III.

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Lorsqu'elle était plus jeune, Angèle était rêveuse et inaliénable. Elle était courtisée, et ce n'était pas pour lui déplaire. Il faut dire que c'était une ravissante jeune femme. Les yeux bleu océan, les cheveux aux épaules, jolie blonde à l'allure élancée. Elle était incontrôlable ; il y avait en elle une fougue « passagère » la rendant dissidente et qui, chez elle, n'était point passée. Au grand désarroi de son pauvre père, qui l'avait menacée à plusieurs reprises de la marier sans son consentement si elle ne se trouvait pas un mari rapidement. C'est pour cela que, depuis l'enfance, Angèle était corrigée par son père. Elle n'était pas assez obéissante, elle était trop rêveuse, toutes les excuses étaient bonnes pour qu'elle reçoive gifles, coups de poings, de pieds, coups de ceinture, et autres formalités pour son éducation. Oui, vous comprenez, c'est la réputation de sa riche famille qu'elle salissait. Elle s'était habituée à l'atrocité de cette violence, mais elle voulait partir, dès qu'elle le pourrait. Elle n'était ni de ce monde, ni de cette vie et dès qu'elle en aurait l'occasion elle fuirait loin de l'horreur, loin de cette maudite torture paternelle.

Malheureusement, l'occasion ne s'était jamais présentée et, faute de pouvoir fuir, elle avait dû se trouver un mari. C'est son père qui lui avait présenté Georges Delizzi un soir de juillet. Il était plus âgé, hôtelier, beau parleur et profiteur. Mais il plaisait à son père, puisqu'il était aussi odieux que lui ; la belle Angèle n'avait pas eu grand choix que d'accepter la demande en mariage que lui avait faite « le gendre parfait » quelques mois plus tard.

Elle n'avait jamais été comblée à ses côtés. Georges était loin d'être l'homme qu'il lui fallait. Il était terre à terre, pessimiste, rationaliste, parfois menteur, souvent frappeur. S'il était loin d'être le mari parfait il était néanmoins son parfait inverse. Elle qui était si rêveuse, optimiste, souriante, rieuse et fougueuse. Elle aurait voulu avoir la vie passionnée et passionnelle dont elle rêvait. Au lieu de cela elle s'était mariée à un homme qu'elle n'aimait pas, qui ne la voulait que pour posséder la richesse de sa famille, qui levait la main sur elle dans ses excès de colère et d'ivresse, et qui avait pourtant l'autorité sur ses moindres faits et gestes. Elle le détestait, mais il détenait à présent la fortune de sa famille et elle ne pouvait partir sans salir son nom ou mettre en péril le confort de son vieux père. C'était une princesse emprisonnée dans sa tour, et au lieu que son mari soit le prince charmant accourant pour la délivrer, il était le dragon l'empêchant de s'enfuir.

L'Horreur est humaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant