Chapitre 5: Une rencontre mouvementée

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A l'aube du samedi 17 Juillet 1909, le 14-Bis survolait les toits des maisons de Saint Nazaire. Ratle avait voyagé jours et nuits dans les cieux, sans faire d'escales, un véritable exploit. Il tenait fermement le volant de son avion, tout en buvant une bonne tasse de café chaud, sans cela, son sommeil l'aurait vite rattrapé. Depuis le Boulevard de l'Océan, les habitants pouvaient observer avec stupéfaction, l'appareil de Ratle descendre peu à peu vers le plancher des vaches. Ratle Snacke, qui constatait que son moteur prenait feu, se décidait d'atterrir avec précision et aucuns dégâts sur le boulevard. Très surpris, les passant s'écartèrent, craignant de se faire frapper par l'une des ailes. Une fois l'avion stoppé, les promeneurs accouraient vérifier l'état de Ratle.

- Monsieur ? Vous allez bien ? questionna un lion vêtu d'un veston et d'un haut de forme.

- Oui oui, ne vous inquiétez pas ! Vite ! Apportez-moi de l'eau !!! s'écria Ratle Snacke en descendant de l'avion pour essayer d'éteindre l'incendie avec l'eau de sa gourde.

Des loups habillés d'uniformes de gendarmes arrivèrent sur les lieux en bicyclette, avant d'aller remplir leurs képis d'eau de fontaine, pour les verser sur le moteur. Après plusieurs minutes de luttes, le feu avait enfin disparu, mais le 14-Bis était désormais fichu.

- Pourquoi avez-vous atterris ici monsieur ? demanda un des loups en sortant un calepin. L'aérodrome n'est pas loin vous savez ?

- Je sais monsieur l'agent, et je m'en excuse de ne pas avoir fait une escale, mais je devais rejoindre impérativement le port et mon moteur m'as lâché ! expliqua calmement le raton laveur. Pourriez-vous me dire où je pourrais embarquer en direction du Pérou ? Je m'appelle Ratle Snacke et je dirige une expédition.

Le loup lâcha son carnet et sursauta en entendant le nom de « Ratle Snacke ». Il l'empoigna la main avant de la secouer comme un prunier.

- Par la moustache de Clemenceau ! Vous êtes le célèbre explorateur dont parle les journaux ? s'écria le gendarme rempli de joie. Il fallait le dire tout de suite ! Mon fils et moi on vous admire ! Il y a un port au bassin de Penhoët, je vais vous y conduire ! Je me présente, je suis l'agent Darmery !

- Merci infiniment monsieur Darmery, pourriez-vous renvoyer mon avion à l'aérodrome de monsieur Blériot ? à Paris ? questionna le raton laveur, ravi de rencontrer l'un de ses admirateurs. Je crois qu'il va avoir besoin d'une révision intensive avant mon retour sur le territoire !

Et tandis que le gendarme accompagnait Ratle jusqu'à une Berliet 24 HP, un drôle d'autobus fit son apparition au bout de la rue. Sur son toit, se trouvait une cheminée, crachant une fumée noire, une lanterne à pétrole en guise de phare avant, et un drapeau pirate accroché derrière, il s'agissait en réalité de « l'Obéissante », l'invention d'Amédée Bollée. Au volant de l'horrible véhicule : le professeur Georges Coles montrant les crocs de rage. Il semblait y avoir apporté quelques modifications, provenant de son génie maléfique. Lorsque le matou aperçut son ennemi juré, il jeta plusieurs bûches de bois dans la chaudière, avant de foncer droit sur notre raton laveur. Les habitants, paniqués par l'arrivée du monstre à vapeur, couraient pour éviter de finir écrasés par le véhicule. Ratle monta dans la Berliet avec l'agent Darmery, puis, il prit le volant et démarra sur les chapeaux de roues.

- Vite ! Accrochez-vous Darmery ! Nous allons essayer de le distancer avant d'arriver au port ! s'écria Ratle en pressant son pied contre l'accélérateur.

- Vous connaissez ce bougre ? Il semble vouloir vous empêcher de quitter la France ! demanda le loup en s'accrochant comme il pouvait.

- Oui, il s'agit du professeur Georges Coles, un aristocrate qui as mis son génie au service du mal ! répondit Ratle en frôlant de justesse les fiacres. C'est un criminel intellectuel, rusé, raffiné, qui souhaite s'accaparer tous les trésors historiques pour sa collection personnelle, et ainsi, devenir le citoyen le plus puissant de Paris !

- Vous semblez bien le connaître monsieur Snacke ! ajouta le gendarme en tenant son képi.

- En effet, cela fait maintenant des années qu'il essaye de saboter mes expéditions ou de voler les trésors que je découvre ! expliqua le raton laveur en évitant un tramway à vapeur. Mais j'ignorais qu'il m'avait suivi jusqu'ici ! Il va falloir redoubler de prudence, Georges Coles est prêt à tout pour arriver à ses fins !

