Chapitre 4

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Tu es intéressé ? Ou juste perdu ?

Ses mots ont résonné en moi pendant de longues heures. Mon cerveau n'a pas cessé de me repasser les quelques minutes que j'ai partagées avec ce Maé et il ne me reconnaît pas. Cette timidité, ce bafouillage, ce manque d'initiative ne me ressemblent pas et avec le recul, me font pitié.

Je me souviens de tout ce qu'il s'est passé ce soir-là, de tout ce que j'ai pensé sur cette pièce, sur ces strip-teases individuels, sur ces hommes qui s'excitent sur ces danseurs... Je m'en souviens très bien et au fond, mon jugement n'a pas changé. Il faut être un peu dérangé. Mais c'est comme ça que j'en suis venu à cette conclusion...

Je suis un obsédé, un pervers...

C'est un fait à présent établi et je n'en ai même pas honte. Enfin plus honte. Cela fait plusieurs jours que le corps de ce Maé ne quitte plus mes pensées, mes rêves, mes fantasmes... J'ignore pour quelles raisons, mais je ne peux plus me mentir, ce mec m'attire. Enfin son physique plus qu'avantageux. C'est pour cela que je me retrouve assis au bar du club.

— Vous désirez autre chose ?

Mon regard remonte de mon verre vide au barman, penché vers moi, en passant par sa chemise ouverte sur son torse. Sa main posée sur mon avant-bras me gêne tout comme son sourire qui sonne faux. Je me retire de sa prise et prends enfin mon courage à deux mains :

— Maé !

Le sourire du barman s'agrandit alors qu'il se redresse. Il jette un coup d'œil derrière moi et je me fais violence pour ne pas l'imiter.

— Tout le monde désire Maé, mais je crois que ça ne va pas être possible. Il est déjà... Très occupé.

Il me fait un clin d'œil. Il peut très bien me dire qu'il est avec un client. Je sais où je me trouve. Je l'assume, enfin pas totalement, mais je n'en suis pas loin. Je sais parfaitement que ce Maé n'est qu'un stripteaseur duquel je ne dois rien attendre. D'ailleurs, je n'attends rien de lui. À part de le voir bouger.

— Mais je peux vous présenter à...

— Non ! le coupé-je aussitôt.

Je ne veux pas n'importe quel homme. Je ne suis pas là pour m'exciter sur un mec quelconque. Les mecs ne m'intéressent pas de toute manière. Seul Maé peut me satisfaire ce soir, j'en suis persuadé.

— J'attendrai... D'ici là, j'en prendrais un autre.

Pour qu'il n'ait pas de quiproquo, je soulève mon verre pour lui faire comprendre de quoi je parle et sans un mot de plus, il me fait un second Gin Tonic qu'il pose devant moi.

— Ça peut lui prendre un moment, affirme-t-il.

— Ça tombe bien, j'ai toute la nuit devant moi.

J'ai mis du temps à me décider à revenir ici, mais maintenant que je suis là, je ne bougerai pas tant que je ne l'aurais pas vu. Je profite donc de cette attente pour discuter longuement avec Imane, mon meilleur ami, via les réseaux sociaux et même pour envoyer quelques mails professionnels. Je crois même avoir commandé un troisième Gin Tonic. J'en bois d'ailleurs une gorgée et lorsque je repose mon verre sur le comptoir, une silhouette à ma gauche attire mon regard. J'esquisse un sourire en le reconnaissant. Maé. Il prend une goulée d'eau à même la bouteille et sans nous concerter, nous nous tournons l'un vers l'autre.

— Alors on m'attend depuis longtemps ?

Je hausse les épaules avant d'atténuer un peu :

— Quelques minutes tout au plus...

Après ma demi-vérité, il se penche vers moi et me susurre à l'oreille :

— Moi, ça fait sept interminables jours...

Alors qu'il se recule un peu pour sans doute voir ma réaction, je baisse la tête, gêné par cette déclaration. Je sais que c'est un homme. De plus, un homme qui joue un rôle pour son travail et pourtant, ça me trouble qu'il dise ce genre de choses. Qu'il se souvienne de moi.

— Toujours aussi mignon ! déclare-t-il, joyeusement.

Il se passe la langue sur les lèvres et tout en posant sa main sur le haut de mon bras, m'interroge :

— Alors intéressé ?

Je hoche la tête.

— Super, chuchote-t-il avant de faire glisser son index le long de mon bras. Retrouve-moi dans la salle Paresse alors. La première à gauche.

Son regard intense plongé dans le mien, il se recule de quelques pas. Sa langue passe une nouvelle fois sur sa lèvre inférieure, me donnant bien trop chaud. Je déglutis. Il se détourne et s'éloigne. Je ne le lâche pas tant qu'il n'a pas disparu et même si je devrais le suivre, une boule d'appréhension me tort l'estomac.

Je suis souvent allé dans des clubs de strip-teases, ai souvent regardé des spectacles de femmes se déshabillant sur scène, mais jamais, je n'ai été en tête-à-tête avec l'une d'elles... Alors avec un homme... Ma perversité me fait réellement faire des choses stupides et incroyablement gênantes.

— Je crois que c'est le moment d'y aller, intervient le barman, amusé en me montrant le couloir du doigt.

Je finis mon verre cul sec et me lève, l'ignorant complètement. Dans un état presque second, je traverse la salle et atteins le couloir. Je n'ai aucun mal à trouver la première porte à gauche. Elle est à un mètre de moi, avec une petite pancarte sur laquelle est écrit « La Paresse ». Après une profonde inspiration, je me jette dans la gueule du loup et j'ai l'impression que cette expression n'a jamais aussi bien marché qu'aujourd'hui...

La pièce est beaucoup plus petite que celle que j'ai découverte la dernière fois. Décorée dans les tons bleu foncé, elle m'est agréable. Son fauteuil installé au centre fait face à des rideaux assortis au reste. En dehors de ça, l'endroit est vide. Je fronce les sourcils en refermant la porte et lance un regard presque paniqué autour de moi tandis qu'une voix suave venue de nulle part m'intime de me mettre à l'aise.

Je contourne le siège et m'y assois, ne me sentant clairement pas à ma place. Mes doigts s'enfoncent dans les accoudoirs. Soudain, une musique retentit, me faisant sursauter sur place. Les rideaux s'actionnent et s'ouvrent sur une cabine aux parois transparentes. À l'intérieur, Maé a les avant-bras appuyés sur le mur de verre, face à moi.

Attention, le ballet vacommencer...

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