Chapitre 6: Le charme de Cayenne

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Au petit matin du jeudi 5 août, le grand paquebot approchait du port Guyanais. Ratle se réveilla brusquement, au son du sifflet qui hurlait à toute vapeur. Notre raton laveur se leva de son lit, puis s'habilla pour sortir sur le pont. Il sorti de sa cabine, après avoir soigneusement rangé son parchemin dans sa poche, et marcha paisiblement sur le pont du navire, où les marins se pressaient de préparer les amarres. Ratle pouvait déjà contempler la beauté des lieux, accoudé sur le bastingage. Il regardait au loin les petites paillottes sur les plages dorées, les forêts majestueuses entourant la ville, quelques pittoresques barques de pêcheurs échouées sur le sable fin, de splendides demeures construites bien loin de la ville, séparées les unes des autres. Le voilà enfin arrivé en Guyane tropicale, après plusieurs jours en mer. Les marins lancèrent les cordages en chantant joyeusement, tandis qu'un groupe d'aigle vêtus d'uniforme de matelots les récupérait pour amarrer le gigantesque bateau au quai. L'ancre fut alors jetée, et une passerelle se déploya, tandis que les cheminées fumaient encore. Ratle débarqua sur le port sans problèmes, en compagnie des autres passagers. Il ne remarquait guère l'étrange silhouette cachée sous la bâche du canot, qui semblait l'observer à la longue-vue. Cette fameuse ombre, c'était encore le cruel professeur Georges Coles, qui avait réussi à suivre notre raton laveur. Soudain, le capitaine du navire remarqua la queue du matou, qui dépassait de la bâche. Devinant la présence d'un passager clandestin, il donna à Georges un grand coup de pied aux fesses, l'envoyant à l'eau. Le professeur, ruminant des injures que nous préférons ne pas traduire ici, nagea jusqu'à une petite plage non loin de là.

- Grrrr, tu as peut-être de l'avance maudit rongeur, mais je ne m'avoue pas vaincu ! vociféra-t-il en regagnant une petite barque. Je vais regagner la ville et essayer de retrouver mon cher collègue Horace, ce demeuré ignare me sera utile pour une fois hahahaha !

Sur ce rire diabolique, le cruel félin disparu à travers les feuillages de la forêt dense. Pendant ce temps, Ratle était déjà en train de se promener dans la cité, il s'arrêta devant un vendeur d'automobiles.

- Voilà exactement ce qu'il me faut ! s'écria Ratle en entrant dans la boutique.

Elle était tenue par un vieux tigre qui roupillait sur le comptoir, en écoutant un air de musette sur son gramophone. En entendant la porte se refermer, il sursauta et se redressa pour faire bonne impression.

- Oh, bonjour cher client ! Charles HATANT à votre service ! s'exclama le fauve en arrangeant son costume. En quoi puis-je vous être utile monsieur ? Désirez-vous voir nos plus beaux modèles en matière d'automobile de tourisme ?

- Et bien pourquoi pas ? J'aurais besoin d'une voiture assez robuste, mais aussi conçue pour les longs trajets ! répondit Ratle tout souriant.

- Ah monsieur, j'ai justement ce qu'il vous faut ! Suivez-moi ! rétorqua le tigre en ouvrant la porte de l'arrière-boutique.

Ratle Snacke le suivait, avec impatience de voir les modèles disponibles. Il arriva alors dans une grande cour, où était garé plusieurs véhicules neufs : Une Cadillac 9HP Limousine, une autre model A, une Ford T, une Lancia 12HP Alpha, une Renault Al 35 CS, et une De Dion-Bouton GP. Toutes ces belles automobiles n'avaient qu'une chose en commun, leurs prix très élevés.

- Ce sont les meilleures voitures que vous trouverez ici ! Je les commande directement chez les fabricants ! expliqua Charles le sourire aux lèvres. Elles sont vendues avec trois bidons d'essence ! Moi, je vous conseillerais la Cadillac, ou la Ford !

- Je choisi la Cadillac Limousine là-bas ! s'exclama Ratle en montant dans celle qu'il désignait du doigt.

Le raton laveur pris le volant, essaya l'avertisseur sonore, puis, il testa les sièges moelleux. Cette automobile semblait parfaite, confortable et bénéficiant des dernières technologies en matière de conduite.

- Cela vous fera 1 862 francs ! les deux bidons de carburant compris ! disait le tigre en tendant la patte vers Ratle.

- Soit ! Je vais vous payer ! répliqua Ratle Snacke en sortant son portefeuille de sa poche.

