Bâtard [Nekfeu]

Chapitre 2

Le petit groupe s'était attroupé devant les grilles du lycée, au milieu du nuage de tabac qui y flottait en permanence.

« Non, mais il fout quoi, là ! » pesta Kylian, jeune garçon à la casquette à l'envers et aux lunettes dorées qui ressortaient sur sa peau brune due à son origine ivoirienne.

Enfin, ils aperçurent l'Algérien d'un mètre soixante-quinze, en bomber bleu marine et aux nouvelles sneakers bien blanches déboucher au coin de la rue.

« Putain, mais Yanis, à chaque fois, là ! s'exclama Toky. On t'attend ! »

Ledit Yanis trottina pour rejoindre ses amis.

« Ouais, déso', les gars, j'ai raté le RER...

— Mais toute ta vie, tu rates le RER, frère ! » pesta Elias, lui aussi algérien, mais au visage plus carré et au corps plus grand et baraqué que son compatriote.

Ses yeux d'un vert troublant faisait tomber les filles raides comme des mouches.

« Par contre, quand c'est Constance... fit Toky, avec malice.

— Ouais, si c'est Constance, bizarrement... Les grèves de la RATP ? Connais pas, chambra Kylian.

— Ferme ta grosse bouche, Kylian. »

Sur ces paroles entrecoupées de rires, les quatre compères rejoignirent le panneau où se pressaient toutes les classes de terminale, en ébullition devant les résultats du baccalauréat.

« Pfff, Touc-Touc', il va nous dégoûter encore là, râla Elias avec un éclat railleur. Mention très bien, j'suis sûr !

— Mais non...

— Mais si, on sait ! »

Ils se rendirent aux différentes feuilles, cherchant celles qui les concernaient.

« PUTAIN, JE L'AI EU !! ON L'A EU, hurla Yanis. ELIAS, TU L'AS EU, PUTAIN ! »

Les trois autres, alertés par la trouvaille de Yanis, se précipitèrent sur lui avant d'exploser et de bondir de joie en voyant leurs noms parmi les admis. Les autres élèves s'amusèrent de la tonitruance — bien justifiée — de cette euphorie et les félicitèrent à leur tour.

« Attends, attends, faut voir les résutats de Touc-Touc' ! P'tain, j'espère que tu l'as, ta putain de mention de ta race !! »

Lui l'espérait très fort, se dit Toky, le coeur battant. Il ne devrait pas avoir tant de doutes, sa moyenne ayant culminé à 17 toute l'année. Mais l'enjeu était tellement grand. Personne n'était jamais à l'abri d'une contre-performance. D'un accident.

Il avait mis ses amis au courant des restrictions de sa mère vis-à-vis de leur projet de groupe de rap. Aussi tous scrutèrent avec attention la liste. Soudain, les yeux de Toky accrochèrent la petite inscription en Arial 11.

RABARISON Itokiana Théophile, né le 13 août 2020. — ADMIS MENTION TRES BIEN

« Oh, putain ! » souffla-t-il.

Ca y est.

« OH PUTAIIIN !!! s'écria Yanis derrière lui, en le secouant comme un milkshake.

— Et le génie a encore frappé !! clama Elias avec une voix de commentateur de football.

— Mais trop fort, ce mec ! siffla Kylian, pas peu fier de son ami.

— On l'a tous eu, les gars ! s'exclama Toky. J'suis trop refait !!

— Vas-y, faut qu'on fête ça !...

— Salut, les garçons ! » interrompit une petite voix fluette.