Chapitre 2

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Jean me hurle dans l'oreille et malgré ça, je ne comprends qu'un mot sur deux qui sort de sa bouche. Je ne m'attendais pas à ce que la musique soit si forte et pourtant, c'était évident. Je suis dans un club de strip-tease, je croyais quoi ? Que je pourrais parler marchés financiers et paix dans le monde tout en sirotant un thé vert ?

Je secoue la tête avant de me tourner vers mon frère pour lui faire signe que je ne l'entends pas. Il lève les yeux au ciel puis fait un mouvement de main pour me signifier de laisser tomber. Ses poings se ferment comme pour essayer de se convaincre de ne pas fuir tout de suite. Je ricane, adorant le voir aussi mal à l'aise. Je pose une main sur son épaule que je serre doucement.

Les mains dans les poches, je suis Jean et le reste du groupe dans l'établissement, slalomant entre les clients légèrement alcoolisés et les serveurs légèrement vêtus. Mes yeux papillonnent d'un point à un autre sans vraiment se poser quelque part. En dehors de la musique et du manque de femmes, l'endroit me plaît bien avec ses fauteuils bordeaux et les tables basses noires. Le sol d'un gris anthracite fait très chic et la lumière tamisée donne un côté cocooning très agréable.

Un timide sourire prend place sur mes lèvres alors que nous nous installons sur la droite de la scène, à seulement deux mètres d'elle. Je vois mon frère grimacer fortement en y jetant un coup d'œil. La soirée va être longue pour lui et amusante pour moi. D'un coup habile, je ramène mes cheveux en arrière, mais ils ne tiennent pas. Contrairement à d'habitude, lorsque je travaille, je n'ai pas mis de gel et cela me fait bizarre d'être peigné ainsi.

Mon regard va se poser sur un homme torse nu qui est en train de servir une table non loin de nous. Il a dû passer pas mal de temps en salle de musculation pour être comme ça. Toujours les yeux posés sur le serveur, j'essaie d'estimer le temps moyen qu'il faut pour avoir des bras qui font la même circonférence que mes cuisses. Je suis sorti de mes calculs par un portable que Jean me met sous le nez. Je louche quelques secondes avant de le reculer un peu pour voir l'écran :

Comment tu peux être si à l'aise dans cet endroit ?

Je ricane un peu, mais avant que j'aie pu lui répondre quelque chose, il reprend son portable et tapote à nouveau dessus :

Tu es bisexuel ?

Mes yeux ressemblent à des soucoupes à la lecture de son second message. Je lui rappelle à l'écrit :

Rien à voir. Tous ces mecs sont peut-être gays, mais je sais que personne ne va me sauter dessus et me baiser ici sans mon consentement. Et ce n'est pas toi qui as un meilleur ami gay ?

Il hausse les épaules comme si cela n'avait rien à voir et pourtant, je me souviens de toutes ces nuits où Capu est venu dormir à la maison, toutes ces fois où ils ont partagé un lit, tous ces moments où Capu l'a pris dans ses bras, juste parce qu'il en avait envie. Si ce comportement ne le dérange pas, qu'est-ce que ça peut lui faire de voir un gars retirer une chemise et bouger son cul ?

Jean range son portable et nous tentons d'échanger quelques mots avec les autres invités de l'enterrement de vie de garçon, mais très vite, je perds patience et m'enfonce dans mon siège. J'en profite pour évaluer le type de personnes qui vient dans ce genre d'établissement. Mon observation est interrompue pendant quelques secondes seulement, pour indiquer ma commande à l'employé.

Les minutes qui suivent passent rapidement entre mon verre de Gin Tonic, le malaise encore palpable de Jean et le spectacle qui se déroule devant nous. Capu et son futur mari semblent passer une excellente soirée et même si je trouve toujours ça très bizarre de rencontrer l'homme de sa vie dans un club comme celui-ci, je suis content pour eux. Et les jalouse un peu aussi. Ils ont réussi là où moi, j'échoue lamentablement depuis des dizaines d'années.

Les verres d'alcool s'enchainent. La bonne humeur prend ses aises. Les rires s'intensifient. L'euphorie fait son apparition. Mes soucis s'envolent. Ma vue se trouble par moment. Mon esprit se perd parfois. Mais tout cela me fait du bien. Finalement, j'ai bien fait d'accompagner Jean ici. Je me penche vers lui, lui tapotant l'avant-bras pour attirer son attention et quand je l'ai, je lui demande en criant :

— Où sont les toilettes ?

Il fronce les sourcils pour essayer de comprendre ce que je dis. Je répète ma question, mais toujours rien. Je soupire et me lève. Je les trouverai bien moi-même. L'endroit n'est pas immense non plus. Je tangue légèrement sur les premiers mètres, mais me reprends très vite. Je me dirige directement vers un couloir sur ma gauche par lequel un homme a disparu.

La luminosité diminue à mesure que j'avance dans le corridor. La musique baisse en intensité et mon cerveau semble me remercier de m'éloigner au moins momentanément du bruit. Je crois qu'en plus de l'alcool, la fatigue accumulée après ma semaine de plus de cinquante heures, me fait perdre un peu l'équilibre. Je m'appuie alors à plusieurs reprises contre le mur.

À quelques mètres de moi, un homme sort d'une salle, une main au niveau de sa braguette et même si je pense sérieusement qu'il aurait pu se rhabiller dans les toilettes, je suis presque heureux de le voir, m'indiquant ainsi où aller. Sans attendre, je me dirige vers la pièce et y entre, fermant instinctivement la porte derrière moi.

Je me fige sur place alors que des informations envahissent mon esprit. Autour de moi, il n'y a ni cabine de toilettes, ni lavabo, ni même du carrelage. Malgré le peu de lumière ici, je distingue un canapé à deux mètres de moi. Tout ça me fait comprendre que je ne suis clairement pas à l'endroit souhaité.

Pourtant, je ne fais pas demi-tour, je ne fais pas le moindre pas en arrière. Je reste immobile à l'entrée, les yeux posés sur le dos nu d'un inconnu. Il n'a pas encore remarqué ma présence alors j'en profite pour détailler son corps. Des cheveux blonds, des épaules larges, une peau qui semble hâlée, un tatouage dans le creux des reins dont je n'arrive pas à reconnaître réellement la forme et surtout des fesses à croquer dans son pantalon noir... Je secoue la tête à cette dernière pensée avant de m'exclamer, naturellement, comme si ce n'était pas moi qui venais de débarquer :

— T'es qui ?

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