La machine du professeur gagnait du terrain sur la Berliet, qui avait bien du mal à semer l'engin. Georges Coles tourna une manivelle qui ouvrit le capot, laissant jaillir un petit canon qui semblait chargé. Le chat poussa un levier, qui provoqua le tir d'un boulet, qui traversa la vitrine d'un commerçant avant d'exploser. Le vendeur, un bouc en tablier, complétement calciné, sorti de sa boutique et s'écroula au sol, comptant les oiseaux qui lui tournait autour. Ratle emprunta une petite ruelle, afin d'atteindre le bassin qui n'était plus très loin. Le professeur tenta de poursuivre notre héros, mais hélas, son véhicule était beaucoup trop grand. La Berliet sorti de la ruelle sans trop de casse, tandis que l'autobus du professeur avait perdu le haut de sa cheminée et une partie de son toit. Georges Coles, toujours aussi déterminé, ne lâchait pas sa cible, il bouillonnait de rage. Soudain, alors que le monstre à vapeur gagnait du terrain, une idée avait germée dans l'esprit de Ratle, il sorti de sa poche une tomate mûre que lui avait donné le fermier, et la lança au museau de Georges Coles. Le chat, aveuglé par le fruit, ne tenait plus le volant, laissant sa machine s'encastrer dans une boutique de vêtements. Lorsqu'il ressorti de la boutique, encore très étourdit par le choc, il était vêtu d'une ridicule robe rose. Il décida de prendre la fuite, au moment où les automobiles de police arrivaient sur les lieux. Ratle Snacke et l'agent Darmery arrivèrent enfin sur le quai du bassin, alors que le moteur de la Berliet fumait comme une locomotive.

Notre raton laveur arrivait juste à l'heure, en effet, un énorme paquebot était amarré. Il mesurait 239,9m de longueur, avec une trentaine de hublots sur ses deux flancs, et quatre cheminées fumantes. Le monstre avait été baptisé « Lusitania », et portait le pavillon britannique au bout d'une poutre fixée au-dessus de la timonerie.

- Saperlipopette ! Ce navire est énorme ! s'étonna Ratle impressionné par la grandeur du bateau.

- Oui, c'est le célèbre paquebot transatlantique d'Angleterre ! expliqua l'agent Darmery encore secoué par la conduite de Ratle. Il part pour la Cayenne dans quelques minutes avec deux jours d'escales.

- C'est formidable ! Je vais demander au capitaine si je peux embarquer à bord ! rétorqua Ratle en descendant de la Berliet. Je vous remercie de votre aide précieuse monsieur Darmery ! Essayez de retrouver le professeur Georges Coles, et n'oubliez pas de renvoyer mon appareil chez mon ami Blériot ! Moi je vais embarquer pour la Guyane !

Et après avoir salué son ami gendarme, notre brave raton laveur escalada la passerelle du paquebot, avant de tomber truffe à truffe face à un lapin vêtu d'un uniforme de marine, ainsi qu'un képi de capitaine.

- Pardon monsieur, puis-je embarquer à bord ? questionna Ratle un peu sonné.

- Bien sûr monsieur, inutile d'être pressé ! La billetterie se trouve sur la proue ! répondit le lapin. Je suis le capitaine Edward, de la compagnie « John Brown & Company » ! Je vais vous guider jusqu'à la billetterie du navire, suivez-moi je vous prie !

Le capitaine emmena Ratle devant un petit stand installé à l'avant du bateau, tenu par un singe en habits de groom. Notre brave raton laveur paya son billet, puis il fût accompagné par le capitaine jusqu'à sa cabine. Il avait choisi la première classe, et cela se voyait au confort de sa chambre. Effectivement, la cabine de Ratle possédait un lit à baldaquin, un magnifique gramophone posé sur une table en ivoire, à côté de quelques disques de chanteurs célèbres, un hublot donnant sur le côté droit du navire, une salle de bain au carrelage propre, une armoire afin d'y ranger les vêtements ainsi qu'un porte-chapeau. C'était le grand luxe pour Ratle, il entrait dans la cabine et refermait la porte en remerciant le capitaine, puis il retira ses chaussures et son gilet, posa son chapeau sur une table de nuit, avant de s'écrouler de fatigue sur le lit. Notre brave raton laveur était exténué, il ne tardait pas à trouver le sommeil. Au même moment, alors que le paquebot rentrait sa passerelle et annonçait son départ imminent à coups de sifflets, une silhouette malveillante se glissa discrètement à bord, en escaladant la poupe. L'ombre se cacha ensuite sous la bâche d'un canot de sauvetage, mais tout cela, Ratle l'ignorait, il était trop occupé à rêver d'un coucher de soleil sur une plage tropicale.

Les aventures de Ratle Snacke : Tome 1, Le trésor d'AkunamhatataDonde viven las historias. Descúbrelo ahora