9. Iris, ici et maintenant

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— Tu penses vraiment que tout le monde souhaiterait vivre comme vous?

— Tout le monde ne souhaite pas vivre comme vous en tout cas. À quel prix obtenez-vous votre soi-disant confort ?

— Peut-être est-ce trop cher payé effectivement. Mais cela veut-il dire qu'il faut abolir tout confort ? Désires-tu une sorte d'uniformisation du bonheur ?

Corylus s'est alors mis en colère.

— Sais-tu d'où je viens, Iris ? Le gouvernement m'a fait prisonnier jadis. Parce que j'étais Clairvoyant. Uniquement pour ça. Sais-tu le sort que l'on réserve aux prisonniers comme moi ? On les envoie dans les mines exploitées par Sigü. Pour obtenir du minerai pur, on le nettoie avec des acides. Sais-tu ce que c'est que de respirer de l'acide toute la journée ? D'être sans cesse au contact de la radioactivité des bassins de résidus ? Tout ça pour construire vos satanées éoliennes ! Je vais te montrer Iris.

Corylus a défait nerveusement sa chemise et montré son torse. Sa peau meurtrie par une grande brûlure a donné à Iris une image marquante des dessous du fonctionnement de la Zone Protégée. Elle a ensuite demandé :

— Comment es-tu revenu ici ?

— J'ai réussi à m'enfuir... Mais des amis sont morts.

Iris a laissé passer un long moment avant d'affirmer :

— Ce n'est pas parce que les moyens d'obtenir les choses sont pourries que les choses en elles-mêmes le sont aussi.

Corylus a semblé réfléchir un instant, comme si Iris l'avait un peu désarçonné. Celui-ci a mis du temps à formuler une réponse qui n'a pas entièrement convaincu la jeune fille, car elle n'y voyait pas de visée sur le long terme.

— Je sais juste que je ne veux pas dépendre d'une machine comme Sigü. Ni de qui que ce soit d'autre.

*

Un bruit sourd règne sur les lieux. L'espace est immense. Il consiste en un dédale de couloirs, plongé dans une pénombre bleutée. Des rangées d'armoires aux parois vitrées s'illuminent de points bleus, rouges et verts. Des serveurs. Et des câbles. Beaucoup de câbles, bien rangés, bien alignés, aucun ne dépasse. Au fond d'un couloir, un bureau avec des ordinateurs allumés, et des écrans de contrôle. Un homme d'apparence assez âgée est assis, face au bureau, et semble s'adresser à un des ordinateurs :

— Tu es devenu très puissant maintenant.

Une voix douce mais sans expression sort des enceintes de la machine et répond :

— Oui, père.

— Iris ne sera jamais aussi puissante que toi. C'est une humaine. Les humains ont trop de sentiments contradictoires qui les empêchent d'agir convenablement.

— Je pourrais éliminer cette humaine. Ce n'est pas parce que c'est...

— Non, interrompt l'homme. Je veux que tu fasses en sorte qu'elle arrive jusqu'à toi. Nous avons besoin d'elle, toi et moi. Surtout toi, tu le sais bien. Et puis... Je veux savourer ma vengeance. Je veux qu'elle sache qui je suis, ce que j'ai enduré, et qui tu es, toi. Par contre, tu peux éliminer ce Xantium, il nous a mis sur le chemin vers Iris, mais il ne nous sert plus à rien maintenant. Le temps est compté pour moi, je le crains. La mort attend, tapie dans l'ombre.

— Vous vivrez toujours à travers moi, père. Pour l'éternité.

*

Le commandant Scirpe s'est d'abord demandé pourquoi on n'envoyait pas au moins un escadron sur le village des Clairvoyants. Puis il a rapidement compris que c'était surtout cette fille, Iris, qui intéressait le général Aldrov. Selon les indications des Laroque, le village n'est plus très loin. Il connaît mal cette région. Il a rarement eu l'occasion d'effectuer des missions au delà du désert. Il n'imaginait pas que la végétation soit si luxuriante quelques kilomètres plus loin. Scirpe fait signe à Ced et Antirium de se baisser. Leurs armures allégées, réduites au strict minimum pour évoluer en terrain chaud et hostile n'empêchent pas les militaires de souffrir de la chaleur, et leurs attirails commencent à peser sur les épaules.

IRISWhere stories live. Discover now