LV : La sentence - (2/2)

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Naim profita du silence pour donner un coup de coude à Deirane.

— Toi qui craignais la réaction de l'Helaria quand ils apprendraient que tu as signé un acte de vente d'esclaves, tu n'as plus à t'en faire.

— Ces esclaves n'existaient pas, c'était virtuel. Mais attends, que veux-tu dire ?

— Te voilà propriétaire de la plus grosse société trafiquante. Et négrière toi-même. Ils vont être ravis quand ils vont le découvrir.

Toute à sa joie de voir qu'elle échappait au châtiment, elle n'avait pas envisagé ce côté des choses.

— Ils vont mettre ma tête à prix, gémit-elle.

— Tu sais, on s'y fait.

— Je vais essayer de changer la nature du négoce.

— Je doute qu'il te laisse faire.

Orellide avait repris sa place. Le roi leva la main pour intimer le silence.

— Cette femme a raison, annonça-t-il. Elle n'est pour rien dans les actions de son conjoint. Nous estimons injuste qu'elle subisse les résultats de sa trahison. La concubine Serlen s'engage donc à assurer sa subsistance et celle de ses enfants à un niveau égal à celui qu'elle possédait avant. Elle s'engage aussi à leur offrir une éducation de qualité et à trouver, pour les garçons un métier convenable, et pour les filles un bon mariage.

Les deux femmes se regardèrent. Elles ne savaient quoi penser de cette décision. La parole de Brun était sacrée. Sa famille semblait donc à l'abri du besoin. Mais elle n'exercerait plus aucun contrôle sur sa destinée.

— Par ailleurs, reprit le roi, le marchand Biluan ayant trahi la Couronne, une sépulture lui est refusée dans le cimetière de la ville et ainsi qu'une cérémonie au temple. À la place, et conformément aux usages en cas de crime de lèse-majesté, le corps sera remis aux victimes pour qu'elles en disposent selon leur désir.

À cette annonce, Deirane eut du mal à retenir sa joie. C'est exactement ce qu'elle voulait. Orellide bénéficiait donc encore de l'oreille de son fils pour qu'elle arrivât à le convaincre que Deirane était vraiment une victime et pas la responsable des événements. En y réfléchissant, elle trouvait extraordinaire que Brun ait tout gobé. À moins que Dayan ne lui ait pas menti : une femme capable de monter un tel scénario était ce qu'il cherchait pour le seconder.

Si Deirane exultait, la veuve de Biluan avait un tout autre avis. Elle lança un regard de haine à la nouvelle concubine avant d'attirer l'attention du roi pour qu'il lui donnât la parole.

— Parle, lui ordonna Brun.

— Seigneur lumineux, allez-vous priver une famille de ses derniers instants de communion avec leur mari et père ?

— Cela peut s'envisager. Mais as-tu bien réfléchi aux implications de ta requête ? Si tu insistes pour te poser en femme fidèle d'un traître, tu pourrais bien partager son sort.

— Mais Votre Seigneurie m'a déclarée innocente des actes de mon époux.

— Nous avons considéré que tu ne savais rien des affaires de ton mari. Mais si vous étiez aussi proche que tu sembles vouloir nous le faire admettre, tu ne pouvais rien ignorer de ses projets. Tu partages donc la responsabilité autant que lui. Désires-tu vraiment continuer dans cette démarche ?

— Non, Votre Seigneurie.

Elle se rassit. Elle avait compris la menace. Elle allait devoir tout abandonner à cette femme qui était à l'origine de la mort de son mari. En plus, elle ne pourrait plus participer à la gestion de ses affaires, comme quand il était vivant. Sinon, elle admettrait qu'elle connaissait beaucoup de choses, elle ne pouvait donc pas ignorer cette visite au harem.

La chanceuse (La malédiction des joyaux -  Livre 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant