Instants fugaces

XXVIII

- J'aimerai que le monde s'arrête de tourner. Juste une seconde.

- Pose ton joint, Kris. Déjà que tu m'as fait monter sur le toit, j'ai pas envie d'approcher les étoiles de trop près.

- T'as jamais voulu voir ce que ça donnerait d'arrêter le temps ? Une seconde, l'instant de faire ce que tu désires. De ne pas avoir à te préoccuper de la minute suivante. De ne te préoccuper que de l'instant présent.

- T'es déchiré.

- J'aimerai le vivre. Juste une fois. Tu vois : me dire que cette seconde va s'étaler sur un temps indéfini, de ne pas savoir quand il va reprendre. Ca doit être incroyable, cette sensation d'avoir tout le temps que tu veux.

- Terrifiant ouais.

- Pourquoi ?

- Tu t'imagines une seconde sans savoir quand viendra celle d'après ? De ne pas savoir si le temps reprendra ses droits ? Si tout s'arrête, si la vie meurt lorsque le temps se stoppe ? Ca aurait un impact trop fort.

- Ce serait l'inverse. Tu comprends pas.

- Explique-moi alors.

- Imagine-toi, Chad, avoir le temps de faire ce qui te donne le plus envie et de savoir que tu pourras en profiter un temps indéfini, sans que cela n'est de répercussion sur le présent, sur le temps qui suit son cours. Un instant en suspens où tu as le droit de faire ce que tu veux, sans t'inquiéter de perdre ce temps, sans avoir peur que ça ne cesse à cause de lui. Imagine-toi arrêter le temps pour réaliser un de tes vœux et de le faire durer le plus longtemps possible. Est-ce que ça ne vaudrait pas le coup, même si tu dois le payer de ta vie après ?

- C'est terrifiant à imaginer, Kris.

- Au contraire, je trouve ça beau. Je voudrais qu'on me laisse arrêter le temps une seconde indéfinie pour faire ce que j'ai envie. Même si tout doit s'arrêter après.

- Je te laisserai pas faire.

- Pourquoi ?

- Je refuse de te perdre pour une seconde de bonheur. Pas quand je pourrais t'en faire vivre des milliers d'autres.

- Ce n'est pas pareil.

- Alors tu préfères vivre cette seconde, et ensuite laisser le reste de ton monde s'écrouler ? Pour un vœu que tu pourrais peut-être réaliser et vivre de manière encore plus intense au moment présent ?

- Oui.

- Pourquoi ?

- Parce que je n'ai aucune idée de comment ça se finirait si je le faisais dans le présent. Alors que si c'est pendant une seconde, juste une seconde hors du temps, alors peut-être que ça pourrait s'effacer. Et ainsi, ne pas tout détruire.

- T'es vraiment déchiré pour dire des trucs comme ça.

- Tu étais sérieux quand tu disais que tu disais que tu pourrais me faire vivre des milliers de secondes de bonheur ?

- Evidemment.

- J'aimerai que le temps s'arrête maintenant.