Chapitre 1 Partie 3 Le docteur Jäger

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Une fois les courses rangées, je devinais pourquoi ma mère m'avait envoyée hors de la maison.
« Bonjour Saori, comment te sens-tu ? » Demanda une voix calme et douce.

Je reconnus cette voix. Je l'aurai reconnue entre mille puisqu'elle fait partie de la plupart de mes « cauchemars ». Je me retournais pour faire face au docteur Jäger, le père d'Eren. Ma mère sait que je ne voulais plus voir le docteur Jäger. Si elle était partie faire les courses elle-même, j'aurais deviné qu'elle en aurait profité pour voir le docteur Jäger. A la place, elle m'a demandé de faire les courses pour que je ne suspecte pas qu'elle aille voir le docteur Jäger. Il n'habite qu'à quelques rues de là. Elle avait donc tout son temps pour aller le chercher. Pourquoi s'acharne-t-elle à essayer de soigner mes « cauchemars » ? A agir ainsi, tout le monde souffre et pas seulement moi. On ne peut rien changer à mes« cauchemars », c'est un fait. Alors autant laisser les autres vivre sans se soucier de mon malheur.

Pendant ce temps, le docteur m'observait. Heureusement qu'il n'a aucune idée de ce que ma tête est faite...ça le surprendrait plus qu'autre chose. Il décida de parler en premier :
« Alors, comment vont tes cauchemars en ce moment ? »

Ma mère me dévisageait aussi, inquiète. Tous deux savent que je vais nier en blocs, comme d'habitude.

« Je vais bien. Je n'ai pas fait de cauchemars depuis plusieurs mois maintenant. Je suis désolée que vous vous soyez déplacé pour rien. Ma mère s'inquiète un peu trop inutilement. Dis-je d'une traite pour ne pas laisser apparaître la rougeur du mensonge sur mon visage.
- Je peux au moins t'ausculter pour une visite de routine ?
- Oui, bien sûr. »

Je m'approchais de la table de cuisine où il était installé avec ma mère. Tant qu'il ne me touche pas, tout va bien se passer, tentais-je de me convaincre à moi-même.
« Prends-tu tes cachets avant de dormir ?
- Oui, tous les soirs. Déclarais-je un peu trop joyeusement.
- Et tes cauchemars ne sont pas réapparus ?
- Je vous ai dit que non.
- Pourquoi soudainement mes médicaments commencent à marcher alors qu'au début cela ne faisait aucun effet sur tes cauchemars ? »
Je détournais la tête. C'était décidément un trop bon médecin. Mon attention pour éviter ses doigts de ma peau m'empêche de me concentrer sur mes mensonges.

Il pose sa main sur ma peau pour mesurer mon pouls. Voilà, j'aurai le droit à de tout nouveau  «cauchemars » ce soir. Vraiment merci docteur ! Je n'ai pas besoin de vous ici si je sais moi-même ce que provoquent mes « cauchemars ».

« Ton pouls est irrégulier. Déclara-t-il enfin. Tu n'as vraiment rien à me dire ?
-Non, rien du tout. Pourquoi personne ne me croit lorsque je dis que tout va bien ? Lâchez-moi avec mes soi-disant cauchemars.C'est vous qui aggravez les choses. Moins vous en  vous préoccuperez et mieux ce sera pour moi » Criais-je finalement furax.

Malgré les protestations de ma mère, je m'empressais d'accéder à l'échelle pour me réfugier dans ma chambre, au grenier. Le seul endroit au monde où je me sens en sécurité.

J'avais finalement fini par craquer. Par tout déballer. Il faut dire qu'ils m'en ont tous fait baver. Surtout le docteur Jäger. Il ne sait rien de moi. Quand moi je sais tout de lui. Toute la vérité...sur ce monde horrible...pourquoi ne pas sortir et me faire bouffer par un titan au lieu de vivre ce calvaire ? Pourquoi vivre dans un monde dénué d'avenir ? Dénué de tout avenir...
Inconsciemment, je m'étais mise à pleurer en me plongeant dans les idées noires. Une gamine ne peut pas contrôler ses émotions...je devrais bien le savoir...
Je revois en mémoire ce petit enfant blond avec les yeux bleus, si mignon et si vulnérable. Je revois le sentiment de traîtrise de son père, d'incompréhension. Moi, j'aurais agi comme ce gamin, c'est ce que je fais en ce moment même. J'aurais pensé à ma propre survie avant celle des autres.

Je n'avais pas entendu monter le docteur Jäger alors je sursautais lorsque j'entendis sa voix :
« Alors c'est ici que tu dors ? »

Il me regarda avec douceur. Je sais que c'est un homme bien. Je le sais mieux que quiconque...

« Ce n'est pas grave de pleurer mais ce que j'aimerais le plus c'est que tu m'expliques pourquoi tu pleures.
- Non, non et non. M'exprimais-je de la tête.
- Et si tu me racontais un peu tes cauchemars.
- Non.Murmurais-je.
- Même pas un de tes cauchemars ?
- Non.Dis-je plus fort en le regardant droit dans les yeux.
- Pourquoi cet entêtement dans le silence ?
- Je ne suis pas comme vous. Je ne suis pas courageuse. Je veux juste oublier...tout oublier.
- Ce n'est pas vrai, tu es courageuse.
- Non, non, ce n'est pas vrai.
- Pourquoi est-ce que tu te caches alors dans ce grenier pour cacher tes cris ?
- Plus vous vous occupez de moi plus je fais de cauchemars.
- Et pourquoi donc? Tu as peur de nous ?Tu as peur de tes propres parents ? »

La vision du petit garçon blond me revint en mémoire. Lui, oui, il avait peur de ses parents.

« Qu'est-ce que ça fait aux parents si leur enfant a peur d'eux ?
- Beaucoup de tristesse. Tu as donc peur de tes parents ?
- Non. Pas de mes parents.
- De ton frère alors ?
- Mon frère est le meilleur du monde. Jamais je n'aurai peur de lui.
- De qui as-tu peur alors ? De...moi ? »
Je ne répondis pas à la question. Il avait vu juste. Je n'aimais pas la tournure de cet interrogatoire.

« Mais pourquoi as-tu peur de moi ? J'ai fait quelque chose qui t'a fait peur ?
- Non, vous n'êtes pas vraiment fautif. C'est juste que...vous apparaissez souvent dans mes rêves.
- Ah bon ? Et qu'est-ce que je fais dans tes rêves ? Je te fais du mal ?
- Non. S'il vous plaît, laissez tomber. Je ne veux pas en dire plus. »
A cause de lui, mon dernier cauchemar avait refait surface. Je me roulais en boule pour protéger mon corps des souvenirs.
« Saori ? »
C'était la voix inquiète de ma mère. Elle était là depuis tout ce temps mais je ne l'avais pas remarquée. Elle encercla mes bras autour de moi. Elle voulait me réconforter. Elle s'inquiétait déjà tellement pour moi.
« Ecoutez, proposa le docteur,cet après-midi je prends le bateau pour aller en ville. Si tu ne peux pas parler de tes cauchemars, mets-les par écrit. Et à mon retour, tu décideras toi-même si tu veux les partager ou non. Je suis sur que les partager à quelqu'un, même si ce n'est que sur du papier te fera le plus grand bien. Qu'en penses-tu Saori ? »

Je me relevais et hochais la tête.C'était le meilleur compromis que je puisse faire actuellement.

Le pouvoir des souvenirs (Attaque des titans fanfiction)Kde žijí příběhy. Začni objevovat