Chapitre 115

461 21 0
                                    

- Eh.

Sortie de mes pensées par cette interpellation soudaine, je relevais la tête et échangeai un long regard avec Beckman. Bouteille d'alcool en main, cigarette dans l'autre, il finit par s'asseoir à mes côtés. Il déboucha la bouteille et me la tendit. Je l'attrapai, bus le premier coup et la lui rendis sans ajouter un mot.

Après notre collision avec Lucci, tout s'était passé très rapidement. Nous avions couru, du plus vite que nous pouvions, avant d'être accosté par Morley. Le géant révolutionnaire ne voulut rien me dire sur la situation de ses collègues, et se contenta d'ignorer mes questions en nous faisant passer par un passage sous terre qu'il avait construit, nous menant quelques temps plus tard à une sortie devant laquelle nous attendait un Shanks encapuchonné. Une fois réunis, nous avions regagné tous ensemble le Red Force et rapidement mis les voiles en direction de… je ne savais même pas.

Depuis notre retour sur le pont, et malgré le sourire de Shanks, les accolades de mes camarades et les grognements d'Abigail, répugnée à l'idée de se retrouver sur un navire pirate, j'étais restée comme bloquée dans mon esprit. Je n'avais pas envie de faire la fête ou de rire jusqu'aux larmes avec les autres. Je voulais simplement la paix.

Alors que le reste de l'équipage s'était agglutiné dans la salle à manger, j'étais restée à l'extérieur, accoudée à la balustrade, à la poupe du bateau. J'étais solitaire, jusqu'à ce que je sente une vague l'odeur de fumée et de cendres m'entourer et que je vois mon mentor s'accouder à mes côtés. Sa présence me rassurait. Je me sentais moins seule, mais toujours en gardant cet état de méditation que j'avais avant son arrivée. Après lui avoir rendu la bouteille, je tournai la tête et lui jetai un regard, avant de me détourner et de fixer l'horizon. Je l'entendis émettre un souffle relâchant de la fumée.

- T'es au courant que je te connais mieux que n'importe qui ici ?
- Ne dis jamais ça devant Shanks.
- Pas faux.

Il eut un ricanement joyeux. J'hochai doucement la tête pour appuyer son propos. Redline avait depuis longtemps disparu de notre champ de vision, mais sans pour autant me retirer ce sentiment qui me fendait le cœur.

- ... Ils m'ont pris deux parties de moi.
- Parce que tu crois qu'il ne réussira pas à s'enfuir ?
- C'est Marie-Geoise.
- Dont on vient de partir il y a quelques heures.

Je reportai le regard sur lui. Il m'adressa un clin d'œil et j'eus l'ombre d'un sourire. Il n'avait pas tort, mais on ne pouvait pas m'en vouloir de m'inquiéter pour l'homme que j'aime. J'espérais de tout cœur qu'il s'en sortira, mais d'ici, je ne pouvais rien faire pour lui, hormis me laisser ronger par la doute et l'inquiétude. Ce n'était pas un sentiment que j'appréciais. J'eus un soupir lassé, avant de me retourner pour faire dos à la mer.

- Tu penses que Lucci savait ?
- Si tu parles de l'infiltration, je dirais non. Et pour ton manteau, je dirais aussi non. Si c'était aussi important que ça à tes yeux, t'aurais pas dû te trahir, ça a été ton erreur.
- Comme quoi, on apprend toujours.

Ce fût à mon tour d'avoir un ricanement, bien qu'il se voulut ironique. Mon manteau… ce simple manteau bleu sur lequel était inscrit la devise de la Marine, "Justice", m'avait suivi dans mes deux vies. Il m'avait été remis lorsque j'étais devenue une gradée de la Marine, avant que je n'en déchire à moitié les épaules, en signe de trahison et de rébellion, et que je ne quitte cette armée. Et puis après, il y avait eu ces pirates, et ensuite l'équipage du Roux et Shanks… Que je sois soldat de la Marine ou Pirate, ce manteau m'avait accompagné sur chacun de mes champs de bataille. Sans lui sur les épaules, je me sentais comme… nue. Vide. Moins à l'abri.
Je serrais les dents. J'étais en colère contre moi-même. J'étais la seule responsable si Lucci avait compris à quel point je tenais à ce manteau, et à présent, j'allais devoir m'habituer à cette séparation. Je n'étais pas assez idiote ou téméraire pour foncer dans la gueule du loup, prête à refermer ses crocs sur moi, pour un… simple… manteau.
Entre ça et Sabo... Je ne savais pas ce qu'il s'était passé, de son côté. Est ce qu'il allait bien ? Est ce qu'il a réussit à s'enfuir ? Ma plus grande peur, et la plus légitime, était d'imaginer que le CP0 l'avait capturé. Si c'était ça, je savais parfaitement comment ça allait se finir... Je l'ai connu une fois, et le frère de Sabo, Ace, n'a pu y échapper. Je réprimais un frisson. Si jamais ils essayaient de lui faire du mal...
Je secouais la tête vigoureusement, chassant ces pensées de ma tête. Je ne devais pas penser à ça, pas aussi négativement. Je devais rester confiante, croire en Sabo et attendre patiemment nos retrouvailles.

- Beckman, je crois savoir que tu me dois des explications.
- Hm ?
- Vous n'êtes pas venus que pour moi, là-haut.
- Ce n'est pas idiot, on avait aussi autre chose à faire.
- Comme quoi ?
- Rien de vraiment important. Garde juste en tête que même si ce n'était que pour toi, notre capitaine aurait été capable de nous faire aller dans l'endroit le plus dangereux du monde.

Il me lança un sourire en coin, auquel je répondis pas un haussement d'épaules.

- Un capitaine qui prend soin de ses amis jusqu'au bout, hein ?
- Ouais. Mais disons aussi que t'es pas qu'une amie, pour lui.

Un moment de silence plana, durant lequel Beckman et moi nous fixions dans les yeux. Je remarquais qu'il semblait hésiter à dire quelque chose.

- Isis, faudrait que tu saches une chose sur Shanks...
- Isiris!

En entendant le cri strident d'une femme m'appeler, je détournai mon attention de Beckman pour me tourner vers ma sœur de lait qui arrivait en courant.

Abigail était suivi de près par Shanks, qui semblait légèrement tendu. Pour quelqu'un qui ne le connaissait pas cela ne se voyait pas, mais pour Beckman et moi, le fait que la brune semblait l'avoir légèrement énervé était évident. J'eus un sourire envers mon capitaine, avant de me rapprocher de mon amie.

- Qu'est ce qu'il y a ?
- Il faudrait que je te montre quelque chose.
- Ça dépend. Qu'est ce que c'est ?
- Il faut aller dans une base désaffecté de la Marine. Je t'en prie, fais-moi confiance.
- Une base de la Marine ? Qu'est ce qu'il y a de si important là-bas ?
- Une révolution.

Une Question de Justice [One Piece]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant