CHAPITRE 2

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    La voiture se gara devant le commissariat. Pour une fois, le trajet s'était fait en silence. Yoongi s'était contenté de fixer la vitre, l'air maussade. Il n'avait pas eu l'envie, ni la force, de discuter de quoi que ce soit avec son officier favori. 

    Le jeune homme était fatigué de cette vie. Il n'avait jamais voulu ça. Plusieurs fois, il avait tenté de sortir de cette routine, de cette vie pleine de dangers, mais il n'avait jamais réussi. Au début, ça avait été très dur pour lui de s'habituer à ce quotidien pesant. Désormais, ça lui plaisait presque. Son appartement miteux ne lui faisait plus rappeler qu'il était désespérément seul. 

    Jung sortit du véhicule, avant de rejoindre le voleur à grands pas. Le noiraud n'avait pas l'habitude de voir le vert dans cet état. Il semblait dépassé par les événements, et triste. D'une main ferme, il attrapa son épaule avant de le faire sortir de la voiture également. Les deux hommes se dirigèrent vers le bâtiment en béton, et y entrèrent lorsque les portes automatiquement s'ouvrirent.

    Yoongi avait la gorge serrée et la boule au ventre. Ses mains ne tremblaient pas, il savait parfaitement ce qui allait se passer. Une nuit au poste, avant qu'ils ne le libèrent. Et puis ça recommencerait, encore et encore. 

    « Oh, encore toi, Min ? » pouffa un des officiers aux cheveux rose pâle.

    « Salut, Kim. » répondit Yoongi d'une voix neutre.

    Kim Namjoon, l'un des beaux gosses du commissariat. Il avait des épaules larges, un torse musclé, et des lèvres aussi pulpeuses que ses fesses. Bref, c'était clairement un Apollon. Ce dernier lui sourit grandement avant d'agiter sa main, et se remit dans ses papiers. Il semblait submergé par le travail. 

    Le vert laissa l'officier le conduire dans la salle d'interrogatoire. Il la connaissait bien à force, puisqu'il y allait tous les trois jours maximum. Le noiraud ouvrit la porte avant de le pousser pour qu'il entre. Sans même attendre son autorisation, le voleur alla s'asseoir sur la chaise de l'accusé, écartant naturellement les jambes. Même en position d'infériorité, le jeune homme trouvait le moyen d'être provocateur et indomptable.

    « Yoongi, » soupira Jung en s'asseyant sur la deuxième chaise, « tu sais que si tu continues comme ça, tu finiras par croupir en taule ? »

    « Je ferais en sorte que ça n'arrive pas. » se moqua le coloré avec un sourire en coin.

    « Écoute... je veux t'aider, d'accord ? Mais je ne pourrais pas le faire si tu continues de me repousser comme tu le fais. »

    « Qui vous dit que j'ai besoin d'aide ? » rétorqua méchamment le détenu. 

    « Tes yeux me le disent. »

    « Conneries. »

    Le policier passa ses mains sur son visage, visiblement épuisé. Ses yeux étaient ternes, et à la lumière artificielle de la pièce, ses cernes étaient d'autant plus accentués. Il poussa un long soupir, avant de reprendre, plantant ses yeux dans ceux de son vis-à-vis.

    « J'ai connu un type comme toi, au début de ma carrière. »

    Yoongi roula des yeux, guère intéressé. Quoi, il allait vraiment lui sortir du type au cas similaire au sien, qui était mort ? Bordel, il avait pensé qu'il aurait plus d'imagination pour se démarquer des autres flics. 

    « Je m'en fiche. » déclara-t-il d'une voix forte. « Vous arrivez à le comprendre, ou pas ? Arrêtez d'essayer de m'aider. Vous ne pouvez pas. C'est tout. »

    « On peut toujours aider quelqu'un qui reconnaît qu'il a besoin d'aide ! » s'énerva Jung en plaquant violemment ses mains contre la table. « Putain Yoongi, tu n'as donc aucun objectif dans ta vie ? »

    « J'en aurais si j'avais vu une adolescence normale. » cracha le vert.