Le raton laveur donna plusieurs billets dans le creux de la main du vieux tigre, qui se pressa d'aller ouvrir le portail donnant accès à la rue. Puis, il revint auprès de la Cadillac, afin de tourner la manivelle pour démarrer le moteur, avant de guider Ratle vers l'extérieur de la cour. Une fois le véhicule sorti, le tigre referma les portes de la petite cour, puis retourna auprès de Ratle pour le remercier de son achat.

- Merci encore monsieur HATANT, mais puis-je vous demander une autre faveur ? interrogea Ratle curieux. J'aimerais aussi me procurer une carte du continent si c'est possible.

- Bien sûr ! En face de mon magasin là, il y a une agence de voyage, ils vendent des cartes détaillées à 5 francs ! répondit le vieux tigre en retournant dans sa boutique afin de compter son argent.

Ratle coupa le moteur, puis se dépêcha d'aller acheter une carte du continent. Au même moment, quelque part au centre-ville, le professeur Georges Coles se dirigeait vers un petit café au bord de l'Anse Méret. Il prit place sur une chaise, contemplant l'océan, attendant l'arrivée d'un garçon pour le servir.

- Vous prendrez quelque chose m'sieur ? demanda une voix masculine provenant de l'intérieur du café.

Cette voix semblait familière aux oreilles du vil Georges Coles, elle lui rappelait effectivement quelqu'un. C'est alors qu'un drôle de serveur arriva à sa table, un coq plutôt costaud, portant un chapeau melon gris très abîmé, un piteux complet et une jambe de bois à son pied gauche.

- Q-Quoi ??? Horace ? Tu étais donc là pauvre demeuré ! s'écria Georges en apercevant le garçon.

Le coq fût si surpris par la réaction du chat, que son chapeau sursauta avant de retomber sur son crâne. Horace était le bras droit du professeur Coles, il l'aidait dans toutes ses combines, même les plus malhonnêtes. Mais après un long séjour en prison pour braquage de banque, il tenta de se réinsérer dans la société, désirant une vie loin de la criminalité.

- P-patron ? Qu'est-ce que vous faites ici ?!? s'étonna le volatile gêné. Si vous venez pour me proposer encore un travail criminel, c'est non ! J'ai enfin une situation stable, je ne vous suivrai pas !

- Mais non, mais non mon brave ! J'ai un service à te demander car je ne peux le faire seul ! expliqua le matou d'une voix amicale.

- Ouais, j'vous écoute professeur ! répondit le volatile en tapant sa patte de bois sur le sol.

- Alors voilà, mon pire ennemi Ratle est en ce moment en route vers le Pérou ! raconta le chat de sa voix rauque en s'adressant au coq. Il est à la recherche d'un fabuleux trésor, qui pourrait vraisemblablement nous rendre tous les deux riches, mais pour cela j'aurais besoin de ton aide pour l'en empêcher ! Je sais que je t'ai toujours maltraité, mais cette fois-ci, je jure sur mon honneur que je partagerais équitablement le trésor avec toi !

Lorsqu'Horace entendit le mot « trésor », ses iris furent remplacées par des symboles de francs. Il secoua sa tête pour se ressaisir, puis il acquiesça les propos du professeur, très attiré par le profit que pourrait lui donner une telle quantité de richesses.

- Si vous me prenez par les sentiments patron, je suis d'accord ! Que doit-je faire ? demanda le coq en se grattant la tête.

- Et bien, déjà, nous procurer un moyen de déplacement rapide pour le Pérou ! Afin d'arriver là-bas avant ce maudit rongeur ! jubilait Georges Coles.

- Pour ça, pas de problèmes professeur ! J'ai ce qu'il vous faut dans mon hangar ! s'écriait Horace en se dirigeant vers une demeure sur la plage. Suivez-moi, j'ai un engin volant qui nous permettra d'arriver avant lui ! Je l'ai bricolé à mes heures perdues.

Georges Coles suivi son acolyte, impatient de découvrir cette fameuse machine volante, mais aussi de pouvoir la piloter. Et tandis que Georges et Horace pénétrait dans la belle demeure en bois, Ratle ressortait tout juste avec une carte du continent enroulée et nouée par un ruban rouge. Il tourna la manivelle, puis grimpa au volant de sa Cadillac Limousine, avant de rouler en direction du Sud-Ouest du continent, vers la forêt Amazonienne. Le soleil se couchait sur la petite ville de Cayenne, offrant à notre raton laveur un magnifique spectacle naturel, pendant que celui-ci se faufilait dans les rues de la ville.

Les aventures de Ratle Snacke : Tome 1, Le trésor d'AkunamhatataWhere stories live. Discover now