6. Sigü attaque

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Le bâtiment central de l'ensemble architectural qui accueille le gouvernement de la Zone Protégée est sphérique. Cela devait être normalement une allusion au globe terrestre, mais il prit rapidement le surnom de « La Boule », ce qui, passablement, a le don d'énerver Cétoine Funesta, qui trouve cela ridicule. La Boule n'est pas très grande et n'a que quatre étages. Tous les édifices ont une structure en bois. C'est du quatrième étage que le Président contemple la ville qui l'entoure. Son bureau s'étend sur pratiquement tout le niveau.

— Je sais que c'est elle !

Funesta sursaute.

— Sigü ! Où êtes-vous ?

— Je suis partout, Funesta, vous avez tendance à l'oublier. C'est elle : Iris. C'est la fille d'Orkyd et Katelle Astragal.

Le vieil homme regarde tout autour de lui, mais n'entend que le son de la voix sans âme de Sigü.

— C'est impossible, la famille Astragal a péri dans le feu qui a ravagé leur maison il y a seize ans.

— Vous savez bien que toute la famille n'est pas morte.

— Mais enfin, cet enfant ne devait avoir que quatre ans à l'époque, elle ne représentait aucun danger...

Cétoine Funesta se souvient de cette période. Ces premières rencontres, à peine arrivé au pouvoir, avec cet énigmatique industriel qui s'est imposé à la tête de toutes les principales entreprises de la Zone Protégée. Toutes ont été rapidement intégrées au sein du « Groupe Sigü ». Sigü. Drôle de nom. Si ce n'est l'orthographe qui diffère, tout le monde a évidemment pensé à cette plante toxique, la Ciguë. Et puis, il y eu le constat d'être pieds et poings liés avec lui, la stupéfaction, puis la peur, quand les négociations devinrent plus que musclées avec cet homme étrange. Il comprit alors que cet individu n'avait rien d'humain, ce qui ne cessa de le hanter jusqu'à aujourd'hui.

Il se souvient aussi d'Orkyd Astragal, brillant scientifique avec plusieurs cordes à son arc. Il se souvient de lui comme d'un atout sérieux pour la géo-ingénierie. Les derniers mois avant sa mort, il n'était plus le même. Il se souvient de Sigü lui intimant l'ordre de supprimer Astragal, lui et toute sa famille. Funesta avait d'abord protesté, mais l'industriel aux incroyables pouvoirs ne lui avait pas laissé le choix. Et c'était déjà lui qui était le plus fort, même s'il était un peu moins puissant à l'époque. Le corps de la petite n'avait jamais été retrouvé. Dans un premier temps, Funesta avait omis de parler de ce « détail » à Sigü. Au fond de lui, il espérait peut-être effectivement qu'elle s'en soit sortie. Une chose étrange s'était passée cette nuit-là. Un homme était là, c'est lui qui avait certainement sauvé Iris. Un soldat avait témoigné que cet homme avait une sorte de pouvoir, comme un magicien. Sigü ne tarda pas à découvrir que la fillette avait survécu. Il en fît une sorte d'obsession que Funesta avait eu du mal à comprendre au début. Puis le Président se dit qu'il existait peut-être des individus qui avaient le même pouvoir que Sigü, et que celui-ci en avait peur... Toutes ces années, il se garda bien de lui en faire la remarque. La voix tonitruante de Sigü le ramène au présent :

— La fille, trouvez-là, mais n'y touchez-pas ! C'est moi qui m'en occupe. Elle est à moi, c'est bien compris ?

— D'accord. Et quoi d'autre ?

— J'imagine que l'enquête sur le déraillement du train n'avance pas beaucoup...

— Nous n'avons pas suffisamment de moyens...

— Pour que ce genre d'attentat cesse, une seule solution : éliminez tous ces Clairvoyants une bonne fois pour toutes.

La voix s'était faite proche, toute proche de son oreille, comme s'il était là, juste à côté de lui, invisible, mais bien présent.

IRISOù les histoires vivent. Découvrez maintenant