IRIS

11. La lettre

Le général Aldrov regarde cette porte d'entrée peinte dans une espèce de vert fade, et se demande ce qui motive le choix d'une telle couleur. Il se décide à pénétrer dans les lieux, non sans une légère réticence. Une lumière froide inonde la pièce située au sous-sol de l'institut médico-légal. De grands carreaux blancs ornent les murs. Le général observe les lieux : sur les côtés, il voit des tables sur lesquelles sont disposées des balances à plateforme en acier fin. Aldrov sait que ces machines servent à peser les organes. Il ne sait pas par contre à quoi servent exactement les pinces et les scies électriques disposées à côté des bacs de lavage, mais il a suffisamment d'imagination pour en avoir une petite idée. Au milieu de la pièce se tient une table assez massive, en inox, sur laquelle repose un corps inerte recouvert d'un linge blanc. Les Clairvoyants n'avaient pas eu d'autre choix que de livrer le défunt Xantium à Aldrov. Il en avait profité pour aussi ramener la dépouille du Dr. Stram. Un vrai convoi funéraire. En découvrant ce qui restait de Datura Stram, le général s'était demandé de qui fallait-il avoir le plus peur ? Sigü ou Iris ? Des gens avec de tels pouvoirs deviennent rapidement incontrôlables.

— Bienvenue mon Général.

— Docteur Trigidia...

— Le corps que vous m'avez emmené : j'y ai découvert quelque chose d'extraordinaire, mon Général.

Le médecin légiste, l'air satisfait, dirige Aldrov vers une des tables. Il se munit d'une pince qu'il plonge dans une cuvette en forme de haricot, et en sort ce qui semble être une puce électronique pas plus grosse que l'ongle d'un pouce.

— Il s'agit d'un implant électronique sous-cutané. C'est une sorte de puce cérébrale. Il y a une grille d'électrodes ici.

— Incroyable. Où était-elle située ?

— Au niveau de la nuque.

— Ne serait-ce pas plus logique qu'elle soit implantée au niveau du crâne ?

— Ça dépend. Le plexus cervical peut être un endroit stratégique. Pour le dire simplement, la nuque, c'est ce qui fait jonction entre le cerveau et les membres du corps. C'est là que se situe le lien entre concepts et actions, si je puis dire...

Aldrov regarde le médecin, légèrement incrédule :

— Concepts et actions... Ok...

Puis, laissant de côté cette explication qui, au fond, ne l'intéresse que moyennement, il demande :

— Cet implant, peut-il être l'origine de... disons...

Le militaire hésite pendant quelques secondes, se racle la gorge, puis continue :

— À l'origine de supers-pouvoirs ?...

À son tour, le Docteur Trigidia semble perplexe. Il réfléchit pourtant quelques instants et finit par dire :

— Tout est possible.

La raison voudrait que le général Aldrov fasse étudier cette puce. Elle est peut-être la source d'une connaissance incroyable. Mais ce n'est pas ce qu'il a envie de faire. Ce qu'il a envie de faire, c'est de l'implanter dans le corps d'Anthémis. C'est comme si sa logique habituelle s'était tue. Protéger Anthémis, se débarrasser de Sigü... Et après ? Avec l'âge, ses intérêts personnels et familiaux sont devenus prioritaires. Il sait pourtant que rien n'est possible sans le bon fonctionnement de la Zone Protégée. Il avait été plein d'espoir quand il était jeune. Aujourd'hui il ne sait plus.

Aldrov inspire fortement, comme s'il allait faire un intense effort physique, puis demande au médecin :

— Sauriez-vous réimplanter cette puce dans un autre corps ?