247A Baltimore

Peut-être...

    Cela faisait déjà deux jours que John n'avait pas contacté Sherlock. Ce dernier cependant l'avait informé, par message, de la résolution de l'enquête, des déboires de Mme Hudson avec le menu de ce soir et de la disparition de son pull favoris ou plutôt son incinération impromptue. Il y avait beaucoup plus de textos que John avait préféré ignoré. C'était la première fois que le détective consultant le contactait autant pour autre chose qu'une enquête et dans d'autres circonstances, il en aurait été flatté. Il n'avait pas le temps d'y penser. L'important était de préparer le dîner avec Madame Hooper et passer un réveillon parfait en compagnie de Mélanie.

—Qu'est ce que vous manger en Angleterre pour être aussi maigre ? Se moqua Madame Hooper en enfournant un délicieux pain de viande dans la bouche infernale du four.

John lui rendit son sourire en suivant à la lettre la recette qui lui avait été indiqué.

—Hé bien, notre logeuse ne cuisine pas pour nous tous les ans et l'argent ne coule pas à flot quand on vit avec un bébé. C'est difficile de manger aussi bien que chez vous. Déclara-t-il en saupoudrant sa pâte de cannelle.

—C'est bien dommage qu'il ait dû partir aussitôt.

Le blond se perdit pendant un instant dans ses pensées alors qu'il malaxait sa pâte. Il n'avait pas cessé de réfléchir à l'idée de ne pas retourner à Londres et d'apprendre à vivre à l'américaine. Cela sonnait incroyablement faux. Pourquoi était-ce si compliqué de s'imaginer une vie loin de Sherlock ? Une vie normale ?

—Cette pâte va finir par durcir cow-boy. Ironisa la femme, le sortant de sa torpeur maussade.

Il s'excusa et passa à la suite de son plat. Madame Hooper l'observa alors qu'il dessinait différentes formes à l'aide de petits moules et, elle fit probablement la seule à réellement comprendre John. Il ne lui avait fallut qu'un peu de temps pour étudier ses traits.

—Ça vous dirais une petite histoire ? Demanda-t-elle en regardant son pain de viande cuir dans le four. Mes enfants ne sont pas les meilleurs pour ce qui concerne l'écoute.

—Ça ne me pose pas de problème tant qu'il n'y a pas de meurtres.

—Je n'ai pas une vie aussi trépignante que vous Monsieur Watson ! S'exclama-t-elle.

Ils rirent de bon cœur puis Madame Hooper s'assit délicatement sur une chaise en bois juste en face du plan de travail.

—C'est l'histoire d'une jeune femme qui ne pensait plus à l'amour depuis que son mari avait disparu dans le Connecticut, la laissant avec deux petits bambins sous les bras.

Bien évidemment, John avait très vite compris qui était l'héroïne de cette histoire.

—Elle avait dédié sa jeunesse à ses deux jumeaux et ne vivait qu'à travers eux. Les choses comme l'amour étaient devenus superficiels à ses yeux et je peux vous promettre qu'elle ne s'attendait pas à tomber sous le charme d'une autre femme.

John fut surpris par la tournure dont prenait l'histoire et comprenait contre son gré où Madame Hooper voulait en venir:

—Je ne suis pas...

—Gay ? L'interrompit-elle sans perdre contenance. Oh, je ne le suis pas non plus. J'étais même le genre à rejoindre les protestations anti-homosexuels armé d'une bible.

Il la regarda poser les morceaux de pâtes sur du papier sulfurisé avec un sourire mélancolique aux lèvres:

—Elle avait beau être du même sexe que moi, sa personnalité, ses manières et à peu près tout ce qui faisait d'elle ce qu'elle était, m'attiraient. Mais j'ai été élevé en bonne chrétienne et on m'a appris qu'il n'y avait de places que pour des couples Hommes/femmes. C'est ce qu'on vous a inculqué vous aussi n'est-ce pas ?

—Oui, Avoua-t-il en évitant le regard de son interlocutrice, mais je ne suis pas amoureux de Sherlock Holmes.

—Peut-être que vous ne l'êtes pas, Confirma Madame Hooper, peut être que ce n'est que de la: « Bromance ». Laissez moi tout de même vous apprendre quelque chose...

Elle plongea son regard adamantin dans le bleu ombragé des yeux du docteur et déclara:

— Un jour, cette personne que vous aurez rejeté pour suivre une morale absurde ne sera plus de ce monde. Ce jour là, toutes ces émotions refoulées referont surface et vous vous sentirez mourir avec elle. Si le désespoir ne vous emporte pas, c'est le manque qui hantera vos pensées et vos rêves.

John s'imagina alors ce qu'il ressentirait si on lui enlevait Sherlock. Si un jour, il devait retrouver le nom de son détective gravé sur une pierre tombale. Revivre la solitude, repenser à la guerre faute d'avoir cette excitation ressentit à chaque enquête. Il sentit quelque chose d'humide glisser le long de sa joue et s'en débarrassa d'un geste de la main avant de constater qu'il s'agissait d'une larme. Il baissa alors la tête, honteux, pleurant à chaudes larmes devant sa confidente. Cette dernière partagea sa douleur—elle même l'ayant connue— et le prit dans ses bras comme elle l'aurait fait pour un de ses enfants.

—Ces biscuits que je ne me lasse pas de préparer, peut importe l'occasion... Ajouta-t-elle en caressant le dos de John. C'était les préférés de Kacy... elle aimait y ajouter de l'essence de fleurs d'orangers et de muscade. J'en cuisine pour avoir l'impression qu'elle est encore à mes côtés et je me flagelle par la même occasion...

John la prit dans ses bras en retour. Cette femme avait bien plus souffert que lui et elle vivait encore le passé sans broncher.

—Mais...j'aime beaucoup votre fille... Sanglota-t-il en se battant intérieurement pour stopper ses pleurs.

—Combien de femmes avez-vous apprécié de la même façon avant de les oublier à la simple entente du nom de Sherlock Holmes ? Répliqua Madame Hooper en souriant. Arrêtez de vous faire du mal, acceptez ce que vous ressentez pour cet homme une bonne fois pour toute.

Elle se décolla doucement du blond pour tapoter ses joues vigoureusement en versant une petite larme elle aussi. Elle se voyait presque en le regardant et même s'il s'agissait de quelqu'un d'autre, elle n'accepterait pas qu'une personne fasse la même erreur qu'elle.

—Essuyez moi ces larmes, vous êtes un grand gaillard voyons. Le sermonna-t-elle chamboulée de sensations familières.

La femme se dirigea vers le four pour sortir son pain de viande frémissant et fumant avant de certifier au blond:

—Vous briserez probablement le cœur de ma fille chérie mais vous lui éviterez une vie de culpabilité à vous regarder souffrir en silence. Je vous conseille de réfléchir à tout cela et de faire un choix.

John Watson n'avait probablement jamais été aussi assailli par le doute et rongé par le remord. Qu'allait-il faire ? Abandonner Mélanie pour dire à Sherlock à quel point il l'aimait en espérant ne pas être rejeté ou rester vivre aux côtés d'une femme aussi bonne, candide et vivifiante loin de l'homme qui lui avait offert une nouvelle vie.