Épilogue

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Il n’existe pas de nuit complètement noire. La noirceur est une illusion car tout est lumière.

C’est la première pensée qui tira Quentin de sa propre noirceur. Ce fut peut-être ce qui le sauva, également. D’abord, il crut qu’il avait rêvé. Il entendait une voix féminine et il la confondit avec celle d’Élaine. Il esquissa un sourire et tenta d’ouvrir les yeux. Mais, il savait que la réalité venait encore de dépasser la fiction. Il sentit une douleur au bras droit, une chaleur intense qui partait du coude et montait jusqu’à son cou. Il entendait d’autres voix. Il n’était pas seul. Alors monta en lui une certaine crainte de se voir à nouveau confronté à Matheus, la dernière image qu’il avait de lui. Ce monstre ne l’avait pas avalé, finalement, ni ne l’avait tué. Il était bien vivant. Mais, il se demandait où il pouvait bien se trouver. Il essaya à nouveau de soulever ses paupières mais il ressentit une résistance et n’insista pas davantage. Il se concentra sur les voix mais elles étaient aussi floues que ses idées qui se bousculaient dans sa tête.

Il n’avait aucune espèce d’idée de ce qui s’était passé après que Matheus avait tendu les bras et l’avait enveloppé. Il percevait encore l’odeur de roussi qui lui avait donné la nausée mais rien ne subsistait de cette attaque surprise.

Il ne réalisa pas que ses yeux s’étaient ouverts d’eux-mêmes. Il fixait un plafond aux teintes d’un vert dilué. Il bougea la tête vers la droite et réalisa qu’il était dans une pièce assez large qui avait des allures en tout point communes avec la chambre dans laquelle il avait séjourné lors de son passage chez Matheus. Une fenêtre donnait sur quelques arbres dénudés. Il tourna la tête de l’autre côté et vit les appareils auxquels il était branché. Il était dans une chambre d’hôpital, cloué dans un lit, son corps engourdi par la médication. Il était seul. Les voix qu’il entendait parvenaient du corridor de l’autre côté.

Ainsi, il avait encore survécu à la folie de Matheus. Il n’arrivait à se défaire de l’image de l’être brûlé au troisième degré qui avait tenté de l’avaler, car c’était bien cela qui s’était passé, il en était certain. Quelqu’un allait bien venir et lui expliquer. Que faisait-il là, dans un lit d’hôpital, seul, alors qu’il devrait être étendu sur le plancher de sa cuisine, probablement mort? Qui était intervenu pour le sauver?

Il avait l’impression que le compte à rebours était à nouveau en place et qu’il fonçait vers un autre destin trouble dont il ne voulait rien savoir. Il voulait qu’On le laisse en paix, qu’il oublie toute cette histoire de mort et d’anges au service d’une force de l’univers supérieure à tout ce qu’on pouvait imaginer.

Il essaya de se lever mais la force n’y était pas. Il était cloué ici à attendre qu’on veuille bien s’occuper de lui. Il essaya d’appeler mais les mots restèrent bloqués dans sa gorge.

Puis, il ferma les yeux. Il était encore épuisé, ne sachant toujours pas ce qui s’était passé. Un ombre se profila derrière ses paupières closes. Il perçut un souffle puis une main se posa sur son épaule. Il ne reconnut pas immédiatement l’homme qui était près de lui quand il osa enfin voir ce qui se tenait devant lui. Il s’attendit au pire et, bien qu’il se sentait soulagé de s’être libéré de ses crimes et de sa torpeur, il ne désirait pas mourir si rapidement. Deux fois, en quelques heures, il avait vu des monstres foncer sur lui. Deux fois, il avait cru que sa dernière heure était arrivée et pourtant, chaque fois, il s’était réveillé dans le confort incertain de la vie.

Cet homme qui le regardait avait des traits qui lui étaient familier. Où avait-il déjà vu cet homme? Ce n’était pas le policier qui l’avait interrogé ni quelqu’un des pompes funèbres. Un journaliste de la télé? Un des gars qui accompagnaient Kevin? Il cherchait désespérément, un glas morbide cognant contre sa tête. Il sentit monter en lui une panique qu’il ne pouvait contrôler. Puis, tout devint clair. Il put mettre un nom sur cet inconnu grâce à ses yeux.

Tout ce que tu feras (tu le feras pour moi)Where stories live. Discover now