8. Lydia

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Je me réveille en sursaut, en sentant le soleil me caresser le visage. Non, ne me dites pas que j'ai encore oublié de mettre un réveil ?

Je me redresse, mais la douleur dans mon corps et les murs blancs me rappellent rapidement que je ne suis pas chez moi.

En grimaçant, je sors du lit. Il faut absolument que j'aille aux toilettes. Je me traîne jusqu'à la petite salle de bains jouxtant ma chambre.

Je soupire de bonheur en en ressortant quelques minutes plus tard. J'avais vraiment besoin de cette douche, même si j'ai un peu galéré, avec une seule main disponible pour me laver les cheveux...

Une infirmière m'attend au pied de mon lit, le regard noir.

- Dans votre état, vous auriez dû m'appeler pour que je vous aide à vous doucher, monsieur Lightwood !

Je balaie sa remarque d'un geste de la main, assez irrespectueux, je l'avoue. Mais qui a envie d'avoir une infirmière à côté de soi dans la douche ? Pas moi, en tous cas.

- Je peux sortir de l'hôpital ? Je me sens en forme ! je mens.

Elle me jette un regard soupçonneux, puis insiste pour m'examiner avant de soupirer.

- Une amie attend dans le couloir pour vous voir. Après ça, vous devrez signer quelques papiers, puis vous serez libre de partir. Gardez l'attelle à votre poignet encore quelques jours. Le reste se guérira tout seul. Mais il faudra éviter de vous surmener pendant quelques temps, vous avez besoin de repos.

Je hoche la tête, faussement docile. Si elle croit que mon loyer va se payer tout seul...

Elle part, et Lydia pénètre dans la chambre. Je la prends dans mes bras, ravi qu'elle soit là. Néanmoins, je la sens tendue, et elle se dégage bien vite de mon étreinte.

- Écoute, Alec, commence-t-elle en évitant mon regard. Il faut que je t'avoue quelque chose...

- C'est Meliorn, n'est-ce pas ?

Elle me regarde interloquée. Mon cœur se serre. J'ai peur de deviner la suite. Je ne voulais pas avoir raison en évoquant le patron comme raison de sa tension...
Je la laisse parler sans l'interrompre, assis sur le lit. Elle fait les cent pas, se triturant les doigts.

- Après t'avoir accompagné ici, je suis partie prévenir Meliorn. Les médecins m'ont dit que tu n'avais rien de grave, que ton corps avait seulement besoin de repos et que c'était pour ça que tu ne te réveillais pas tout de suite. Alors j'ai dit au patron que tu serais absent pour un soir ou deux, pas plus. Il a été très compréhensif, il a trouvé un remplaçant. Mais hier, quand je l'ai prévenu que tu étais réveillé, il... Il dit qu'il est désolé, mais que ton remplaçant est efficace, souriant et que, je cite, « il est dans la même situation ou presque qu'Alec quand je l'ai rencontré ». Il m'a dit que tu comprendrais et qu'il était vraiment navré... Tiens, j'ai ton dernier salaire là, il me l'a donné pour toi.

Je prends l'enveloppe sans un mot. Je note dans un coin de mon cerveau que je dois rendre visite à ce remplaçant, voir s'il n'a pas besoin d'aide.

Puis je regarde le montant écrit sur la feuille et froisse le papier dans ma main, dans un geste convulsif. Le désespoir commence à m'envahir. Ce job payait toutes les factures ou presque, les autres ne rapportent pas assez... Comment je vais faire, maintenant ?
J'ai beau faire des calculs de plus en plus pessimistes quant au contenu de mon frigo et au nombre d'heures de sommeil que j'aurais par nuit, mais rien ne va...

Je sens, bien malgré moi, les larmes me monter aux yeux. Je renifle, et sursaute en sentant une main se poser sur mon épaule.

Je plonge mes yeux dans ceux pleins de compassion de Lydia.

- Hey, ça va aller, Alec, ok ? Je suis là pour toi, et tu as Izzy, et Jace...

Je secoue la tête. Non, je ne veux pas les mêler à ça.

Lydia presse plus fort mon épaule.

- Alec... pourquoi tu ne leur dis pas la vérité ? Je veux dire, je ne sais pas ce que tu as vécu, et quelle était ta fameuse « situation » avant d'être embauché par Meliorn, et je comprends que tu ne veuilles pas forcément te confier à moi, mais... eux ? C'est ta famille, Alec. Ils te soutiendront toujours, peu importe ce que tu as fait ou vécu.

