XXVII

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Le regard fixé au loin, j'inspire avant de me lancer dans la pente. J'entends le cliquetis caractéristique de l'appareil photo. Mais je l'ignore, bien trop habitué. Je veux juste me laisser guider par le skate. 

- Souris, c'est mieux. 

Forcément, sa remarque m'arrache un sourire en coin. Et Kris se marre. Je me laisse à nouveau porter. On était parti pour une simple sortie et ça a fini en séance photo. C'était une évidence, ça se passe toujours de la même façon. Mais Kris ne se lasse pas de sa passion : c'est son monde.

J'ai réussi à lui faire entendre raison : il a du talent et le directeur de l'école de photo est con. Il finira par y entrer, il aura le droit à des aides un jour où l'autre. Il vivra de sa passion, je m'en fais la promesse. Car je lui payerai, s'il le faut. Je vendrais mon rein pour un de ses sourires victorieux. 

- Pars sur la droite ! Ouais, comme ça !

J'effectue chacun de ses ordres avec la même volonté qui l'anime. Il veut y arriver et je le lui souhaite. Et si pour ça, je dois passer des heures devant son objectif, je suis prêt. Il aura un book magnifique, grâce à moi, et il ira apprendre des meilleurs. 

- Merde. Recommence, la lumière n'était pas bonne. 

- Je suis pas ton larbin !

Je râle pour la forme en m'arrêtant en haut d'une pente, mon pied retenant mon skate au-dessus du vide. Le visage de Kris se relève et il plante son regard dans le mien, face à moi. Un sourire étire soudain ses lèvres, narquois et mon cœur bat un peu plus follement dans ma poitrine. 

- Pourtant, on dirait l'inverse. 

- T'as vu ça où ? 

Je déglutis difficilement alors qu'il devient moqueur, secouant doucement sa tête avant de se mordre les lèvres une micro-seconde. J'ai chaud.

- Là. Viens. 

Et comme un con, je me laisse glisser pour le rejoindre de l'autre côté. S'il veut jouer, je ne vais pas me faire prier. Face à lui, je hausse un sourcil. Son appareil photo en main, il s'écarte d'un pas alors que je passe une main dans mes cheveux. Et le cliquetis d'une photo. 

Tout content, Kris regarde la photo avant de tapoter mon épaule. 

- Celle-là est parfaite, mec ! Maintenant, tu m'offres un kebab ? 

Puis il s'écarte jusqu'à son sac, ignorant complètement le bruit de mon sifflement. Putain, il joue avec mes nerfs ce petit con. Je suis son larbin, on en a trop bien conscience tous les deux.

Instants fugacesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant