- Je suis désolée...
- Ne pleure pas pour moi. S'il te plaît.

Une ombre passa devant mes yeux et la seconde qui suivit, je sentis un doigt ganté essuyer les larmes de mon œil droit. Sabo avait un visage grave mais concentré. J'étais surprise par son comportement si soudain et j'ouvris la bouche pour lui répondre quand je sentis une main agripper mes cheveux et fureter entre les mèches. Les bandages de mon visage se tendirent un bref instant, avant de se délier et de tomber au sol. Je suivis leur chute d'un regard interdit, et ce fût lorsque je sentis un courant d'air effleurer ma peau que je pris conscience que mes cicatrices étaient à découvert. Je poussai un couinement.

- Sabo, qu'est ce que tu fais ?!

Je voulus poser une main sur la partie gauche de mon visage, mais le révolutionnaire me stoppa dans mon geste en m'attrapant le poignet. J'essayai de le faire lâcher pour me détourner, mais sa poigne était trop forte et il fût plus rapide que moi. L'instant qui suivit, je pouvais voir mon reflet paniqué dans le petit miroir qu'il venait de sortir de sa poche et qu'il avait placé à ma hauteur. En voyant mon visage entier pour la première fois depuis Marineford, j'eus un mouvement de recul. Je ne voulais pas voir les balafres que m'avait laissé Doflamingo, c'était bien pour cela que j'avais continué à porter des bandages, mais Sabo voulait me mettre devant la réalité.

Une fine cicatrice traversait ma gorge. Elle était propre, nette. Je déglutis. J'avais peur de voir ce qui allait suivre. Je fermai brièvement les yeux en essayant de m'armer de courage, et je redressa la tête jusqu'à voir le côté gauche de mon visage dans le miroir. Mes yeux s'écarquillèrent. Quatre cicatrices rosâtres bordaient les côtés de mon œil. Trois partaient du haut pour s'encrer dans ma tempe, mon sourcil et mon front. La quatrième partait du bas et sillonnait ma joue jusqu'à atteindre ma mâchoire.

Je respirai profondément, n'arrivant pas à détourner le regard de ce que je voyais. J'étais affolée, je me sentais humiliée de devoir porter les marques de Doflamingo pour le restant de mes jours, mais j'étais rassurée. Je me souvenais des paroles qu'il avait prononcé : La tienne sera si immonde qu'il ne reconnaîtra pas ton cadavre. Il avait eu tort. Il m'avait balafré, mais pas au point de me rendre méconnaissable. Il n'avait ni réussi à me tuer, ni à m'éborgner, ni à me rendre muette, ni à me défigurer. Il avait échoué, totalement échoué. Un sourire fendit mes lèvres.

Sabo abaissa son miroir et me relâcha. Je baissai la tête et frottai rapidement mon poignet.

- Ton capitaine m'a tout raconté. Il disait que tu avais failli mourir.

Je relevai les yeux vers le révolutionnaire. Une tristesse immense émanait de ses yeux, mais il souriait. Il retira son chapeau de sa tête et se pencha légèrement, comme pour s'incliner.

- Merci d'être en vie.

Je restai sans voix. Face à de telles paroles, je ne savais que dire, et je restai les bras ballants à le regarder. Il se redressa et me sourit. Toute trace de désarroi l'avait quitté et l'enthousiasme qui lui allait si bien l'avait regagné.

- J'aime bien tes cicatrices.
- Euh, eh bien... J'aime bien la tienne aussi.

Nous éclations d'un léger rire. Il remit son chapeau et nous reprîmes notre route, en prenant soin d'éviter la crevasse. L'atmosphère était plus légère. Je me sentais libérée d'un fardeau, et lui semblait heureux. Je me surpris à me demander si il jouait la comédie, mais cela ne semblait inconcevable. Il avait simplement accepté la mort d'Ace, et continuait à vivre. Je n'hésitai donc pas et ce fût avec gaieté que je pris la parole.

- Mugiwara no Luffy est donc aussi ton frère ?
- Oui. Lorsque nous étions enfants, nous avons échangé des coupes de saké.

Il parlait si librement, et avec un regard si nostalgique. Il semblait avoir eu une enfance très heureuse avec ces deux-là comme frères. Je ne l'avais encore jamais vu aussi rêveur. Un grand sourire naquit sur mon visage.

- Il faudra que tu me racontes tout.
- Eh bien tout à commencé avec Ace et moi. Nous étions...

Il se stoppa soudainement dans ses paroles et regarda droit devant nous, les sourcils froncés. Un amas de corbeaux virevoltait à quelques mètres. Je posai une main sur la poignée d'un de mes saï, mais Sabo me fit signe que ce n'était pas nécessaire. Une silhouette sombre s'approcha de nous. Je lâchai mon arme. Il s'agissait d'un homme grand, chauve, à la peau très pâle et portant un masque métallique en forme de bec. Il portait un manteau de plumes noires contrastant avec la blancheur de la neige. Cet homme s'arrêta devant Sabo et pencha la tête vers lui.

- Nous devons y aller. Je suis désolé.
- Déjà ?

Sabo semblait surpris. Je regardai le nouveau venu avec attention. Il s'agissait apparemment d'un révolutionnaire, lui-aussi, mais je restai sur mes gardes. Les deux hommes échangèrent un long regard, puis le blondinet baissa la tête. Il se tourna dans ma direction.

- Karasu, attend-moi ici. Je raccompagne Izzy.
- Izzy ?

Je ne savais pas par quoi je devais être le plus surprise. Par cet homme-corbeau, par le soudain départ de mon ami, ou par le surnom qu'il venait de me trouver ? J'ouvris des yeux ronds qui firent sourire mon interlocuteur.

- Isiris est trop formel, je préfère Izzy. Allez, tu viens ?

Il fit volte-face et m'indiqua d'un signe de la tête de le suivre. J'hochai la tête et après avoir rapidement salué le dénommé Karasu, je suivis Sabo.

Sur le chemin du retour, nous parlâmes avec animation. J'eus le temps d'apprendre ses origines nobles, ainsi que quelques unes de ses aventures avec ses frères. Je compris également que parler de Luffy était l'une de ses passions à présent.

En revenant au Red Force, j'étais souriante et je riais de temps en temps, absorbée par la conversation. Lorsque je rejoignis le pont, je remarquai que certains de mes nakamas jetaient des regards surpris à mon visage. Je n'y accordai plus aucune importance. Je n'avais plus peur.

Sabo recula au moment où Shanks s'approcha de nous, me laissant seule face au rouquin. Je fus surprise par son retranchement soudain et face à mon capitaine je me sentis comme confuse, honteuse. Son regard détailla mon visage. J'ouvris la bouche, m'apprêtant à parler, mais il me stoppa net en posant sa main sur ma joue gauche.

- Elles te vont bien. Tu es jolie.

Son ton, son sourire, ses yeux étaient empreints d'un je-ne-sais-quoi qui fit fondre toutes mes réticences. Je le remerciai. Il retira sa main de ma joue et se tourna vers Sabo. Ils échangèrent un hochement de tête entendu.

- Tu veux rester un moment, gamin ?
- J'aimerai bien mais je ne peux pas. Je dois repartir, Dragon a besoin de moi.

Sabo s'approcha, retira son chapeau et s'inclina, puis il se recoiffa et fit demi-tour. Instinctivement, je fis un pas dans sa direction.

- Sabo !

Il se retourna et me lança un regard interrogateur. Un sourire fendit alors mes lèvres.

- Fais gaffe de pas tomber dans une crevasse.

Le révolutionnaire éclata de rire. Il me salua de la main et enjamba le bateau, remettant pied à terre.

- A la prochaine Izzy !

Une Question de Justice [One Piece]Where stories live. Discover now