40. Le son de la pluie

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Il referme rapidement le panneau de bois peint derrière lui avant de se tourner vers moi.

- Bonjour, Taïmi.

Trop surprise, j'exécute aussitôt une révérence muette, de bien meilleure qualité toutefois que la dernière fois que je lui en ai adressé une. Malheureusement, elle lui arrache la même expression ennuyée.

- Vous n'avez pas à faire ça quand nous sommes entre nous..., souffle-t-il.

- Oh ? Pardon ! Bonjour, je bafouille.

Nerveuse à l'idée qu'il vienne me reprocher ce qui s'est passé ce matin à l'école, je serre avec appréhension mes doigts devant moi.

- Je sais que c'est Rinsheng que vous attendez, mais je tenais à vous parler d'abord seul à seule. Si vous le voulez bien ?

Aïe...

Il m'indique de la main un des coussins de sol. J'opine tristement du chef puis m'assois, il m'imite en m'observant avec une étrange insistance.

- Ça doit être grave pour que vous vous risquiez à venir me voir..., je grimace.

Ma réaction n'a pas l'air d'être celle qu'il attendait. Il passe aussitôt de l'étonnement à l'amusement :

- Non ! Rassurez-vous. Personne ne sait que je suis ici avec vous, à part des gens de confiance.

Malgré tout, je suis sûre que si Leireng apprenait qu'on se voyait maintenant, elle serait encore plus en colère après nous qu'elle ne l'est déjà ! En tout cas, je suis surprise qu'il puisse se permettre de s'absenter comme ça...

- Et... vous n'avez pas des choses à faire ? je m'étonne.

- Eh bien, quel accueil ! rit-il.

-Pardon ! je m'excuse à nouveau. Je m'étonnais simplement de vous voir ici.

- Ne vous inquiétez pas, je vous taquine. J'ai effectivement des choses à faire, mais ce moment avec vous en fait partie. Vous êtes extrêmement pâle, vous vous sentez bien ?

Décidément, je me demande quelle tête j'ai !

- Oui. Je me sens bien, ne vous inquiétez pas.

Il fronce les sourcils, peu convaincu. Je demande alors :

- Et les prêtres de l'autre soir, ceux qui étaient inconscients, ils vont mieux ?

- Oui ! Ils se sont très bien remis. Merci de vous en inquiéter.

- Oh, tant mieux ! je m'exclame avec soulagement.

Voilà une bonne nouvelle. Ces spectres m'avaient paru plus dangereux qu'ils n'ont l'air de l'être en réalité. Ou alors : je suis vraiment arrivée juste à temps.

Nous nous contemplons l'un l'autre sans un mot. Nous n'entendons plus que le fin bruit de la pluie qui tombe en petites gouttes sur le bois du balcon et sur les feuilles des arbres. Je n'ose m'attarder trop longtemps sur les yeux de Kianshei. J'y jette de brèves œillades gênées, ne pouvant cependant m'empêcher d'y revenir, encore et encore, tant ils m'intriguent.

Je ne sais pas à quoi il pense de son côté. 

Son expression est douce, prudente, comme s'il avait l'esprit ailleurs. Mais ses yeux détaillent ma tenue, mon visage... lorsque nos regards se croisent une fois de trop, il  se racle la gorge avant de m'annoncer :

- J'espère que mon attitude distante ce matin, chez la directrice, ne vous a pas froissée. Je suis désolé, il ne fallait pas qu'on soupçonne quoi que ce soit.

Ah ! C'est de ça dont il veut parler ? Je suis franchement étonnée, même si cela me fait également étrangement plaisir.

- Vous n'avez pas à vous excuser ! je réponds aussitôt. C'est plutôt moi qui suis désolée, je vous ai causé du tort, ainsi qu'à Xemtei et Leireng...

Le Harfang et le LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant