Le téléphone se met à sonner. Cétoine Funesta reste un moment sans bouger. Devant l'insistance de la sonnerie, il se décide à aller décrocher.

— C'est un appel de l'Université, dit le secrétaire particulier. Le Dr. Stram.

— Très bien, passez-le moi.

À la fin de l'appel qui ne dure que quelques minutes, le Président prend de nouveau le téléphone et demande le général Aldrov. Quand la communication est établie, il lui dit :

— Général, vous allez arrêter les Laroque. Tout de suite. Il s'agit très certainement de Clairvoyants. Il faut les faire parler afin de trouver leur repaire une bonne fois pour toutes. Mais interdiction de toucher à Iris. Ça, je m'en occupe. Ah, et je voudrais des renseignements sur un certain Aloès Sauge. Il est ami avec votre petit-fils apparemment. Allez, exécution, Général.

Dans son bureau, le général Aldrov raccroche. Avec qui Anthémis s'était-il acoquiné ?

*

Il fait nuit sur le campus de Bioclimat. Dehors, au loin, une brume semble stagner au dessus de la mer. Il n'y a pas de vent, ce qui est plutôt rare ici. La grande place est dépourvue d'éclairage public, seules les lumières des bars et hall du premier bâtiment éclairent vaguement l'extérieur. Une agitation bruyante mêlée à une musique plutôt enjouée, composée essentiellement de voix et d'instruments acoustiques, émane des bistrots à chaque ouverture de porte, lorsque des étudiants euphoriques et tapageurs entrent ou sortent.

Les partiels sont terminés, et dans le bar du milieu, la fête organisée par Gentiane et Juncus bat son plein.

Airelle et Iris sont assises dans un confortable canapé. L'une et l'autre sirotent des cocktails, sorte de mixtures vaguement alcoolisées. Anthémis et Aloès, assis en face sur de gros fauteuils, contemplent les musiciens sur la petite scène du bar. Aloès bat du pied. Iris observe les garçons et demande d'un air affligé :

— Ça ne vous gave pas cette musique ?

— C'est mieux d'avoir de la musique plutôt que rien, dit Aloès.

— Je n'en suis pas si sûre. Dans le temps il y avait plus de choix.

Anthémis se met à rire :

— Dans le temps ? Mais tu as quel âge Iris ?

— Non, mais je voulais dire dans le passé, quoi.

— Tu veux dire avant ou pendant les grand flux migratoires, les guerres et les maladies?

— Avant, avant... Bien avant quoi ! Mais ce n'est pas parce qu'on est des survivants qu'on doit écouter de la musique de...

— Hop hop hop, coupe Aloès, il est temps de passer à l'action !

Aloès se lève, contourne la table qui les sépare, et entraine Iris avec lui. Il se met à effectuer une danse bizarroïde aux mouvements improbables sous les regards amusés des autres. Même Iris décroche un sourire, et se met à le suivre, d'abord timidement, puis ensuite avec un certain entrain. Bientôt, Airelle les rejoint et la petite bande se trémousse vigoureusement sur la musique, faisant pas mal d'émules autour d'eux, dont Juncus, qui jusqu'ici n'avait pas quitté les basques de Gentiane. Gentiane, justement, regarde un peu jalousement Iris s'amusant au côté d'Aloès. « Ils ne se séparent jamais ces deux là. » Les vacances d'hiver commencent demain soir, et elle n'aura toujours pas eu l'occasion de rencontrer Aloès plus sérieusement.

— Elle est belle.

Gentiane tourne la tête. Anthémis, qui ne tient pas particulièrement à participer à l'étrange chorégraphie endiablée de ses camarades, se tient juste à côté d'elle, un verre à la main.

IRISWhere stories live. Discover now