13) À deux doigts...

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Jake

Je n'explique pas la douleur que je tais depuis des heures. Ou peut-être est-ce de la déception ? Celle de réaliser que ma meilleure amie se complait dans sa cécité plutôt que de mettre des barrières là où il le faudrait. 
Je ne crois pas en l'amour, ou du moins je refuse de laisser ce mal donner à mon coeur des ailes avant de me laisser tomber. Méfiant sur l'emprise que Lili pourrait avoir sur moi, je suis conscient de réagir au quart de tour quand il s'agit de se mettre à nu, mais ma meilleure amie est le parfait exemple de ce que je ne souhaite pas devenir. Celle-ci plonge corps et âme dans chaque aventure sentimentale qui se propose à elle, au risque de perdre un morceau de son être pour des types qui n'en valent pas la peine.
Finalement, peut-être suis-je un lâche ? Ne dit-on pas qu'il vaut mieux prévenir que guérir ? Je préfère amplement couvrir mon organe battant de couches indélébiles plutôt que de laisser l'encre de ses sentiments marquer mon coeur avant qu'elle ne s'en aille.

Épuisé par mes essoufflements tandis que nous répétons les dernières techniques d'affrontement de corps à corps enseignées, Hunter m'assure s'occuper de tout pour me changer les idées, ce qui revient à dire provoquer d'autres cataclysmes dans ma vie.
Je commence à haïr ce Caleb. Il ne vaut pas mieux que les autres qui ont essayé diverses stratégies pour obtenir le corps de ma protégée. J'ai fait l'erreur de le sous-estimer et le voilà préparant son départ vers l'autre côté de la Floride avec ma meilleure amie. Je ne peux m'empêcher de rejouer les mêmes scènes, les éternelles angoisses qui me rappellent qu'un jour, elle ouvrira les yeux sur le temps gâché et les promesses implicites que je ne pourrai jamais tenir.

Le soleil couchant derrière les célèbres arbres de Palm Beach implique un face-à-face qui se rapproche, avec celle qui a passé son temps derrière son écran. Je refuse de comprendre les raisons des mails concernant la négociation du prix de stocks de livres alors que le projet Orlando est abandonné. Mais la questionner à ce sujet impliquerait de mettre de l'eau dans mon vin alors que je désire m'enivrer.
Hunter s'active pour mettre au frais des caisses de bière, ce qui s'accorde avec les coups frappés en folie contre la porte d'entrée et le débarquement d'un groupe de filles. Lili prend le temps de détailler chaque visage avant de se tourner vers moi, pour jauger ma réaction. En bon rancunier que je suis, je m'empresse de ravaler mon agacement et d'ouvrir les bras à celles qui nous accueillaient il y a quelques heures.

— Jake chéri ! patine Lise pour donner un maximum de rebond à sa poitrine avant de me sauter au cou.

Je ne peux qu'encaisser son corps qui tente de tourbillonner, avant de découvrir qu'une autre brune s'impatiente de se jeter dans mes bras.

— C'est adorable de nous proposer un dernier verre pour te faire pardonner de ta fugue d'hier.

Mes mains cherchent à se réfugier dans mes cheveux pour esquiver tout contact avec Jane tandis que mon souffle se coupe, de crainte que Lili ne révèle le mensonge au sujet de mon retour, mais celle-ci reste détachée de la tornade qui se déroule dans le salon. Emporté par la folie féminine, Mike se met à lancer une musique assourdissante sur les enceintes, provoquant la colère de la seule personne qui travaille derrière un ordinateur. Je m'apprête à lui signaler de baisser le son quand ma main est happée par une opportuniste bien décidée. Je n'anticipe pas l'étreinte de mon visage et ma bouche recouverte de lèvres engraissées par un gloss à la fraise. Whitney s'attarde pour marquer une possession fictive, puis se retourne vers chaque regard féminin afin d'en mettre une au défi. Lise s'amuse de cette réaction puérile, sachant pertinemment que rien ne me retient et que nous pouvons tous deux reprendre nos baises là où nous les avions laissées si l'envie m'en prend maintenant.

— Tu nous invites enfin à passer la nuit chez toi, bébé ? s'excite Whitney.
— On va déjà voir comment se passe la soirée.

Sans trop m'en cacher, je dévisage Hunter, ravi du piège qu'il m'a tendu. Les premières années sont définitivement à bannir de la liste des plans culs potentiels, trop émotives et désireuses de se caser. Cette particularité me fait me tourner vers celle qui s'est laissée glisser sur le tabouret de bar pour esquiver le paysage qu'on lui offre, mais ne fait plus frémir son clavier. Lili me semble en colère ou tourmentée. Ainsi cela lui donne une idée de l'émotion que je ressentirai lorsqu'elle se fera prendre par celui qui se déclare n'être qu'un ami.

Toxic Love : We're just friends !Where stories live. Discover now