50. CELUI QUI DEVIENT CEUX

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J'avais un job. Ou plutôt, j'avais un job pour les trois mois à venir, dans quelque chose qui me plaisait plus ou moins et ça, pour tous les week-end. La nouvelle était tombée le jour de mon dix-huitième anniversaire, pile-poil. C'était à peine levé (à cause de la chaleur étouffante de ce foutu mois de juillet) que j'avais regardé mes mails sur mon portable, et c'est là que je l'avais vu. Perdu dans mes courriers indésirables se trouvait la réponse d'un des musées de ma ville qui me proposait le boulot de surveillant de salle. Alors oui, ce n'était pas glorieux. Cependant, je ne disais pas non. Je m'étais empressé de dévaler l'escalier et d'aller annoncer la bonne nouvelle à mes parents. Ils m'avaient félicité et puis... c'était à peu près tout. Rien de plus, rien de moins.

N'était-on pas le dix-sept juillet aujourd'hui ? N'était-ce pas l'anniversaire de leur première enfant chéri ? Pourquoi tout le monde faisait comme si... cette journée n'était pas spéciale ? Je n'aimais pas ça. Et pour deux raisons. Si mes parents et ma sœur faisaient semblant d'avoir oublié mon anniversaire, c'est que quelque chose se tramait. Et je le savais ! Et pour une raison qui m'échappait encore, Maya faisait de même. Sous mon propre toit. La fourbe, la traître. Comment tout le monde arrivait à faire comme si de rien était ? Je reçus quelques messages sur facebook, de gens dont je me foutais éperdument, soyons honnête. Du genre, des gens à qui je ne parlais plus depuis des années, ou Sixtine et Clara,que je n'aimais pas. Cependant, rien de mes plus proches amis, ou encore, de mon équipe de volley. Depuis le temps que j'étais dans l'équipe... Aucun des gars ne ratait jamais l'anniversaire de l'un d'entre nous. Et dans trois jours, nous allions jouer le dernier match de notre année, le plus important et eux... Eux restaient silencieux. J'étais frustré.

Et puis quand arriva le repas de midi, je compris. Que non seulement mes parents s'étaient arrangées pour réduire tous mes amis au silence, mais en plus, en plus ! Ils osaient me préparer un anniversaire surprise.

Un.
Foutu.
Anniversaire.
Surprise.

À croire qu'ils ne me connaissaient pas. Pourtant, ils le savaient ! Tout le monde savait ! J'avais une sainte horreur des surprises ! Et pour que mon propre petit ami ne réponde pas à mes messages, pour qu'Inès l'imite et que Maya me lance des regards en coin toute la journée, ça devait être quelque chose de gros. J'en tremblais d'avance. Comprenez-moi, j'étais le genre de personne à faire des listes de cadeaux pour mon anniversaire, parce que je n'aimais pas, les surprises. J'étais le genre de personne à vouloir tout savoir en avance. J'étais comme ça, point barre. Les surprises m'oppressaient. Pourquoi ? Hé bien parce qu'avec les surprises, il fallait être bon acteur. Si quelque chose ne me plaisait pas, et que je n'en avais pas eu connaissance avant, j'allais devoir feinter d'être heureux, alors qu'au fond, pas du tout.

Et ils étaient là, tout fiers, tout heureux, pensant que je n'avais rien vu venir. Oh, ils se trompaient ! C'était bien mal me connaître ! Cependant, je devais avouer qu'ils poussaient le jeu très loin. Mon père passa la journée à nettoyer la maison de fond en comble. Maya et Sacha eurent une soudaine envie d'une virée shopping à laquelle je ne fus pas convié. Et comme par hasard, ma mère faisait son grand nettoyage de jardin. Personne ne s'occupait de moi. Personne ne faisait attention à moi. Et puisqu'ils voulaient la jouer comme ça... j'allais rentrer dans leur petit jeu tout nul. Non mais.

En début d'après-midi donc, je décidais de quitter la maison pour m'aérer l'esprit. C'est tout naturellement, la musique dans les oreilles, que je pris un bus en direction du centre-ville pour aller marcher un peu. Personne ne chercha à me retenir dans la maison. Grand bien. J'étais prêt à parier qu'ils allaient tout installer en mon absence, j'allais donc jouer le jeu. Et alors que je m'étais confortablement installé dans ma libraire fétiche, mon portable sonna. Pour la première - oui, la première - fois de la journée. Intrigué, je vis le nom de ma petite sœur s'afficher sur l'écran. Elle avait pourtant connaissance de ma peur du téléphone, pourquoi m'infligeait-elle un appel ?

ÉCLIPSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant