Chapitre 5

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Sa tête est penchée vers l'avant ce qui m'empêche de voir correctement son visage, mais tout son corps est bien visible. Mon buste se recule un peu, pour mieux épouser le dossier du fauteuil tandis que je savoure la vision que Maé m'offre à cet instant. Il ne bouge pas et pourtant, il dégage une telle puissance, un tel charisme que ça en devient perturbant.

— Tu as mis du temps pour me rejoindre...

Sa voix n'est qu'un murmure par-dessus la musique. Mes paupières papillonnent légèrement. Je ne m'attendais pas à ce qu'il parle dans un tel moment, mais je crois que j'apprécie.

— Tu as failli changer d'avis ?

Sur ces mots, il relève les yeux, les plongeant directement dans les miens. Je déglutis. Ses pupilles sont dilatées, mais je suppose qu'il porte des lentilles pour donner cette impression de désir et ainsi charmer plus facilement le client. L'idiot que je suis. Et ça marche. Je secoue la tête pour simple réponse, faisant naître un fin sourire sur ses lèvres.

— Je préfère ça.

Il se mordille la lèvre et une décharge traverse ma colonne vertébrale. J'ai toujours pensé que les femmes étaient les seuls êtres vivants capables de ça. Séduire, même envoûter avec de petits gestes. Cependant, Maé est la preuve ultime que certains hommes peuvent aussi avoir ce pouvoir et savoir exactement comment l'utiliser.

— Ne regarde que moi maintenant, m'ordonne-t-il d'une voix chaude.

J'ai presque envie de lui répondre que je suis venu et même que je paie juste pour ça, que je ne vais donc pas me gêner, mais je suis trop hypnotisé par lui. En suivant le rythme de la mélodie, il passe les mains dans ses cheveux, les ramenant en arrière. Il ferme les yeux comme s'il profitait de ce geste. Comme s'il le faisait vibrer.

Elles descendent dans son cou puis son torse, par-dessus sa chemise noire. Sa transparence ne fait aucun doute et ne laisse aucune place à mon imagination. Je peux apercevoir les contours de son ventre. De ses abdos. De son nombril. L'élastique de son sous-vêtement est même visible. Mais en même temps, tout me semble si loin et surtout mystérieux avec ce simple tissu.

Lentement, il fait onduler son corps. À plusieurs reprises. La température monte d'un cran. Mes poumons commencent à avoir un peu de mal à trouver de l'oxygène. L'une de ses mains vient trouver sa place sur son sexe tout en continuant ses mouvements lascifs. Comment peut-il bouger aussi sensuellement ? Comment peut-il être si... sexy ?

Mes yeux remontent jusqu'à son visage où les siens sont toujours fermés. Ils ne peuvent plus se détacher de ses quelques mèches blondes sur son front, ses paupières closes, ses longs cils, ses petites pommettes rosies, son nez fin, ses oreilles dont les hélix retombent légèrement et sa bouche dont les extrémités semblent vouloir dessiner un sourire naturellement.

— Tu es beau...

Maé s'arrête dans sa danse, les yeux ouverts sur moi. Il reste un instant immobile avant de me sourire. Sa main qui était au niveau de son bassin se pose à plat sur la paroi tandis qu'il laisse échapper un léger grognement.

Mes mots ont été plus rapides que ma pensée. J'aurais dû réfléchir. Je ne connais pas les règles. Il est peut-être interdit de dire ce genre de choses. Pourtant, je suis presque certain que des clients doivent dire bien pire que moi. Moi... C'était juste un compliment, un constat... Un magnifique constat qui m'embrouille encore plus l'esprit.

Depuis quand je trouve les hommes beaux ?

Mais je ne pouvais pas lancer une analyse de mon système nerveux à cet instant. Je devrais attendre d'avoir retrouvé mon lit pour me poser des centaines de questions existentielles sans oublier l'autoflagellation pour avoir osé mettre les pieds ici.

— Je suis désolé...

Le ricanement de Maé résonne dans sa cabine et il me semble le retrouver. Je ne le connais pas, mais pour moi, cette moquerie légère le caractérise... Encore plus que son physique parfait.

— Ne t'excuse jamais pour ça.

Et il reprend sa danse. Les secondes ou bien l'éternité qui suivent cette phrase sont incroyables. Il bouge en rythme. Retire sa chemise me laissant confirmer le fait que ses abdos sont une véritable œuvre d'art. M'expose son tatouage dans le creux de ses reins que je ne réussis toujours pas à distinguer clairement. M'attise avec des mouvements lubriques avec ses fesses rebondies. Et m'excite complètement quand il retire finalement son pantalon.

De la sueur coule le long de mes tempes ainsi que dans mon dos. Mon rythme cardiaque est chaotique et ma respiration digne du pire asthmatique du monde après s'être enfilé un paquet de clopes. Mes jambes flageolent. Ma gorge est sèche. Mon cerveau a explosé entre la chemise et le pantalon. Mes doigts ont fusionné avec les accoudoirs.

Quand la musique cesse, je me sens étourdi. Je n'ai pas bougé pendant le quart d'heure qui m'était alloué et cela me fait bizarre de revenir à la réalité. Mon regard savoure une dernière fois le corps de Maé, seulement protégé par un boxer avant de se baisser pour ne pas croiser le sien. Je veux éviter la gêne que cela créerait.

— Merci...

Ce mot, c'est Maé qui le prononce, mais il fait écho à mes propres sentiments.

— J'espère... te revoir...

Je souris timidement. Bien entendu, il doit dire ça à chacun de ces hommes qui s'assoient sur ce siège, mais j'apprécie cette déclaration. La manière dont il s'est arrêté. Le silence qu'il a laissé. Je relève rapidement les yeux, mais il a déjà disparu derrière les rideaux.

Je suis à la foissoulagé et déçu de ne plus le voir, mais je dois m'y faire. C'est un danseur,c'est son métier. Mais une étrange sensation s'empare de moi. Celle de mesentir comme un nouvel homme. Je n'ai pas couché avec Maé. Je ne l'ai même pastouché. Pourtant, ce vide qui me comprime la poitrine d'ordinaire, s'estévaporé le temps de cette danse. Grâce à un homme. Grâce à Maé.

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