Troublé, le Docteur Trigidia oscille la tête de droite à gauche.

— Vous voulez dire : un autre corps... vivant ?

— Oui, vivant. Vous ne les fréquentez peut-être plus beaucoup, mais il existe encore des individus en vie sur cette foutue planète !

— Heu... Oui oui bien sûr !

Le médecin légiste émet un léger toussotement.

— Hum, ce n'est pas un implant trop invasif, cela doit être possible... Quoiqu'il faudrait le temps d'étudier la chose plus en profondeur... D'ailleurs... Ne devrais-je pas plutôt le remettre au service de recherche informatique du ministère pour le faire analyser ?

— Je ne vais pas y aller par quatre chemins : ce que permet cette puce, j'en ai besoin maintenant. Pas dans trois semaines. Je n'ai pas le temps de la réflexion.

Devant le visage perplexe du médecin, Aldrov prend un ton sardonique :

— Mon plexus cervical barre la route aux concepts et ne me laisse plus guère que le choix de l'action.

Le docteur fait signe qu'il comprend. Le général poursuit :

— Autrement dit, il faut que j'agisse, Trigidia. Je vais revenir vous voir dans quelques heures. Bien évidemment, tout ceci est top-secret. Je compte sur votre discrétion.

Le médecin hoche la tête. Quand le général Aldrov « compte sur votre discrétion », ça veut dire motus et bouche cousue, sous peine de... représailles. Inutile de se compliquer la vie.

*

Le ciel est gris jaunâtre. Au loin, sur la mer, on distingue en tout petit des éoliennes en off-shore. Iris est en lévitation au-dessus du sol. Des bourrasques viennent fouetter son visage. C'est salé et humide. Cinq mètres plus bas, le bruit du ressac est fort et s'ajoute à celui du vent. Iris voit bien qu'Airelle tente de lui dire quelque chose, mais elle ne distingue pas tous les mots. Elle n'entend que la moitié des sons qui sortent de la bouche de son amie.

Des sons. Ceux qu'on entend, et ceux qu'on n'entend pas. Iris tend ses bras de chaque côté de son corps. Des sons qu'elle n'entend pas la font flotter dans les airs. Elle regarde ses mains. Elle pense : « descends d'un mètre ». Elle descend. « Tourne à gauche ». Elle tourne. « Virevolte, fais une galipette, redescends encore, pose-toi en douceur ». Tous les mouvements qu'elle se commande à elle-même s'exécutent parfaitement. Elle se sent portée par cette force : les ultra-sons.

— Que dis-tu, Airelle ?

— Je dis : ne monte pas si haut, quelqu'un va finir par te voir. Et puis, je n'aime pas être ici. Je te rappelle que c'est ici que Sigü nous a attaquées.

— Qu'il vienne, je l'attends.

— Ouais, ben moi, je ne suis pas pressée.

Iris réalise que pour Airelle l'idée de se confronter de nouveau à Sigü n'est pas forcément très agréable. Parfois, elle oublie ce que c'est que de ne pas avoir ces « pouvoirs ». Elle en devient presque égoïste.

— Excuse-moi.

Airelle repousse les quelques mèches de ses cheveux qui ne cessent de lui fouetter le visage. Lasse, elle finit par défaire complètement sa queue de cheval. Iris, qui n'a pas l'habitude de la voir les cheveux détachés, hormis quelques courts instants le matin au réveil, lui lance :

— Tu es belle Airelle !

Cette dernière esquisse un sourire, et s'amuse à secouer sa chevelure et à prendre des poses de mannequin.

IRISWhere stories live. Discover now