faut c'est de la détermination et du courage. Je vais réussir si Dieu le veut. Je serai riche et je rendrai ma famille riche comme celle de Soukeyna. Je serai tellement célèbre et reconnu que Madame Sy Aminatou Sall entendra mon nom partout.
Le lendemain, il retourne à l'école avec un tout nouveau état d'esprit. À sa grande surprise, il ne voit pas Soukeyna. Même s'il avait décidé de l'ignorer, ça l'inquiétait de ne pas la voir, elle qui ne ratait aucun cours jusque là. Plus les jours passaient, plus son inquiétude augmentait. Il demandait à ses amies de classe mais personne ne savait où elle était. Il ne voulait pas se l'avouer mais il n'arrivait plus à se concentrer en cours, d'autant plus qu'il avait remarqué qu'il avait oublié son portable chez elle. Il ne savait pas comment prendre de ses nouvelles.
- « Do lekk Mouhamed. Tu ne manges pas ? » lui demande sa mère en voyant son fils jouait avec sa cuillère
- « Agnal mo geune ci iow. Li beine yone leu ci weer bi dh. Mange c'est mieux pour toi. Ça arrive une fois par mois » ajoute sa sœur Fatima
En effet, aujourd'hui la mère de Mouhamed, Aïssata Fall dit mère Aïda, avait préparé un bon thiebou dieune bou khonk (riz rouge au poisson). Elle était un cordon bleu, ses plats étaient toujours succulents. Son mari Saliou avait réussi à avoir un client qui avait commandé dix tenues pour une cérémonie et la paie a été bonne. Il n'a pas encore d'apprenti c'est pourquoi il reste à l'atelier même les dimanches.
- « Warone nga invité Soukeyna nak, sama thiat bi. Aka bakh té yarou. Tu aurais dû inviter Soukeyna, ma benjamine. Elle est tellement gentille et disciplinée » dit sa mère en fixant son fils
C'est une mère et elle sait que son fils ne va pas bien. Mouhamed n'a pas beaucoup d'amis et d'habitude c'est quelqu'un de joyeux, s'il est comme ça c'est peut-être à cause de Soukeyna.
- « Pourquoi tu l'emmènes dans la discussion ? » répond Mouhamed en prenant une bouchée pour la première fois
Fatima regarde sa mère avant d'éclater de rire. Il taquine toujours son frère à propos de Soukeyna. Pour elle, il voit en Soukeyna plus qu'une meilleure amie.
- « Fatima reste tranquille. Tu t'es disputé avec Soukeyna, Mouhamadou ? » demande mère Aïda
Mouhamed foudroyait sa sœur du regard. Ils avaient quatre ans de différence d'âge mais ils étaient comme chien et chat ces deux là.
- « Non on n'a pas eu le temps puisqu'elle ne vient plus à l'école » finit-il par dire en roulant des yeux
- « Mais peut-être qu'elle malade. Tu m'avais dit qu'elle souffrait en période de menstruations non, peut-être que c'est ça » déclare sa sœur plus sérieusement
- « Je ne crois pas non »
- « Fatima va t'accompagner et vous allez la voir. On soutient ses amis Mouhamed même si vous êtes en froid. Aythia dioug leine. Allez, levez-vous » ordonne sa mère
- « Wa yaye thieb bi nak. Mais maman, le riz ? » s'exclame Fatima qui se voit retirer sa cuillère des mains
- « Vous allez manger à votre retour. Mouhamed n'a pas faim et toi tu as déjà tout mangé »
Fatima et Mouhamed étaient arrivés chez Soukeyna une heure après en faisant deux trajets en clando*. Fatima était éblouie, elle n'avait jamais vu une maison aussi grande, aussi belle. Pendant ce temps Mouhamed était en stress, il n'avait pas parlé de l'incident qui s'était passé il y a quelques jours. Il espérait juste que ça ne reproduise pas devant sa sœur.
- « Qu'est-ce qu'on attend ? » pressait Fatima
- « Da nga eupeul nak. Tu es maladroite, ne touche à rien » prévient Mouhamed avant d'avancer vers le portail où se trouvait le gardien
- « Bonjour Alioune » dit Mouhamed en arrivant à sa hauteur
- « Ah Mo ! Comment tu vas ? Ça fait longtemps » s'intéresse le gardien en reconnaissant le garçon
- « Je vais bien. Euh est-ce que Keyna est à l'intérieur ? » demande-t-il en passant une main dans ses cheveux
- « Je viens de reprendre le travail, je vais aller vérifier. Vous pouvez patienter à l'intérieur » annonce Alioune en sortant de sa cabine
- « Non, ce n'est ... »
- « Bien sûr avec plaisir » rétorque Fatima en coupant son frère
Alioune sourit et décide de leur montrer le chemin. Ils arrivent dans un petit salon qui faisait déjà la taille de leur appartement. Fatima regardait partout, le faux plafond, les lustres.
- « Legui seu loss bi damb. Bientôt ton cou va se tordre » lui dit son frère pour l'embêter
- « C'est pas grave. T'as vu ces canapés. Je pourrai dormir ici toute ma vie »
À peine qu'elle termine sa phrase que la maison se met à résonner. Fatima ne comprend pas ce qui se passe mais son frère lui sait exactement ce qui va suivre en entendant la voix de Madame Sy.
Cette dernière entre dans le petit salon, Alioune derrière elle. Il a le visage apeuré et inquiet.
- « Iow khana tatt ngey degué. Tu entends par les fesses ou quoi ? » explose Aminatou à l'encontre du jeune homme
Fatima sursaute de surprise en entendant le ton utilisé de cette dame à l'encontre de son frère. Elle qui était toute contente et émerveillée d'être dans une telle maison voyait ce sentiment remplacé par de la colère. Elle regarde son frère qui était calme et qui ne prévoyait pas de répondre.
- « Madame qui êtes-vous pour parler ainsi à mon frère ? Peut-être qu'il vous respecte trop pour pas vous répondre mais je ne vous connais pas et j'en ai rien à faire de vous remettre à votre place » intervient Fatima en avançant légèrement
Aminatou la regarde de haut en bas sans lui accorder davantage d'importance. Elle se retourne à nouveau vers Mouhamed qui à l'intérieur explosait de rage.
- « Je t'avais prévenu n'est-ce pas ? Je ne vais même pas attendre demain pour appeler votre directeur. Je vais le faire aujourd'hui et tu seras immédiatement renvoyé de cette école. Et je ferai en sorte qu'aucune autre te prenne »
Fatima était choquée. Comment une personne pouvait être aussi méchante, surtout envers un enfant, un adolescent. Elle n'en croyait pas ses oreilles.
- « Osez seulement. Si vous le faites, on porte plainte contre vous. On n'est peut-être pas riche mais personne ne nous manque de respect » déclare Fatima avec un ton menaçant
- « Est-ce que Soukeyna est là ? » demande Mouhamed en ignorant complètement les paroles de Madame Sy, ce qui la mettait encore plus en colère
- « Je t'ai dit de laisser ma fille tranquille. Mais c'est pas grave parce que tu ne la reverras plus jamais. Elle est partie loin, elle est en Angleterre et elle ne t'a pas dit au revoir parce qu'elle s'en fout de toi. Elle s'ennuyait juste mais tu n'es rien pour elle. Maintenant sortez de ma maison, vous allez la salir avec vos habits bas de gamme là » //
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