Je laisse échapper un ricanement ironique, mais je ne lève pas les yeux vers elle. Je regarde mes mains sans les voir. Sans que je ne sache trop pourquoi, je confie une partie de ma vie désastreuse à Lydia, dans cette chambre d'hôpital sentant le désinfectant, le shampoing et la tristesse.

- Mes parents m'ont viré de chez nous et m'ont déshérité, quand je leur ai annoncé que... que j'étais gay. J'avais dix-sept ans, je ne possédais plus que ce que j'avais sur le dos, même pas mon téléphone, rien. J'étais perdu, je n'avais... je n'ai même pas fini le lycée. J'ai erré dans New York, jusqu'au soir. Je n'avais personne d'assez proche de moi pour que je puisse leur demander de m'héberger, personne à part Izzy et Jace et... et c'était tout. Ce soir-là, j'ai dormi pour la première fois de ma vie dans Central Park. Ça me semblait un lieu accueillant...

Je lâche un souffle tremblotant. J'ai les yeux dans le vide, je vois les arbres du parc comme si j'étais de retour dans le passé. Une fois allongé par terre, seul, lors d'une froide nuit d'avril, ces arbres ne m'avaient finalement plus semblé si chaleureux... J'ai eu froid, et faim, et...

Je secoue la tête, reniflant à nouveau, et m'essuie le nez avec la manche de mon pull.

- J'ai passé onze mois dehors. J'ai survécu comme je pouvais. Je n'ai jamais autant appris que pendant ces onze mois. Sur la nature, sur les hommes, sur leurs habitudes et leurs sentiments... quel intérêt d'aller à l'école et d'avoir son bac ? je pensais. Pour avoir une licence de sociologie il suffit d'aller vivre dans la rue.

Je ricane un peu, comme pour détendre l'atmosphère, mais je ne la rends que plus lourde.

- Puis un soir, Meliorn m'a trouvé dans l'arrière-cour du Hunter, à chercher de la nourriture dans les poubelles, et il m'a proposé ce job. Les premières semaines, j'ai dormi au bar, ça me permettait de faire des heures sup' facilement. Et puis j'ai enfin eu assez d'argent pour louer un appartement. Si tu savais comme la sensation de dormir dans un lit m'avait manqué...

J'ai toujours les yeux dans le vide du passé, alors je sens plus que je ne vois la grimace de Lydia. Elle s'est déjà assise sur mon lit une fois, et s'en est relevée aussi sec en criant qu'un matelas ne pouvait PAS être encore moins confortable qu'un tapis d'épines, d'aiguilles et de clous mêlés. Ce souvenir me fait sourire distraitement.

Je finis mon récit le plus rapidement possible.

- Un an après avoir commencé à travailler au Hunter, j'y ai croisé Jace, par hasard. Je n'en croyais pas mes yeux, et lui non plus. Après mon... départ, aucun.., enfin, ni mon frère ni ma sœur n'avait eu le droit de me contacter. Ils m'avaient cherché mais... pas dans les bons quartiers. Jace m'a emmené voir Izzy et... ils étaient tellement heureux de me revoir, et moi aussi... Je ne me sentais pas de leur dire la vérité. Ils avaient déjà assez souffert... Alors j'ai prétendu que j'avais facilement trouvé un job, qu'un ami m'avait hébergé au début, qu'on s'était brouillés et que j'avais maintenant mon propre appart'. Ils ne m'ont pas demandé de détails, jamais. À ce moment-là, on ne s'était pas vus depuis deux ans, mais ils étaient toujours aussi insouciants, ou presque. J'ai toujours été le grand frère protecteur, à prendre pour leurs conneries et à les empêcher de se mettre trop dans la merde... Tu vois le genre. Je fais les choses bien, ou du moins j'essaie de mon mieux. Je prends soin d'eux et je peux m'occuper de moi-même, ça a toujours été comme ça. Ils n'ont pas pensé que ça aurait pu changer... que j'aurais pu changer. Que j'aurais pu leur mentir.

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Bonjour/Bonsoir !

Voici le début des révélations d'Alec sur son passé, vous vous attendiez à ça ?

Sinon, j'espère que ce chapitre vous a plu ^^
Merci d'être de plus en plus nombreux à me lire waow ça fait tellement plaisir que j'ai pas les mots !

À la prochaine :-)

Make something right (Fanfiction Malec) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant