Chapitre 25.

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Mes jambes me lâchent dans un des couloirs des bâtiments délabrés. Le mur en béton contre lequel je m'adosse se couvre de mousse à mon touché. Je ne peux m'empêcher de penser que cette illusion est fascinante. Tout semble réel. Trop réel.

Je bascule la tête en arrière et ferme les yeux, inspirant à fond dans l'espoir de me calmer. À priori, je ne contrôle plus rien car une mousse sombre fleurit sous mes pieds, avalant le sol. Je frissonne. Au moins, je ne fais pas tout faner aux alentours...

Cette pensé me pétrifie. Elle me rappelle Flétrissure et les révélations de la prêtresse. Mes poings se serrent et je lutte pour ne pas céder à nouveau face à la crise d'angoisse qui se profile à la lisière de mon esprit. Pour cela, je fais appel à tous ces pouvoirs enfouis en moi, à ce lien avec la nature, plus fort que jamais, à cet équilibre dans mon cœur. Les yeux fermés, je fais de mon mieux pour ressentir la Terre et y puiser de la force et du calme. Ce qui marche un peu.

Je sens soudain une présence à mes côtés, me poussant à soulever les paupières. Je n'ai pas besoin de me tourner pour reconnaître Orphée. Il s'assoit sans dire un mot à côté de moi. Le silence nous entoure sans qu'aucun de nous d'eux n'ose le briser. Je crois que c'est mieux ainsi. Sa présence me rassure et j'aime le fait qu'il ne s'impose pas. Je crois bien que nous sommes restés une dizaine de minutes, assis là, sans un son, sans un mot, blottis l'un contre l'autre. Cela a fini par m'apaiser quelque peu et je ne retiens pas mes pensées lorsqu'elles m'échappent.

« J'ai bientôt vingt et un ans...

Dans moins de deux mois à vraie dire... Début printemps... J'avais complètement oublié, comme si le temps s'était tout bonnement arrêté ces derniers jours.

- Je sais, j'ai déjà acheté ton cadeau.

- Je déteste les cadeaux.

- Je sais.

- Tu fais ça exprès pour m'embêter à chaque fois...

- Totalement.

Son ton monocorde finit par me perturber et je lui jette un bref coup d'œil en coin. Il fixe la mousse au sol, l'air plongé dans une profonde réflexion. Je me mure à nouveau dans le silence. Je n'ai même pas vingt et un ans et je suis déjà condamnée. Je risque de ne même pas être en vie pour souffler cette vingt et unième bougie et ouvrir le cadeau d'Orphée en grommelant comme le fais d'habitude.

Le héros finit par rompre le silence, d'un ton hésitant.

- Elämä nous a raconté pour...

- Mère Nature. je complète.

Il acquiesce.

- Tu préfères ce nom à Gaïa ?

À mon tour de hocher affirmativement la tête. Son bras vient encercler mes épaules pour me serrer contre lui. Je pose ma tête sur son épaule. Ce geste me calme aussitôt. Le contact d'Orphée a quelque chose de magique. C'est comme si une bulle se créait autour de nous. Je ferme un instant les yeux. Sa voix rauque fait vibrer ma poitrine lorsqu'il me glisse :

- Et bien au moins, je suis flatté d'avoir été marié à une entité telle que toi.

C'est plus fort que moi, un très léger rire m'échappe.

- Eurydice n'était même pas au courant.

- Ce n'est pas parce que tu ne sais pas qui tu es et à quel point tu es fantastique que cela enlève à l'honneur et au plaisir que cela fait de te côtoyer et de t'aimer, Riri.

- Depuis quand es-tu si sage ?

- J'ai arrêté de compter.

J'ouvre me yeux et attrape sa main sa main pour la serrer fort dans la mienne. Il l'a redit. Qu'il m'aimait. Cela me fait toujours aussi chaud au cœur. Je me rends compte soudain que moi, je ne l'ai pas fait. Je ne suis pas parvenue à lui avouer ces trois petits mots... Je crois qu'il est temps. Avec difficulté, je murmure, le cœur battant la chamade dans ma poitrine :

Yerine (Mélusine HS.1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant