chapitre 5

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On grimpe les marches rapidement. Pressée de découvrir cette nouvelle boîte dont elle m’a parlé, je regarde autour de moi. Les yeux comme deux ronds de flans, je réalise que la population ici est complètement différente de là où nous traînons habituellement. Les femmes tiennent à bout de bras des sacs à mains de luxe, portent des vêtements hautes coutures et sont accompagnées par des mecs dignes d’une pub pour un parfum hors de prix. Vu la tête que Sabrina tire, elle doit penser exactement la même chose et là tout de suite je ne me sens pas du tout à l’aise.
— Sérieux Nana, je le sens pas du tout ce plan.
— Arrête de dire des conneries, le bar est juste là au coin de la rue et franchement on va s’éclater allez viens ! 
Elle m’attrape par le bras et ne me laisse pas protester. J’avais imaginé qu’elle allait me lancer le défi d’y aller et que du coup j’aurais l'avantage pour le prochain coup mais c’est loupé. Elle a toujours une carte à jouer et rien que pour ça j’angoisse. Etrangement, nous avançons et découvrons une petite devanture qui ne paye pas de mine. De la musique résonne de l’intérieur, un vigile assez costaud à l’entrée et de nombreuses personnes qui fument sur le trottoir. En clair, tout ce qu’il y a de plus banal. 
A peine avons-nous franchi le rideau de velours rouge que nous sommes happées par l’ambiance particulière du lieu. Les plafonds sont bas, le bar est tout en long. J’imaginais une boîte branchée avec une énorme piste de danse et pourtant nous sommes plutôt dans un lieu intimiste, très sombre avec pour unique lumière de petites bougies posées sur chaque table, et un bar entouré de néon. Une musique peu entraînante est diffusée et ne laisse pas de place pour des déhanchées endiablées.
— C’est ça ton super club à la mode? lui dis-je déçue.
— Oh arrête de faire la tronche, tu vas voir la clientèle est vachement sympa si tu vois ce que je veux dire et les serveurs font de supers cocktails avec animation comprise. 
J’ai du mal à la suivre mais je ne réplique pas. Après tout, maintenant que nous sommes ici autant voir de quoi il s’agit. Nous avançons et découvrons une table avec une banquette au fond de la salle à droite. Voyant là un moyen de poser mes fesses et d’observer discrètement les hommes seuls présents dans la salle, je me précipite et saute dessus comme une gamine. Sabrina, morte de rire me rejoint en un rien de temps.
— Alors il est pas cool mon bar ?
— Mouais, j’avais prévu de danser moi ! 
— T’inquiète il est encore tôt, l’ambiance va devenir électrique tout à l’heure. Bon alors raconte-moi, comment ça va les cours ?
Je hausse les épaules, ne sachant pas très bien quoi lui répondre. Je sais que mes études la barbent et qu’elle y prête un intérêt uniquement car elle tien à moi. Elle n’a jamais été studieuse, si elle s’est entêtée à faire son possible pour aller au lycée, c’était dans l’unique but de rester avec moi et parce que ses parents l’y obligeaient. Je lui détaille les derniers mois de ma scolarité, lui parle un peu de ma vie dans le sud de la France mais alors que je dois probablement l’endormir avec mon monologue, je la vois écarquiller les yeux et se redresser. Je suis son regard et découvre deux hommes, seuls, accoudés à un bar en pleine discussion. Bras musclés, t-shirt col V blanc près du corps, cheveux court,  mâchoire carrée. Bref ! Ils additionnent les bons points. Je me tourne vers mon amie qui les fixe avec intérêt.
— Fais gaffe Oly, tu vas finir par baver, se marre-t-elle.
— Non mais ils sont carrément canons, t’avais raison les mecs sont vraiment pas mal ici.
— T’as bien raison ! C’est de la dynamite pour le 14 juillet ces mecs ! 
— Punaise Sab, ta comparaison laisse clairement à désirer.
— Allez viens on va leur parler.
— N’importe quoi, ça fait vraiment chaudasse d’aller aborder des mecs dans un bar.
— Sors de ta grotte, c’est les femmes qui ont le pouvoir maintenant ! Allez viens, je te laisse même le privilège de choisir lequel des deux finira entre tes cuisses ce soir.  
— Merci de ta générosité, ta bonté te perdra… 
— Bon on y va, commence-t-elle en se levant.
Je l’attrape par le bras et la force à reprendre sa place.
— C’est mort, si tu veux y aller c’est sans moi.
Un sourire mauvais s’empare de son visage. Mince… Je le sens pas ce coup-là.
— Action…
— Ah non, m’oblige pas à venir avec toi leur parler Nana…
— Bien-sûr que non…
Je souffle de soulagement, mes épaules qui s’étaient soudainement tendues, se relâchent.
— Tu vas aller les voir, leur parler, seule… Et te faire payer une conso.
— Non mais c’est une blague? Tu te payes ma tête c’est ça?
— Non, c’est eux qui vont raquer ma poule. Allez Oly à moins que tu abandonnes? ! 
— Même pas en rêve, ça te ferait trop plaisir.
Elle tend son petit doigt. Je n’ai pas le choix. Bon à la fois elle aurait très bien pu m’imposer ce défi avec des moches, et puis dans le cas où je me fais rembarrer je pourrais très bien dire qu’il ne s’agissait que d’un jeu. Oh punaise, mais qu’est-ce qu’elle me fait pas faire c’est pas possible ! Je soude mon doigt au sien et me lève de ma place. Tendue, fébrile, mes jambes flageolent. Je tente de garder mon calme et mon naturel et pourtant, plus mes pas avancent dans leur direction et plus je stresse. Je tourne la tête, regarde par-dessus mon épaule en jetant un oeil suppliant à mon amie. Mais elle ne se démonte pas et m’encourage même avec deux pouces en l’air. Génial ! Alors que j’arrive tout près d’eux, assez pour entendre leur voix et leurs bribes de conversations, je me lance et les interromps.
— Bonsoir...

Action ou vérité ? Où les histoires vivent. Découvrez maintenant