Chapitre 8

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Je rentre en grommelant de mes corvées, j'en ai vraiment assez que Mr.Dev nous prenne pour ces esclaves ! Je boutonne ma veste pour tenter de me réchauffer mais rien à faire : j'ai toujours aussi froid. Je regrette de ne pas avoir pris le poncho mais sachant que mes corvées du jour risquaient de le salir, j'ai préféré le laisser au foyer. Je marche à pas rapides vers le foyer quand soudain, un bruit m'arrête : quelqu'un est en train de pleurer. Je regarde autour de moi en plissant les yeux : avec l'obscurité on ne voit pas grand-chose. Malgré tout, j'arrive à apercevoir une silhouette au loin, en me rapprochant discrètement je reconnais Joeffrey, il est assis par terre et sanglote. Je ne l'ai jamais vu ainsi, d'habitude il est toujours en train de rire de tout et de tout le monde mais là il paraît plus...vulnérable.

Par habitude, je commence à sortir mon téléphone pour filmer la scène, si le foyer le voit comme ça, ça salirait considérablement son image et il arrêterait d'être méchant avec tout le monde, de plus ce sera pour moi comme une vengeance personnelle. Je pointe la caméra sur lui, mais au moment d'appuyer sur enregistrer, un souvenir me revient instantanément. Moi aussi je pleurais il y a deux jours, moi aussi je m'étais éloignée pour que personne ne me voit, j'avais froid...Emmanuel s'est assis près de moi, il m'a entouré avec son poncho et m'a réconforté, il ne m'a pas jugé. C'était la première fois que l'on m'offrait autant de gentillesse et, lorsque je lui ai demandé ce que je pouvais faire pour le remercier il m'a simplement dit : « Fais la même chose, lorsque quelqu'un d'autre pleurera ».

A contre cœur j'éteins mon téléphone et j'enlève ma veste, certes j'ai froid mais au moins je porte un pull, Joeffrey lui, est en t-shirt. Je m'approche et dépose ma veste sur ses épaules, dès qu'il me voit, il se cache le visage.

-Qu'est-ce que tu fous là ?! Me demande-t-il.

-Je rentrais et comme t'étais en t-shirt je me suis dit que tu avais peut-être froid...

-J'ai pas besoin de ta pitié, reprend-la ta veste ! Dégage ! Dit-il en me la jetant au visage.

-Très bien, très bien, si tu veux que je m'en aille j'y vais mais avant j'aimerais te donner ça. Je lui réponds en lui tendant un mouchoir.

Il regarde celui-ci d'un air dédaigneux.

-Sérieux tu joues à quoi Jaël ?! Tu m'as pris en photo c'est ça ?! Tu veux faire une vidéo discretos pour m'humilier devant tout le monde ?! Ça te suffit pas d'attirer toute l'attention au foyer ?! Vas-y fais ce que t'as à faire et fous-moi la paix !

-Je n'ai pas fait de vidéo !

-Ouais c'est ça ouais !

-Tiens, je lui dis en lui tendant mon portable, je l'ai éteins mais tu peux le rallumer et fouiller, tu ne trouveras rien de compromettant sur toi.

Il le prend et le rallume, je mets mon code et il commence à fouiller frénétiquement ma galerie, mes messages mais il n'y rien à voir.

-Tu vois ?

Il me jette mon téléphone, qui manque de tomber par terre.

-Ouais et alors quoi ?! T'as décidé d'être sainte tout à coup ?! On n'est pas amis toi et moi. Donc ta charité à deux balles tu peux te la garder !

-Je sais. Mais si j'agis comme ça c'est parce que...Quelqu'un a fait la même chose pour moi à un moment où je n'allais pas bien et...Pour la première fois, je ne me suis plus sentie seule.

Je m'assois à côté de lui et reprends :

-Je déteste cette vie là, je ne supporte pas Mr.Dev et je pense que c'est la même chose pour la plupart d'entre nous. Mais nous pourquoi on se déteste entre nous sérieux ?!

-Parce que si t'essaies d'être sympa tu te fais écraser c'est tout.

-Je sais...Tu sais ces derniers temps je me rends vraiment compte que...Mr.Dev nous ment depuis le début. Il nous fait croire qu'être sympa c'est pour les faibles mais en vrai je me rends compte que c'est le contraire, il faut de la force pour continuer d'être sympa malgré tout ce que les autres nous font vivre.

-On n'a pas le choix, essaie d'être sympa avec lui, tu vas te faire marcher dessus. On peut faire confiance à personne ici, d'ailleurs j'ai pas confiance en toi, je sais que tu manigances un truc.

-Il faudrait que je fasse quoi pour te prouver le contraire ?

-Ton portable. Pète-le.

Je le regarde avec des yeux exorbités.

-Mais tu as regardé dedans tout à l'heure, tu as vu qu'il n'y avait rien !

-Je saurais que tu dis vrai si tu le pètes devant moi.

Je considère un instant sa requête. Je ne sais même pas si cela me mènera à quelque chose. Je risque de ne plus avoir de téléphone et que lui me fasse un mauvais coup dans quelques jours...Je le regarde pendant deux secondes, je vois ses yeux gonflés et malgré son regard rempli de méfiance, j'arrive à voir sa détresse. Je me lève. Et devant celui que je considère comme mon ennemi depuis le début je prends mon portable, le jette par terre et l'écrase, je saute dessus de toutes mes forces. Il me regarde faire avec un regard affolé. Je ne peux pas m'empêcher de pleurer, parce que mon téléphone était mon seul moyen de fuir un peu cette réalité et je sais que je n'aurais pas les moyens de m'en racheter un nouveau. Je me console en me disant que pour le peu de jour qui me reste, je saurais m'en passer, mais au fond je regrette déjà mon geste.

-Voilà. C'est fait.

-Je...Je pensais pas que t'allais vraiment le faire...Me dit-il les yeux exorbités.

-Pourtant c'est fait, au moins j'espère que tu me crois maintenant. De toute façon...Je n'ai plus rien à perdre...Je m'en vais bientôt. Dis-je en m'en allant.

Il sait très bien ce que je veux dire par là. Je rentre au foyer sans me retourner. Lorsqu'on ne sait pas faire le bien depuis toutes ces années, on doit sans cesse prouver que l'on a changé. Cela me coûte, mais je me sens mieux. Il faut bien que quelqu'un commence à changer s'il veut voir une différence dans le monde.

Alors que je suis presque arrivé Joeffrey arrive à mon niveau et remet ma veste sur mes épaules. Avec le visage fermé il me dit :

-Merci.

Puis nous rentrons et partons chacun de notre côté. Peut-être qu'Emmanuel a raison finalement. Peut-être que c'est en me changeant moi que les autres changeront...Je m'endors ce soir là en paix, une paix que je n'avais jamais connu avant.

8 jours...

Affranchie Tome 1 : RachetéeDär berättelser lever. Upptäck nu