14) Fort Myers

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La dernière vision de la soirée de la veille ne m'offre qu'un sommeil léger et un coeur lourd. Je maudis mon envie subite d'aller me rafraîchir juste avant d'aller me coucher. Le bruit s'était éloigné et je pensais passer inaperçue. Je n'avais pas prévu de tomber sur mon meilleur ami et sa dernière cible en date. Même si nous ne nous étions rien promis, le rapprochement dans le lit, quelques heures auparavant m'avait laissé croire à quelque chose de sérieux. Or, je suis tombée dans le même piège que toutes les femmes qui se laissent prendre au charme de Jake. Il n'y a jamais de promesses, aucun avenir. Preuve en est dans ce canapé où il a mis à l'aise son invitée, terminant probablement la nuit avec elle.
Au petit matin, je ne cherche pas à savoir dans quel état se trouvent notre logement ni les endroits réquisitionnés pour les ébats, et porte ma valise comme une grande. Je n'ai plus que quelques mètres à parcourir pour atteindre la porte quand le poids que je traine se soulage et m'indique une présence non désirée. Jake ose poser la main dans le creux de mon dos pour me faire avancer jusqu'au véhicule de Caleb qui stationne dans la cour, comme si la guerre froide que nous vivons n'avait lieu que dans ma tête. Finalement, je suis bien heureuse de passer ces trois prochaines heures avec mon ami et non le maître des batifoleurs.

— Tu fais attention à toi, m'encourage-t-il.
— Ne me donne pas l'impression que cela t'importe. Profite de ces jours de liberté, ça te fera du bien de ne plus m'avoir sur le dos.

La jalousie ne me va guère, pourtant elle irradie sous ma peau. Je claque volontairement la portière et ne cherche pas à entendre sa réponse. La radio couvre parfaitement le son de sa voix et Caleb enchaîne avec un départ tonitruant. Me voilà partie pour quelques jours loin des problèmes et de la tentation.
Je retiens mes mots le temps que les palmiers de notre ville côtière soient derrière nous, comme s'ils pouvaient espionner notre conversation, et me détends sur la voie rapide, chose qui n'échappe pas au conducteur.

— Tu as envie d'en parler ?
— Pour ce qu'il y a à dire...
— Laisse-moi deviner. Jake a fait du Jake.
— C'est exactement ça. Même si je vis dans cette maison, à aucun moment il ne m'a prévenue de sa soirée ni de ses intentions. J'ai vu débarquer les trois grandes folles qui se sont fait un plaisir de me tailler en pièces. 

J'entends son soupir, mais ne l'interprète pas de la bonne façon. Les reproches se tournent finalement vers moi et mon attitude bougonne.

— Tu ne vas pas me faire croire que des filles comme ça ont réussi à te toucher ? Tu es plus forte que ça.
— Imagine que l'on te pince le bourrelet et détaille les imperfections de ta peau sur la place publique. Tu ne le prendrais pas bien.
— Ces filles se nourrissent des humiliations. Fais-leur une danse du ventre et éclate deux-trois boutons dans leur tronche, et tu vas voir qu'elles vont vite déguerpir.

Sa solution détend aussitôt l'atmosphère, même si je reste consciente que la mettre en pratique n'est pas au niveau de ma réplique. Je me sens tout de même soulagée et relativise ce moment humiliant vécu. J'étais dans une telle colère que j'aurais pu en venir aux mains alors que cette facilité conduit bien souvent aux ennuis. C'est Jake, le spécialiste de la résolution musclée de problèmes qui m'en a dissuadée, certainement pour garder ses cibles en bon état.
Mais ce que je digère encore moins est ce baiser échangé, alors que Whitney se délectait de mon air ébranlé. Je ne connais les mots qu'ils ont échangés, mais leur proximité me semblait forte en tension. C'est pourtant à chaque fois la même rengaine. Je ne peux expliquer que mon cœur se brise à chaque espoir que j'ose consacrer à mon ami.

— Cesse de te lamenter, Lili. Tu viens de te séparer d'un mec inutile et je t'éloigne pour quelques jours d'un autre toxique. Normalement, c'est un sourire qui devrait s'afficher ici.
— La logique n'a parfois pas tout son sens chez moi...
— Tu sais quel est ton problème ? Tu restes spectatrice de ta vie, alors que tu pourrais en être la scénariste. Ne te calque plus sur les intentions de ces hommes et fais confiance à tes envies.

Toxic Love : We're just friends !Место, где живут истории. Откройте их для себя