    Il voulut se mordre la langue d'avoir sorti ça, d'emblée, et il regretta ses paroles lorsqu'il vit l'air du noiraud. Ce dernier s'était considérablement radouci, et le regardait désormais avec cet air de pitié qu'il détestait tant. 

    L'officier ne l'avait jamais regardé de cette façon, et ça lui donnait envie de vomir. Il n'était plus une petite chose fragile. Il avait appris à se défendre, à se battre et à manier les mots comme les couteaux. Et tout ça, il l'avait tiré de ses expériences personnelles. 

    « Une... une adolescence normale ? » répéta avec douceur le policier.

    « Ne me regardez pas comme ça. » gronda le coloré, furieux.

    « Comment je te regarde ? »

    « Comme si j'étais un agneau blessé. Je ne suis pas un agneau. Je suis un tigre. »


    Namjoon triait les dossiers avec une envie très claire de se suicider. D'habitude, il aimait les soirées au poste, où il pouvait mettre au clair sa situation, mais là, le simple fait d'avoir vu ce gamin se faire arrêter une nouvelle fois lui avait serré la gorge. Ce n'était pas la première fois que Yoongi passait la nuit ici, dans l'une des cellules. À force, il se demandait presque s'il ne le faisait pas exprès pour éviter à devoir passer la nuit dehors.

    En parlant de ce dernier, le rose avait son dossier sous les yeux. Son casier judiciaire était rempli, beaucoup trop rempli pour un gosse de vingt ans. Vols à main armée, trafics de drogue et d'armes, courses de voiture illégales... Heureusement, personne n'avait porté plainte contre lui. Ça l'aurait amené à faire face à un juge, et il aurait sûrement passé la fin de sa vie en prison.

    Les deux policiers couvraient délibérément le dossier du jeune homme. La première fois que celui-ci était entré dans le commissariat, le rose avait pu constater la tristesse et la colère dans ses prunelles. Et son comportement de prédateur blessé l'avait touché. Yoongi était au sol, mais continuait à montrer les dents pour se défendre. Il ne baissait pas les bras.

    D'un accord commun, Namjoon et Hoseok avait décidé de protéger le vert. Et si le deuxième avait la mission d'en savoir plus sur la vie du voleur pour qu'ils puissent l'aider, le premier n'avait pas enregistré son dossier dans le registre des arrêtés du commissariat pour lui permettre de refaire sa vie librement. 

    Mais le problème était que Yoongi refusait catégoriquement de révéler quoi que ce soit de sa vie. Le seul moment où il s'était livré sur certaines choses aux deux officiers, c'était lorsque Jung l'avait arrêté alors qu'il était ivre sur la voie publique. Complètement torché, le jeune homme avait fondu en larmes et avait longuement pleuré sur sa vie qu'il décrivait pathétique.

    Son collègue apparut dans le couloir, et le rose soupira, fatigué :

    « Il est dans sa cellule habituelle ? »

    « Toujours. » fit doucement le noiraud en se pinçant l'arête de son nez. « Joonie, je m'inquiète vraiment pour lui... »

    « Je sais, moi aussi. Mais pour l'instant, on ne peut rien faire, à part prier que personne ne porte plainte contre lui, ou qu'il ne se fasse pas arrêter par un autre flic. »

    Les anges passèrent dans le bâtiment, et Hoseok en profita pour s'asseoir derrière son bureau, sur sa chaise à roulettes. Il s'amusa à tourner, aucun sourire n'éclairant son visage, jusqu'à ce qu'il s'arrête, pris de vertiges.

    « Je vais rester cette nuit. » dit-il en reprenant ses esprits. « Tu es crevé, tu n'as qu'à finir plus tôt ce soir. »

    « Impossible, je suis de patrouille, comme Seokjin a pris congé. » souffla le rose en se levant. « D'ailleurs, il est l'heure que je parte. Tu as besoin que je ramène à manger ? À toi ou pour le petit ? »

    « Pas besoin, j'ai pris deux bentos aujourd'hui. » répondit le noiraud. « Merci. »

Namjoon cogna son poing contre celui du deuxième, avant de quitter le commissariat.

shadow +sopeWhere stories live. Discover now