Je bloque sur ce dernier fait. Elle hoche affirmativement de la tête avant de poursuivre :

- N'en veux pas à Mélusine. C'est une garce mais pour une fois, ce meurtre partait d'une bonne intention. Pour la victime je veux dire. D'ailleurs ce n'est pas un meurtre à cent pour cent. Puisque tu n'as toujours pas reçu mon baiser. Tout ça pour dire que la belle sirène souffre de t'avoir tuée. On ne tue pas une destinée si on en est une autre. La Nature se venge presque aussitôt. Mais j'y pense ! Parler de nature avec toi c'est un peu parler poisson avec Mélusine. Alors je ne m'étalerai pas dessus. Mais ce qu'elle a fait était nécessaire : tu devais mourir pour que je puisse te le révéler.

Je suis perdue face à son flot de parole et je ne peux que bégayer :

- Une Destiné ?

- Oui, oui. Je t'expliquerai ce dont il s'agit. Ou plutôt, tu t'en souviendras bientôt. Veux-tu des réponses Yerine Deski ?

Son regard vrille le mien et la peur de ne pas obtenir enfin les réponses à toutes mes questions supplante la crainte de la Mort. La réponse franchit mes lèvres sans que je ne puisse la retenir, dans un cri désespéré :

- Oui !

Elle hoche de la tête satisfaite.

- Fort bien. Mais prépare-toi. Car tu récupèreras la mémoire de ton âme et cela ne te sera pas du tout agréable.

Je me mords la lèvre inférieure face à son air intransigeant et m'enquiers :

- Qu'entendez-vous par désagréable ?

- J'entends que tous les tourments que tu as subis par le passé – enfin que ton âme a subi – les peines, les malheurs, les horreurs... Tout cela, tu t'en remémoreras. Et ça ne sera pas douloureux.

Je blêmis. Pourquoi fallait-il absolument que son avertissement soit si obscur ? D'une voix chevrotante, je répète, peinant à assimiler :

- Tous les tourments ?

Son ton se fait plus grave et la Mort gronde, plongeant ses yeux d'argent dans les miens :

- Ce n'est pas pour rien que tu as choisis de rester en enfer après ta mort. Ce n'est pas pour rien que tu as préféré mon jardin à un retour à la vie. Ma sœur n'a vraiment pas su te gâter.

Je reste perplexe, ne comprenant plus rien du tout. Ses lèvres se tordent en un simulacre de sourire tandis qu'elle annonce :

- Tu comprendras dans quelques instants.

Ses doigts se tendent vers mon front qui se remet à se réchauffer, doucement, agréablement. Dans le reflet argenté des yeux de l'entité je vois alors un étrange symbole y faire son apparition, scintillant dans les ténèbres.

Mes souvenirs me reviennent alors tandis que ma respiration se coupe et j'ai l'impression de plonger dans un bain de lave en fusion.

Je me revois alors en tant qu'Eurydice. Je suis Eurydice et non plus Yerine. Ma vie si tranquille lorsque j'étais une dryade, nymphe des arbres et plus particulièrement des chênes. Je vivais avec une communauté de nymphes dans une forêt paisible, à l'abri de ceux qui pourraient nous vouloir du mal.

Du moins nous le pensions.

Un jour, ils ont débarqué : des hommes encapuchonnés. Dirigés par une étrange créature dont nous n'avions pu apercevoir le visage, ils ont tout détruit, à la recherche de quelque chose ou de quelqu'un. Notre clairière était jalonnée de corps de nymphes massacrées. Pourtant, nous avions nos pouvoirs. Nous nous sommes toutes défendues. Jusqu'à ce que la matriarche, l'aînée des nymphes, celle qui nous protégeait toutes vint me chercher pour me tirer du champ de bataille. Elle m'a alors confié que mon rôle était bien plus important que de simplement veiller sur les chênes. Elle m'a expliquée pourquoi depuis toujours, je me sentais une affinité pour tous les éléments et pas seulement les arbres. Je n'étais pas qu'une dryade loin de là. Et la nature comptait sur moi.

Yerine (Mélusine HS.1)Where stories live. Discover now