63. CEUX QUI PRENAIENT L'ASCENSEUR

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– Alors, comment étaient vos vacances ? demanda mon père.

Je défaisais ma valise, à plat sur mon lit, quand mon père se posa à côté de moi, sourire aux lèvres.

– Vous avez eu beau temps, j'ai regardé la météo tous les jours... Un peu de pluie et d'orage le dernier soir, mais...

Je levais les yeux au plafond, amusé : depuis que nous étions petits, Sacha et moi, mon père avait toujours eu cette habitude de zyeuter la météo des endroits où nous partions en vacances sans lui et ma mère. Je terminais de vider ma valise, avant de m'asseoir en tailleur à ses côtés.

– Ça s'est bien passé.
– C'était la première fois que vous partiez aussi nombreux, aussi longtemps...
– Et c'était vraiment cool. Nous nous sommes tous dit que c'était à refaire.

Mais je ne me faisais pas d'illusion, cela n'aurait pas lieu avant très longtemps. Nous avions chacun des études différentes, aux emplois du temps bien variés, nos petits boulots respectifs... avec peu de jours de vacances en commun. Et puis, il y avait Adel, qui pouvait choisir de repartir à tout moment. Mon père ne manqua rien à ma mine qui se décompose rien qu'en y pensant, et posa une main sur mon épaule.

– Quelque chose ne va pas Louis ?
– Ça va...
– Je vois bien que non. Et tu sais... Tu sais que tu peux me parler, d'accord ? Même si c'est par rapport à tes études, je peux essayer de t'aider, d'accord ? 

Je haussais les épaules, en ce qui me concernait, mon chemin d'étude était tout tracé. Je faisais ma dernière année de licence dans la même fac, puis je tentais de postuler pour un master. Je ne savais pas encore précisément lequel, j'hésitais entre deux parcours, mais je savais que cela était ce que je souhaitais. Quant à l'après... Je me tâtais encore à savoir si le métier de professeur me plairait réellement, et je me donnais encore deux ans pour y réfléchir.

Non, le problème n'était pas là. Le problème commençait par un A, terminait par un -del, et ce problème me prenait la tête. C'était bien simple, depuis le jour où il m'avait annoncé qu'il songeait à repartir à l'autre bout du monde... J'angoissais. S'il partait à nouveau, si nous nous éloignions encore... J'avais peur de ne pas arriver à le supporter. Mon cœur se tordait irrémédiablement à chaque fois que je l'imaginais une nouvelle fois me dire au revoir à l'aéroport.

Mon père, qui ne m'avait pas quitté du regard, soupira doucement et me passa une main dans les cheveux que je tentais – vainement – de dégager. 

– Je suis fier de toi, tu le sais ça ?
– À propos de quoi ?
– De tout. Je suis fier du garçon que tu es devenu.
– Papa... Sérieux...

Mon père haussa les épaules, et se leva, tira nerveusement sur le bas de sa chemise.

– Et tu sais que je serais toujours là pour t'écouter, d'accord ?

Mon père était maladroit dans ses sentiments, ses gestes et ses paroles, mais mon père était un type génial. Et je le savais. J'avais de la chance de l'avoir, et je le réalisais pleinement chaque jour un peu plus.

– Je sais papa, merci...

J'avais beau avoir dix-neuf ans, bientôt vingt, je me sentais toujours comme ce petit garçon qui n'avais jamais lâché sa main. Mon père et moi nous étions considérablement rapprochés à l'époque lycée, alors que beaucoup d'adolescents faisaient pourtant l'inverse, et cela n'avait jamais cessé.

Il referma la porte de ma chambre, non sans cesser de me sourire, et je me laissais tomber en arrière sur mon lit, fatigué de cette journée. Concrètement, je n'avais pas fait grand chose ; nous étions rentrés hier soir, tard dans la nuit. Ce matin, je m'étais réveillé trop tôt à mon goût, et j'avais passé la journée avec ma sœur, à jouer aux jeux vidéo parce que je n'avais pas la force de faire quelque chose d'autre. Et puis la fin de journée était vite arrivée, ma mère m'avait sermonné pour que je range – enfin – ma valise et son contenant, et je m'y étais attelé.

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