Chapitre 5 : La nuit ne porte pas conseil

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« Tu es trop impatient, Quentin. Tu veux tout trop vite. C’est hélas le défaut de cette génération. Autrefois, on prenait le temps de comprendre les choses, on regardait venir et puis on posait les bonnes questions après avoir réfléchi. Et puis, on n’insultait pas ses hôtes comme tu le fais si maladroitement, mon cher. N’est-ce pas, Horace? Ne trouves-tu pas que notre apprenti est de cette nature? »

Le majordome acquiesça en silence et ajouta :

« Peut-être que Monsieur pourra lui préciser certaines choses pour ne pas, dirons-nous, abîmer nos chances. »

Matheus écata de rire : « Abîmer! Tu as de ces mots Horace. Tu as le verbe aiguisé comme une faux. »

Puis il se leva et vint près de Quentin et le fixa droit dans les yeux : « Premièrement, tu vas venir te rasseoir ici et goûter mon thé, sans faire d’esclandre et crier. Je déteste parler quand on me menace. Je suis d’une grande patience pour bien des choses et je comprends ta frustration mais sache que tout se saura en temps et lieu, chaque chose arrivera à point. Ce n’est pas un jeu comme une charade. Mais si je te dis tout sans y mettre de filtre, je risque de réduire les chances de voir mon projet se réaliser et cela, je dois l’avouer, me contrariera plus que tu ne peux l’imaginer.

« Mais tu as raison, j’ai un peu exagéré en t’appelant fiston. Je prends mes aises avec toi un peu trop rapidement et je m’en excuse. Tu préfèrerais que je te vouvoie? Tu voudrais aller te reposer et en parler demain à tête reposée? »

Quentin ne voulait qu’une chose : sortir de cette maison et aller se livrer à la police pour que se termine ce cauchemar qui n’avait aucun sens. Plus, il cherchait de réponse, plus Matheus devenait mystérieux. Il se contenta de secouer la tête et le suivi vers le sofa où son hôte lui tendit la tasse de thé.

« Voilà qui est mieux. Je te jure que je vais tout t’expliquer. Mais tu dois être patient et me faire confiance. J’ai de grands projets pour toi, ne t’inquiète pas. Et puis, cette histoire, dit-il en pointant l’écran de télé muet, cette histoire va bientôt apporter un peu de lumière sur tes questionnements. »

Quentin trempa ses lèvres dans le breuvage chaud et fit une grimace d’appréhension. Il n’avait jamais aimé le goût du thé, préférant de loin les cafés de toutes les variétés. Mais, une fois le liquide dans sa bouche, il crut déceler de nouveaux parfums qui montèrent jusque dans ses narines. Il ferma les yeux et pour la première fois depuis fort longtemps, il sentit relaxé et libéré. Mais une pensée sordide monta en lui : et ce monstre avait glissé un somnifère dans sa tasse? Ou un poison qui commencera bientôt à faire effet?

« C’est délicieux, dit-il en déposant sa tasse. »

« Tu peux en boire sans craindre quoi que ce soit, Quentin. Je n’ai pas l’intention de te droguer. Cette délicieuse boisson est un cadeau des dieux, si je puis dire. Le Gyokuro, qu’on appelle aussi "Perle de Rosée", nous vient du Japon. On dit qu’il redonne de l’énergie, stimulant mais aussi purifiant. C’est un thé cérémonial. Mais je le bois tous les soirs, sans faire de cérémonie, pour me redonner cet élan qui me confirme dans ma profession. »

« Et vous faites quoi, dans la vie, si je peux poser cette question? » demanda Quentin en reprenant poliment sa tasse.

« Ah, tu voilà enfin redevenu raisonnable. Je suis un jeune retraité. J’étais dans le commerce international. Je sais, ça peut te paraître le métier le plus vague qu’on puisse imaginer et qui sert souvent de couverture pour des activités illicites, mais je t’expliquerai comment ça fonctionne très bientôt. Tout ce qu’il y a de plus légal, en passant, du moins dans le cadre humanitaire. C’est un job fascinant, rempli de beaux défis et je pourrais même t’enseigner les bases afin que tu prennes le relais. »

Tout ce que tu feras (tu le feras pour moi)Where stories live. Discover now