CHAPITRE 3

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    « Officieeeer ? »

    Le noiraud soupira et laissa son front cogner contre son bureau. Il était épuisé par l'attitude enfantine de Yoongi. Celui-ci ne cessait de l'appeler, derrière les barreaux. Il s'ennuyait clairement, alors pourquoi ne pas en faire pâtir son officier préféré ?

    « Tu n'en n'as pas marre ? » souffla Jung en se levant de sa chaise.

    Il se planta devant l'une des cellules, le regard noir. Le coloré se mordit la lèvre, tout sourire, avant de se lever du lit posé nonchalamment dans la cage et de se dandiner vers le plus âgé, d'humeur taquine. 

    « Je ne connais toujours pas votre prénom... »

    « Et alors ? »

    « J'aimerais le connaître. »

    Le jeune homme plaqua son visage contre les barreaux, ne laissant dépasser que le bout de son nez. On commençait à voir ses racines noires sur le dessus, mais étonnamment, sur Yoongi, ce n'était pas moche. Ça semblait si... normal. 

    Joli, même.

    Devant la moue boudeuse du voleur, Jung lâcha un soupir à fendre l'âme avant de reprendre d'une voix lasse :

    « Je te dis mon prénom si tu me dis quelque chose sur toi. »

    « Intéressant... » fit mine de réfléchir le voleur. « J'accepte. Vous d'abord. »

    « Qui me dit que tu respecteras notre accord ? » ricana le noiraud. « Non, toi d'abord. »

    Mécontent, le détenu le foudroya du regard avant d'aller s'asseoir sur le matelas. Il étendit ses jambes dans un léger gémissement de douleur, et tourna ses pupilles noires vers le policier :

    « Je suis célibataire.

    « Yoongi... » grogna le plus vieux en serrant les dents. « Ce n'est pas ce que je veux savoir, et tu le sais. »

    « Oh ? Vous n'êtes pas intéressé par le fait que... je suis libre comme l'air ? Mince, moi qui croyais que je vous plaisais un peu. » ironisa le plus jeune

    « Je le savais déjà, ça. » rétorqua-t-il en fronçant les sourcils. « Dis-moi quelque chose de sérieux. »

    Yoongi se craqua les phalanges, le regard perdu vers la fenêtre barrée par des morceaux de fer. Cela faisait quelques heures désormais qu'il était enfermé dans le bâtiment et pourtant, la sensation du vent sur son visage lui manquait déjà. Le jeune homme était l'un de ceux qui aimaient être dehors. Il passait des heures et des heures sur le toit de son immeuble, les jambes dans le vide et une bouteille à la main. 

    Lors de ces moments, il réfléchissait à tout et à rien. Le plus souvent, il finissait par éclater en sanglots mais, comme il n'y avait personne, il n'avait pas honte de montrer ses faiblesses. Dans le quartier où il habitait, dévoiler ses sentiments n'était pas une bonne chose. Cela pouvait servir de moyen de pression, de menace, d'une excuse pour le tabasser... Bref, c'était trop dangereux.

    Alors lorsqu'il sortait de sa bulle de confort, de son appartement ridiculement petit et miteux, il affichait sur ses traits un masque fait de glace. Les gamins du quartier le craignaient, ils le regardaient avec de la peur dans les yeux et changeaient de trottoir lorsqu'ils le croisaient. Tout le monde savait qu'il faisait régulièrement des descentes au commissariat, et à chaque fois qu'il réapparaissait, tout le monde se demandait pourquoi il n'était pas envoyé en taule.

    Parce qu'il avait deux anges gardiens.

    Ses seules fréquentations étaient les dealeurs du coin, son fournisseur, et les mecs avec qui ils faisaient vrombir le moteur de voitures de course. Et également la petite grand-mère au-dessus de son appartement, trop vieille pour faire quoi que ce soit, et trop pauvre pour aller en maison de retraite. Il lui faisait le ménage, les repas, les courses... Il essayait de racheter ses peines en aidant son prochain.

    « J'habite dans un quartier malfamé et je survis comme je peux. » commença lentement le vert en baissant la tête.

    Avant toute chose, il avait peur que Jung le juge. Qu'il le regarde autrement. Avec dégoût. Avec dédain. Il ne voulait pas décevoir quelqu'un de plus. Yoongi ne savait pas vraiment pourquoi il se confiait, sans doute en avait-il besoin, au fond de lui.

