- Ma pauvre, si jeune... Tu viens à peine d'être jetée dans le monde surnaturel que tu te retrouves capturée par ces êtres.

Ces êtres... Il faut que j'en sois sûre ! Hésitante, je baisse encore d'un ton alors que la question franchit mes lèvres :

- En parlant d'eux, vous avez pu voir quelque chose ? Une caractéristique qui permettrait de les distinguer, de les reconnaître...

- Rien à l'exception d'un étrange tatouage... Une fleur flétrie et enchaînée. Assez ironique quand on pense que les nymphes sont les filles de la nature au même titre que les fleurs et qu'elles se retrouvent enfermées ici.

Les Apogonoì. Voilà qui se confirme. Seth Kepner nous avait parlé de ces nymphes enlevées et portées disparues. Isadora doit être l'une d'entre elle.

- Quand vous ont-ils capturée ?

- Je n'en ai pas la moindre idée... Il y a quelques jours peut-être ? On perd la notion du temps à force...

Sa voix se brise dans des accents de douleur. Ce qui m'intrigue. Je m'approche un peu plus des barreaux et fronce des sourcils lorsque l'odeur métallique des barres de fer se mêle à celle du sang. Une exclamation stupéfaite m'échappe :

- Vous êtes blessée ?

- Quand il s'est rendu compte que je n'étais pas celle qu'il désirait, il m'a blessé dans un élan de rage et m'a laissée dépérir dans ma cellule. Si tu veux mon avis, je n'en ai plus pour longtemps.

- Mais... Vous devriez guérir...

Seule le silence accueille ma remarque. La panique monte en moi petit à petit, lentement mais sûrement tandis que la sensation d'être prise au piège commence à s'enrouler autour de ma gorge pour m'étouffer.

- L'être à la tête de toute cette horreur... Celui qui cherche l'une d'entre nous désespérément... Il possède d'étranges pouvoirs. À son toucher, mes dons ont été annihilés. Quand je t'ai parlé de cette fleur fanée... C'est exactement ce que j'ai ressenti. L'essence vitale de la Nature qui circulait en moi s'est flétrie jusqu'à disparaître. Je ne peux plus guérir.

Son discours me pétrifié d'horreur. Instinctivement, mes doigts se resserrent autour des barreaux tandis que je retiens mes larmes de frayeurs. Il va falloir que je trouve un moyen de m'en sortir. Mais je doute sincèrement d'y arriver par moi-même. Alors quoi ? Prier pour qu'Orphée parvienne à me retrouver et me sauver ? Et comment ferait-il ? Je refuse qu'il se mette en danger pour moi.

C'est un héros, petite idiote ! Il y survivrait !

Je veux bien le croire, pourtant, mon instinct me hurle que je pourrai le perdre à jamais dans cette stupide et détestable aventure. Je n'aurai jamais dû me rendre à cette idiote soirée... C'est là que l'enfer a commencé...

À mi-voix, je tente de lutter contre ma détresse pour interroger Isadora :

- Sais-tu ce qu'il peut vouloir à... cette nymphe ?

- Non, soupire-t-elle. Mais rien de bon. Je crois que je préfère mieux ne pas être elle et être tuée pour cela que d'être elle et de me retrouver dans leurs odieux plans.

Je déglutis. Qu'est-ce qu'Eurydice a bien pu leur faire pour que je me retrouve ainsi traquée ? Et à quoi pourrais-je bien leur servir ? Je n'ai aucun contrôle sur mes pouvoirs, aucune puissance, et si c'est à ma mission de destiné que les Apogonoì désirent s'en prendre, je suis navrée de les décevoir mais détruire l'équilibre de la nature ne leur apportera rien de bon. Non ? Cela amènerait au chaos. Personne ne peut vouloir du chaos, rien de bon ne peut en ressortir excepté... encore plus de chaos.

Soudain, un bruit vient nous interrompe et ce que je suppose être la porte de ma cellule se met à s'ouvrir dans un désagréable grincement. Par réflexe, je recule pour me blottir dans un coin de la pièce, dans ma position initiale. La lumière envahit la cellule, aveuglante, brisant l'obscurité. Dans l'encadrement, se dessine une silhouette. Moins trapue que celle qui m'a assommée. Il s'agit d'une femme. Son visage fermé est marqué par la dureté et la méchanceté. Peut-être aussi par la folie caractéristique des fanatiques... Ses yeux vides se posent sur moi et un rictus vient tordre ses lèvres :

- Tu as intérêt à te tenir tranquille, gamine.

Je ne réponds rien, trop occupée à jeter un coup d'œil à Isadora, presque ravie d'enfin pouvoir voir ce à quoi elle ressemble. Il s'agit d'une petite rousse dont la frange dissimule son regard d'un vert envoûtant. Je n'ai pas le temps de l'admirer plus que la descendante se saisit de mon bras, me forçant à me relever et me poussant en dehors de ma cellule. Son ricanements sinistre me fait frémir.

- Flétrissure sera ravi de te voir. »

Yerine (Mélusine HS.1)Where stories live. Discover now