22. Rouges

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- Ah, ce que tu m'as manqué, Camille...

J'ai envie de vomir. La trahison fait d'autant plus mal que rien ne m'y avait préparé. Je savais que ces sentiments étaient trop bons, trop beaux, trop soudains. Quelque chose allait forcément mal tourner.
Mais comme un idiot, je n'ai pas pu m'empêcher d'espérer. D'espérer une fin heureuse, comme dans les romans et les films à l'eau de rose. Mais nous sommes dans la réalité. Il va falloir que j'en prenne conscience, un jour... Les comédies romantiques, ça craint vraiment.

Je referme la porte doucement.

Ils n'ont pas remarqué ma présence, et j'ai besoin d'un peu de temps pour reprendre ma respiration. Pour m'habituer à la douleur de ce couteau dans mon cœur.

J'ai presque oublié la raison de ma venue, et je ne sais pas si je dois, comme Peter, maudire le manque de rhum, ou bien le bénir. Sans cela, je ne saurais rien de la trahison de mon amant, mais sans cela, mon cœur ne serait pas en miettes, mes mains ne me feraient pas aussi mal.
Et merde, j'ai recommencé à me les torturer. Fait chier ! Regarde ce que tu me fais faire, Magnus !

J'avais l'habitude d'avoir les mains en sang, à une époque. C'était devenu normal. La douleur était devenue normale.

J'ai envie de pleurer, soudainement. Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter autant de malheurs ? Je pensais que la vie m'avait déjà mis à terre, qu'elle avait épuisé son quota de coups pour moi, mais non. Elle m'a planté un couteau dans le dos au moment où je m'y attendais le moins. Magnus m'a planté ce couteau dans le dos.

Je prends une profonde inspiration. Allez, Alec, tu as survécu à pire. Au moins, cette fois, tu as de bons souvenirs à chérir. Ça n'a pas été le cas la dernière fois... Oui, on a passé de superbes moments, seulement, ces bons souvenirs de Magnus et moi se sont teintés d'un rouge sanglant.

Rouge de la trahison.

Rouge de ma blessure.

Rouge du mensonge.

Soudain, je les entends se diriger vers la porte du bureau. Sans réfléchir, j'ouvre la porte et pénètre dans la pièce.

Je peux voir qu'ils sont surpris de me voir.
Je suis peut-être entré un peu violemment, mais je ne voulais pas qu'ils me surprennent dans le couloir. Je regarde Magnus. Son expression ne laisse deviner aucune culpabilité, seulement la joie de me voir. « Menteur ! » ai-je envie de lui hurler.
Mais je me retiens. Ce n'est pas le moment de faire une scène. Alors je joue la surprise.

- Magnus ! Qu'est-ce que tu fais là ? Et c'est qui, elle ?

La dernière question m'a échappé. Je n'ai pas pu empêcher les mots de se précipiter en dehors de ma bouche, et j'ai l'impression qu'ils flottent dans l'air, accusateurs, attendant une explication honnête.
Qui ne vient pas.

- Alec, je te présente Camille Belcourt, une collègue, et Camille, voici Alec Lightwood, un des serveurs du Pandémonium.

- Ravie de te rencontrer, sourit-elle en me tendant la main.

Pétasse.

- De même, je réponds poliment en lui rendant rapidement son salut. Magnus, tu n'avais pas dit que tu serais absent ce soir ?

- J'ai eu un changement de plan, dit-il en balayant l'air de sa main. Mais toi, qu'est-ce que tu fais ici ?

- On n'a plus d'rhum.

- Jack Sparrow ! rit-il. Très bonne référence. Mais vraiment, on n'a plus de rhum ?

- Oui, et à ce qu'il parait t'as le numéro privé d'un fournisseur ou un truc du genre... J'étais censé le trouver, mais est-ce que tu peux régler ce problème, s'il te plaît ? Il faut que je retourne aider au comptoir, on est débordés.

- Oui, ne t'en fais pas, je gère ! Courage à vous ! ajoute-t-il, mais je suis déjà parti.

***

Le reste de la soirée s'écoule lentement.
Je suis perdu dans mes pensées, et mon attention est loin d'être suffisante. Peter me rappelle plus d'une fois à l'ordre. Mais rien n'y fait. Je suis en plein dilemme. Lui dire ? Ne pas lui dire ?

D'un côté, j'ai un amour-propre. Je ne vais pas le laisser me tromper sans rien faire. En outre, je veux le voir faire face à ses mensonges, le voir pâlir et se ratatiner sur lui-même, sentir sa culpabilité et son mal-être sur ma langue.

De l'autre côté, j'aimerais faire comme si de rien n'était. Continuer à passer du temps avec lui, à le voir sourire, scintiller, à l'écouter parler et plaisanter. Sentir encore son parfum -bois de santal-, ses lèvres sur les miennes, nos cœurs battre à l'unisson. Je ne veux pas dire volontairement adieu à mon bonheur.

Alors, quand il vient me voir à la fermeture du bar pour me proposer de passer la nuit chez lui, je dis oui. Je fais comme si de rien n'était. Ou, du moins, j'essaie.
Et il ne remarque pas que mon sourire est plus forcé que d'habitude, que mes doigts ne s'entremêlent pas aux siens lors du trajet jusque chez lui, que ma tête est à des centaines de kilomètres de mon cœur, de lui.

Je lui dis que je suis fatigué, et il ne proteste pas quand je vais au lit, torse nu, et que je lui tourne le dos. Il ne vient pas non plus m'entourer de ses bras pour dormir comme il l'a fait la nuit dernière.
Peut-être que sa culpabilité le rattrape. Ou peut-être qu'il a senti mon mal-être.

Je ne sais plus ce que je veux qu'il veuille : me quitter, ou rester avec moi et me tromper. Les deux me détruiront.
Me détruisent déjà.

Je sais seulement que cette nuit-là, longtemps, je reste les yeux grands ouverts dans le noir, fixant le vide.

C'est seulement lorsque j'entends sa respiration se ralentir que je laisse les larmes couler. Et mon dieu, ce que ça fait mal.

**********

Bonjour/Bonsoir !

Désolée pour la déprime ^^'

J'espère que ce chapitre vous a quand même un peu plu :-)

Bonne journée/soirée/nuit et à la prochaine ^^

Make something right (Fanfiction Malec) Where stories live. Discover now