Chapitre 52

Depuis le début
                                    

- Ta perspicacité ne m’étonne pas.
- Le Blanc de Saturne… Le plomb blanc de Flevance…
- Et comme je suis le Plomb…
- Tu es le seul à pouvoir le manier sans danger.
- Tout juste.

Je n’arrivai pas à détourner mes yeux de la lame. J’étais horrifiée par cette arme plus que tout dangereuse. Je restai comme pétrifiée de surprise et d’horreur, alors que son possesseur la levait en l’air.

- Il serait extrêmement facile pour moi de te tuer, n’oublie jamais ça. Mais je vais seulement t’assommer. Gyn a encore à te parler.

Mon cerveau se réveilla et passa en mode automatique alors qu’il abattait la poignée de son sabre en direction de ma tête. Ma main libre et indemne saisit l’un de mes saï et vint bloquer le katana avant qu’il ne puisse m’atteindre. Every serra alors les dents et je vis une veine ressortir sur son front. Il me lâcha et disparût de mon champ de vision. Je remarquai qu’en me laissant, les tiges en métal retenant mes doigts à la rambarde avaient disparus.

Je m’appuyai sur ma main blessée en poussant un couinement, mais je m’appliquai à ignorer la douleur pour repasser du côté sûr de la rambarde. Je titubai un bref instant sur mes jambes, une fois debout sur le balcon, mais je me stabilisai rapidement et attirée par la douleur lancinante, je jetai un coup d’oeil à ma main. Je retins une grimace. C’était pas beau à voir. Mon gant était totalement en lambeaux et trois de mes doigts étaient irrités et en sang.

Un soudain bruit de course me fit abandonner mes doigts et relever la tête, et je vis Every, katana en main, qui se ruait dans ma direction. Je le voyais de moins en moins bien. Mon corps était de plus en plus lourd, j’avais envie de me laisser tomber au sol et de fermer les yeux. Mais il n’en était pas question. Je me secouai intérieurement. Le plomb était de plus en plus rapide, j’allais devoir faire avec ce qu’il me restait.

Je saisis mon deuxième saï. Dès qu’il fût assez près, mon adversaire abattit précisément sa lame, je réussis à l’éviter, mais l’attaque qui suivit fût si rapide que je n’eus pas le temps de l’esquiver, je dus croiser mes lames et retenir ainsi la sienne. D’un geste brusque, il recula son katana, puis revint à ma charge. Nous nous échangions ainsi plusieurs coups, lui sur l’offensive, moi sur la défensive. Je dus plusieurs fois me baisser, sauter, esquiver, parer au point que le rythme accélérait à une vitesse affolante. Il multipliait les coups, dans l’espoir de m’atteindre. J’étais en nage, j’avais de plus en plus du mal à me maintenir concentrée et sous tension, mais la respiration sifflante de mon ennemi m’encourageait à continuer. Lui aussi fatiguait, ce n’était plus qu’une question de temps. Je devais tout simplement continuer à me défendre, en m’efforçant de ne pas être la première à flancher.

Son katana se coinça finalement entre deux piques de mes saï. Les pointes les plus longues et les plus acérées de mes armes pouvaient presque toucher son abdomen. Je serrai les dents. Encore un peu plus… Je voulus reculer mes saï et retenter une offensive, mais avant que je puisse accomplir mon geste, Every m’avait attrapé de son bras libre. Il me maintenait contre lui, m’empêchant de reculer, et avant que je puisse réagir, il colla ses lèvres contre mon front.

Je voulus pousser un cri de surprise. J’essayai de reculer, mais je me rendis compte trop tard qu’il m’avait totalement immobilisée. Son katana retenait mes armes et donc mes bras, et son bras me retenait moi. J’eus l’idée de me servir de mon cri pour me libérer de sa poigne, mais je me sentis subitement très faible. Je ne voyais pratiquement que du flou et des tremblements incontrôlables me parcouraient des pieds à la tête. Je sentis ma conscience qui commençait à basculer. Je… Je comprenais. Il était en train de m’intoxiquer davantage par le simple contact de ses lèvres sur ma peau. Il voulait mettre fin au combat rapidement et si je me laissai faire, j’allais perdre conscience. J’avais de plus en plus de mal à respirer et à contrôler mes muscles. Déjà mes mains se desserrèrent de mes armes.

Non. Je refusai de rester aussi passive et de m’évanouir voir mourir. Pas avant de l’avoir vaincu.

Je rassemblai toute ma volonté et je me forçai à rester consciente et à garder emprise sur mes saï. Je ne me sentais plus trembler, et alors que je me concentrai pour puiser dans toutes mes forces, ce fût comme si mes mains avaient une conscience propre. Elle se resserrèrent étroitement et d’un coup net, elle repoussèrent la lame qui maintenait mes piques et celles-ci se plantèrent dans mon adversaire jusqu’à la garde.

Every écarta ses lèvres de mon front pour pousser un grognement. Il crache du sang, lâcha à terre son sabre, mais mes attaques ne s’arrêtèrent pas là. Mes mains, agissant presque automatiquement, vinrent poignarder plusieurs fois le corps de mon adversaire, jusqu’à ce que celui-ci s’écroule au sol.

J’ouvris des yeux ronds, surprise par ma propre agressivité et par la violence de mes actions. Every était blême et respirait rapidement, comme s’il cherchait à s’accrocher. Une blessure profonde et sanguinolente contrastait sur son torse, au milieu de plusieurs autres moins profondes. J’étais stupéfaite. Je ne comprenais pas… Comment est ce que j’avais pu toucher le corps d’un logia…

Je baissai la tête vers mes saï. Une substance noire les recouvrait, et une aura bleu nuit les entouraient. Je sentis un sourire naître sur mes lèvres. J'avais finalement réussi, Marco, Beckman. J’avais imprégné mes armes, je maîtrisais le Haki de l’armement.

- J-je dois avouer t’avoir sous-estimé. A-allez, tue-moi maintenant, t'as gagné.

Je reportais mon attention sur mon ennemi en l’entendant bafouiller. Haletant, il peinait à garder les yeux ouverts, et une trop grosse quantité de sang s’échappait de son corps. Je rengainai mes armes après avoir retiré le Haki de leurs lames et je m’avançai vers lui. Une fois à son niveau, je le regardai dans les yeux.

- Je ne tue qu’en cas d’extrême nécessité. Tu es vaincu. Attends qu’on vienne te soigner.

Il ferma les yeux en soupirant. Ses muscles s’étaient tendus. Je connaissais cette expression de visage, pour l’avoir vu sur le visage de mes adversaires de nombreuses fois. Il se sentait humilié. Avant de s’évanouir, il eût le temps de prononcer une phrase, dans un murmure.

- Gyn avait raison, tu as un esprit trop pur, petite...

Une Question de Justice [One Piece]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant