J’hochai la tête. Il semblait que j’avais éveillé toute l’attention de mon interlocuteur. Je vis rapidement un éclair de surprise passer dans ses yeux, mais il l’abandonna vite en reprenant un visage stoïque. Il me regarda droit dans les yeux d’un regard perçant que je soutins sans ciller.

- Qu’est ce que le Gouvernement Mondial et la Marine font dans toute cette affaire ?
- Il n’y a pas qu’eux. L’armée révolutionnaire est aussi concernée. Kuroshinju a un plan pour tous les décimer, et si elle réussit, le monde sera aux mains des pirates.

Le visage de Smoker se contracta, sans qu’il n’ajoute quoi que ce soit. Je déglutit. Je ne me rappelai que trop bien l’indifférence qu’elle avait dans la voix alors qu’elle nous révélait tout. Elle ne semblait avoir aucun respect pour la vie, ni pour les causes et les rêves défendus par chacun. En m’efforçant de rester concentrée, je continuai sur ma lancée :

- Elle a mangé un fruit du Démon. Un Paramécia qui lui permet de manipuler les perles selon sa volonté, et avec ces capacités, elle est arrivée à créer de minuscules perles indétectables, facilement dissimulables dans la nourriture. Une fois avalées, les perles se promènent dans l’organisme et peuvent exploser à n’importe quel moment, dans n’importe quel endroit du corps, dès que cette femme le souhaite.

Je posai fébrilement la main sur ma blessure à l’épaule. J’en avais encore le frisson, à me remémorer le bruit qu’avait fait la perle et la douleur qu’elle avait provoqué. Je n’osais même pas imaginer combien de perles pouvaient encore se promener dans mon corps, prêtes à me tuer à l’instant même si Gyn le voulait. Tout ça pour avoir mangé une pomme… Je me maudissais, j’aurai dû être plus prudente et ne pas me laisser attendrir par cette fillette qui nous les avait donné, mais je n’avais pas le temps de m’en vouloir. Je redressai la tête en lâchant mon épaule et poursuivis :

- Ce ne sont que de petites explosions mais bien ciblées, elles peuvent être catastrophiques. Le plan de Kuroshinju a consisté à livrer durant cette dernière année de la nourriture truffée de ces perles aux agents du Gouvernement Mondial, aux soldats de la Marine et aux révolutionnaires par l’intermédiaire de contacts hauts placés. Aujourd’hui, la dernière cargaison part. Elle arrivera ce soir, et demain, Kuroshinju n’aura qu’à claquer des doigts pour que toutes les personnes ayant ingéré ces perles meurent. Autrement dit, Kuroshinju a été patiente, elle a attendu durant un an que toutes ses cibles aient au minimum une dizaine de perles dans l’organisme, et demain elle fera tout sauter. Demain, il n’y aura plus de Gouvernement Mondial, plus de Marine et plus d’armée révolutionnaire, et les seuls survivants qu’il pourrait y avoir se feront tuer par les pirates qui auront enfin le contrôle des mers.

Le silence retomba. Les yeux de mon interlocuteur s’étaient légèrement écarquillés, mais le froncement de sourcils et la crispation de ses muscles en disaient assez. Cela ne m’étonnait pas. On ne pouvait rester indifférent, d’autant plus qu’il y avait de grandes chances qu’il soit également truffé de perles, à mon instar, et à l’instar de Sabo, probablement...
Voyant qu’il ne semblait pas prêt de dire quelque chose, je soupirai et repris la parole.

- Mon nakama s’est fait capturé et je ne peux pas rejoindre mon équipage. Je ne peux pas non plus appeler mes alliés sans les mettre en danger. Il faut stopper cette folie avant qu’il ne soit trop tard.

Je me tus, et regardai Smoker avec gravité. Du coin de l’oeil, je remarquai que les soldats du G-5 regardaient eux-aussi le marine, mais avec insistance. Leur peur se sentait. Ils m’avaient écouté parlé, et maintenant, ils avaient peur. Mais peur de quoi ? De mourir ? Ou du monde à venir si Kuroshinju réussissait ?

Le silence commençait à se faire pesant, alors que Smoker soutenait mon regard. Je sentis mon coeur s’accélérer sous le coup de la nervosité. Je n’aurai jamais sous-entendu que j’avais besoin d’aide si il s’agissait d’un autre gradé, que ce soit mon ancien supérieur-référent Momonga, Hina, Kizaru ou même Bastille, mais je savais que Smoker m’écouterait et prendrait en compte ce que je lui disais, même si j’étais une pirate.

Le vice-amiral finit par soupirer en fermant brièvement les yeux.

- Tch. J’ai déjà collaboré avec des pirates, j’ai pas envie de recommencer.

Punk Hazard, Trafalgar Law et Monkey D. Luffy semblaient lui être resté en mémoire, ce qui n’était pas pour m’aider. Je croisai les bras, haussai un sourcil et répondis du tac au tac sans vraiment réfléchir :

- Si c’est ce qu’il faut pour que ta tête d’âne bâté de première fasse ce qui est juste, tu n’as qu’à me capturer.

À ce moment-même, ce n'était pas ma petite personne qui m'importait le plus. Des milliers d'innocents allaient mourir. Si leur salut signifiait ma capture et mon exécution par la Marine, j'y étais plus que prête.

Le vice-amiral détourna le regard. Je soupirai. Ce n’était que parce que j’étais pirate. Si j’étais encore dans la Marine, il m’aurait aidé sans hésiter. Tant pis alors, je ferai seule. Si lui ne voyait pas l’urgence de la situation, moi oui. Je restai droite, à le regarder, et cette fois-ci je m’appliquai à parler plus posément, et en choisissant mes mots.

- Je n’ai pas changé en devenant pirate. J’ai toujours les mêmes idéaux. Tu me connais, tu connais mon père, je crois même que tu as une dette envers lui depuis Punk Hazard, alors que publiquement il est devenu un allié de Barbe Noire. Enfin bon. J’ai décidé d’agir, avec ou sans renforts. Je vous souhaite un bon séjour sur cette île, à toi et à tes hommes.

Je me levai et esquissai un pas vers la sortie, mais Smoker abattit son poing sur la table, me stoppant dans mon action.

- Quelque chose m'échappe. Pourquoi une pirate voudrait protéger la Marine ou le Gouvernement Mondial ?

Il ne me regardait toujours pas, mais je me retournai complètement vers lui et lui répondis franchement :

- J’ai beaucoup appris en deux ans. Je connais tous les crimes du Gouvernement Mondial et je n’ai qu’une envie, c’est qu’il chute.
- Je pourrai te mettre aux arrêts pour de telles paroles.
- Je sais. Mais tu ne le feras pas, car tu vas dans mon sens.

Je posai mes mains sur la table. Le Chasseur Blanc avait finalement levé la tête vers moi, et je m’appliquai à le regarder dans les yeux.

- Si le Gouvernement Mondial mérite de tomber, ce n’est pas le cas de la Marine ou de l’armée révolutionnaire. Ma vision de la Justice ne repose pas sur le massacre de milliers d’innocents qui croient œuvrer pour le Bien, et puis, si le monde entier tombe aux mains de pirates tels que Barbe Noire, Kaido ou même Doflamingo, ce ne sera qu’un enfer sur terre pour la population. Saches que si je voulais voir le monde sombrer dans le chaos, je ne porterai plus sur le dos un tel manteau avec une telle inscription.

Je m’apprêtai à continuer ma tirade, mais il leva la main pour me couper. Je refermai la bouche. Il pointa alors son index vers moi, puis vers la table en grognant un seul mot :

- Assise.

Je ne pus empêcher mes lèvres de se retrousser en un sourire. Un poids s’envolait de mon esprit alors que j’obéissais et me ré-asseyais, mais tandis que j’étais soulagée et un peu plus détendue, Smoker semblait tout aussi strict et autoritaire. Tout en fumant perpétuellement ses cigares, il me regarda droit dans les yeux.

- Je vais faire mon devoir envers la Marine. Dès que ce sera fini, tu auras intérêt à déguerpir avant que je te capture.
- Parfait.

Une Question de Justice [One Piece]حيث تعيش القصص. اكتشف الآن