    « J'ai pas eu une enfance facile. En fait, je crois que je n'ai pas eu d'enfance du tout. Mes parents étaient de véritables enfoirés, et dès que j'ai pu, je me suis barré de la maison. Je ne sais pas ce qu'ils sont devenus, s'ils sont morts et enterrés et, pour être honnête, j'en n'ai rien à foutre. »

    Sa voix se cassait sur certains mots, et il sentait une boule monter dans sa gorge alors qu'il se livrait. Cette fois-ci, il n'était pas ivre. Juste désespéré. Et ça faisait le même effet à son organisme, sans le bonheur d'avoir son subconscient mort pendant quelques temps.

    Il entendit un léger clic provenant de la porte en fer, et celle-ci s'ouvrit dans un petit grincement. La silhouette du noiraud se dirigea vers lui à pas lent, jusqu'à ce qu'elle soit à sa hauteur. À sa surprise, Jung s'accroupit entre jambes et posa ses mains chaudes sur ses cuisses, pour se stabiliser un peu. Avec deux de ses doigts, il remonta le menton du vert et planta ses yeux dans les siens.

    « Je veux t'aider, Yoongi. » murmura-t-il d'une fois faible mais douloureusement tendre. « Crois-moi, je veux vraiment t'aider. »

    Les yeux larmoyants, le voleur inspira un grand coup pour reprendre contenance. Bon sang, pourquoi avait-il succombé à la tentation de se livrer ? Il n'avait pas besoin d'aide.

    « C'est à votre tour maintenant. » dit-il en ignorant les supplications du plus vieux. « Dîtes-moi comment vous vous appelez. »

    « Je m'appelle Hoseok. »

    « Un joli nom pour une jolie personne. » murmura Yoongi.

    Les joues du noiraud prirent une jolie teinte rose, et se rendant compte de sa position plus qu'explicite, il se leva avant de s'asseoir aux côtés du voleur. Ce dernier ricana en voyant la gêne apparente du policier et décida de le taquiner :

    « Être entre mes cuisses vous gêne, désormais ? »

    « Ferme-là. » siffla malgré lui l'autre en se mordant la lèvre.

    Le jeune homme éclata de rire et balança sa tête en arrière. Son crâne cogna contre le mur mais il s'en fichait sur le moment ; cet officier l'amusait beaucoup trop. Combien de temps cela faisait-il qu'il n'avait pas autant ri ? Est-ce qu'il avait déjà ri avec autant de sincérité, autant de spontanéité, dans sa misérable vie ?

    Le coloré n'en n'était pas vraiment sûr. 

    Un sourire en coin, Jung envoya son coude dans les côtes du plus jeune. Ça faisait du bien de rire comme ça. Ça détendait un peu l'atmosphère, après les révélations étonnantes du détenu. 

    Hoseok avait été franchement surpris de voir que Yoongi se libérait de cette façon. Il n'avait jamais vu autant de douleur, autant de tristesse, dans les iris de quelqu'un. Ça lui faisait drôle, de voir tant de sentiments dans le regard du deuxième. D'ordinaire, il faisait toujours attention de ne rien montrer de ses sentiments. 

    Et là... c'était différent. Leur relation avait dépassé la barrière policier-détenu. On aurait presque dit qu'ils étaient amis, à rire comme ça.

    « Tu as faim, Yoongi ? » demanda le bouclé en voyant que ce dernier avait arrêté de rigoler avec insouciance.

    « Un peu, oui. » avoua-t-il en triturant ses doigts.

    « Arrête d'être gêné, tu sais que je te donne toujours à manger que tu finis ici. Viens avec moi dans la salle de repos, on y sera plus à l'aise pour manger. »

    C'était la première fois qu'il invitait le vert à venir manger avec lui. Normalement, Seokjin était là alors ils mangeaient ensemble, si ce n'était pas avec Namjoon. Là, il était seul. Et puis, Yoongi lui faisait un peu de peine, à manger tout seul dans son coin.

    Il vit ses yeux s'illuminer, et ils quittèrent tous les deux la cage pour se diriger vers la salle de repos.

shadow +sopeWhere stories live. Discover now