V : À l'école - (2/3)

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Une salle de classe. Deirane se trouvait dans une salle de classe identique à ce qu'elle avait connu à l'ambassade d'Helaria. Son propriétaire l'avait envoyée à l'école. Elle était intriguée. D'autant plus que si elle avait aperçu les filles de son groupe la veille dans les jardins, aucune de celles déjà présentes à son arrivée ne lui était familière. Elles paraissaient plus jeunes que les pensionnaires habituelles de l'endroit. Que des enfants, aucune adulte.

— Qui est-ce ? demanda Deirane à Dovaren, des concubines aussi ?

— Ce ne sont pas des concubines, répondit cette dernière, pas plus que toi ou moi d'ailleurs. Nous sommes des chanceuses. Des novices si tu préfères. Elles, ce sont des pensionnaires.

— Des pensionnaires ?

— Elles payent. Ou plutôt, leur famille paye, pour les envoyer ici.

— Mais pourquoi ?

— Pour l'éducation.

Elle décela alors la subtile différence de leur tenue. Si leur nom était brodé sur la poitrine, elles ne portaient aucune marque d'appartenance au harem. Elles n'étaient pas des esclaves.

Dovaren allait s'écarter, mais Deirane la retint. Un dernier point la turlupinait.

— Tu veux dire quoi quand tu dis qu'on est pas concubine, mais chanceuse ?

— Ça signifie que tu disposes d'un peu de répit avant que Brun ne te mette dans son lit. Tu dois t'instruire avant de devenir sa maîtresse.

— Oh. Et où se trouve la chance là-dedans ?

— Un jour, le roi te prendra comme maîtresse. Elles n'auront pas cette chance.

Voilà qui expliquait bien des choses. Pourquoi elle portait ces vêtements, pourquoi le roi ne l'avait pas encore convoquée bien qu'elle soit présente depuis plusieurs jours, et même pourquoi elle était logée dans une aile à part dans le harem.

— Et que dois-je apprendre ? continua Deirane.

— Normalement, tu sais lire et écrire, comme nous toutes ici. Tu dois donc approfondir l'histoire, la géographie, la politique et les langues.

— Quel choix curieux !

— Pas tant que ça. Quand un diplomate étranger vient en visite, il est bien que tu connaisses un peu son pays et quelques mots de sa langue. Ça les flatte et les met dans de meilleures dispositions pour négocier. Et puis le Premier ministre de Brun devient vieux. Et quand il prendra sa retraite, j'ai cru comprendre que ce serait l'une de nous qui le remplacerait.

Une concubine diriger l'Orvbel ! Deirane n'en croyait pas ses oreilles. Si c'était vrai, il y avait là une occasion à saisir. Elle allait se montrer assidue à ces cours.

— Je croyais que notre seul rôle était de les distraire, remarqua Deirane.

— Cela fait aussi partie de nos tâches. D'ailleurs, as-tu un talent quelconque ?

Elle avait posé la question sur un ton apparemment indifférent qui intrigua Deirane. Elle répondit néanmoins.

— Je sais chanter. Je joue aussi un peu de l'usfilevi.

Dursun, qui écoutait les deux jeunes femmes discuter intervint alors.

— Tu pourras en jouer pour moi ? demanda-t-elle dans un helariamen laborieux.

L'air suppliant de la fillette lui amena un sourire. Elle ressemblait tant à sa jeune sœur Elhrine. Et Dovaren avait la même assurance tranquille que Cleriance, à laquelle s'ajoutait une touche de sensualité. De penser à sa famille qu'elle ne reverrait certainement plus l'attrista. Des larmes se mirent à couler sur ses joues. Elle se força pour ne pas éclater en sanglots, elle ne voulait pas craquer devant toutes ces jeunes femmes dont certaines allaient sûrement se révéler ses ennemies. Dursun ne remarqua rien, contrairement à Dovaren.

La chanceuse (La malédiction des joyaux -  Livre 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant