Chapitre 9

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Le temps entre deux soirées dans ce club s'amenuise. La dernière, celle que j'ai passée dans la salle « L'Orgueil », remonte à seulement cinq jours. Venir voir Maé semble être devenu une habitude comme celle d'appeler mes parents chaque samedi matin ou de prendre du fromage blanc au petit-déjeuner. Pourtant, cela se limite à quelques minutes en sa présence. Un quart d'heure pour être tout à fait exact. Mais je crois que j'aime tout le rituel qui s'est instauré ces soirs-là...

Après être resté quelques minutes dans ma voiture, moteur éteint, à réfléchir au pourquoi du comment je me trouve sur ce parking, je finis par passer la porte principale. Imposante et insonorisée, elle donne accès à un autre monde dans lequel j'ai l'impression de mieux m'intégrer à présent. Les videurs me reconnaissent et me saluent. Josselin aussi quand c'est lui au bar, comme aujourd'hui.

Puis vient l'attente. Plus ou moins longue. Ces minutes durant lesquelles mon impatience et mon excitation montent lentement mais sûrement. Je me retrouve alors dans un état presque second. La discussion avec le barman aussi intéressante puisse-t-elle être, ne me change pas les idées, ne me dévie pas de mon objectif. Maé.

Finalement, la délivrance. Ce moment où Maé se libère pour moi me fait croire qu'il est entièrement à moi. Commencent alors quinze minutes où son corps se meut, m'ensorcelle et m'emprisonne dans cette réalité parallèle. Juste quinze petites minutes où plus rien au monde ne compte. Que ce soit mes clients qui risquent la perpétuité, mes proches ou même moi... Il n'y a que Maé, sa beauté, sa sensualité.

Aujourd'hui ne semblait pas faire exception... Je suis installé au bar, à siroter mon Gin Tonic, un sourire aux lèvres à l'idée de ce qui allait suivre. Cette fois, je n'ai pas pris mon manteau ou même ma veste de costume pour ne pas en être encombré. Je ne sais jamais quoi en faire. Je deviens un professionnel moi aussi dans un sens...

— Comment tu fais pour venir toujours les soirs où Maé travaille ? m'interroge Josselin.

Un de mes sourcils se lève à cette révélation. Jusqu'à maintenant, je n'avais pas pris conscience que Maé ne travaille pas tous les jours, qu'il n'habite pas ici et qu'il a une vie en dehors des murs de ce club. Je suis stupide. Maé n'est pas un robot, c'est un être humain comme moi. Je baisse les yeux en ramenant mes cheveux en arrière dans un geste tremblant.

— La chance ? proposé-je.

Le destin, me souffle une petite voix dans ma tête.

— Ça pourrait presque être la réponse d'un stalker... Ou d'un psychopathe, me fait-il remarquer, souriant. Vu ton métier, tu dois pas mal t'y connaître !

Je ris avant de prendre une gorgée.

— Vu que mes clients finissent tous par être accusés, je ne suis pas sûr qu'ils soient les meilleurs exemples à suivre.

— Pas faux ! confirme-t-il en me pointant de l'index.

Il s'éloigne de moi pour s'occuper de la commande d'un petit groupe d'amis, me laissant seul face à mes pensées. Je suis attaché à Maé, vraiment. J'aime ces moments ici qui n'appartiennent qu'à nous. Je ne rêve que de le faire mien. Il est le seul qui réussisse à combler ce vide en moi, et ce, juste avec sa présence. La soirée avec Imane et Jean que j'ai finie avec une inconnue et qui n'a eu aucun effet sur moi est la preuve que Maé compte plus qu'il ne le faudrait.

Et le jour où ces danses ne suffiront plus ?

Je tâtonne les poches de mon pantalon, à la recherche de mon téléphone, mais je réalise que j'ai dû le laisser dans ma voiture. J'aurais pourtant bien aimé envoyer un message aux gars, juste... je ne sais pas. Qu'ils me rassurent ? Me réconfortent ? C'est ridicule, je ne suis plus un gamin et même à l'époque, je n'avais pas besoin qu'ils agissent ainsi.

Mes doigts commencent à tapoter nerveusement sur le bois, à côté de mon verre à moitié vide dont je n'ai plus envie. L'impatience prend le pas sur l'excitation. Je veux voir Maé tout de suite pour me repaître de lui et me sentir entier. Je désire seulement qu'il me prouve que ses danses ne s'arrêteront jamais et que cette situation n'est absolument pas bizarre.

Je ne suis pas un psychopathe, mais un voyeur pervers sans l'ombre d'un doute...

Je relève les yeux et Josselin me fait signe d'y aller en me montrant trois doigts puis la droite avec son pouce. J'ignore comment je peux comprendre ce qu'il me dit et pourtant... Troisième porte à droite. Je ne prends pas la peine de finir mon cocktail et traverse la salle principale sans faire attention aux bruits ou même aux personnes présentes. Tout ce qui m'intéresse, c'est Maé.

Un... deux... trois... J'y suis. Une petite pancarte m'annonce que je vais entrer dans la salle « La Gourmandise ». Un sourire amusé prend place sur mes lèvres. Je m'imagine déjà des bonbons, des pâtisseries, des boissons colorées... Je mentirais s'il n'y avait pas entre deux sucreries quelques pensées lubriques concernant quelques gâteries. Je me reprends, secouant la tête pour faire fuir ces pensées.

Comme à chaque fois, l'endroit est nouveau. Dans des tons orangés et chauds, j'ai la sensation d'avoir fait un retour dans le temps, d'avoir atterri dans les années 70. Si Maé arrivait avec un pantalon pattes d'éléphant et des énormes lunettes vertes, je ne serais même pas étonné. Mais il n'est pas là, la pièce est vide. Il n'y a que moi, un petit canapé deux places blanc et une barre de pôle dance.

Pendant mon observation des lieux, l'adrénaline se répand doucement dans mes veines. J'appréhende, mais en même temps, j'ai hâte que Maé fasse son apparition. Je fais quelques pas dans la salle et aperçois une porte au fond d'où il devrait sortir. Mon rythme cardiaque s'accélère à cette idée. Cependant, je sursaute de peur quand celle par laquelle je suis arrivé claque derrière moi. Je fais demi-tour et me retrouve face à face avec Maé...

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