Chapitre 5 : La nuit ne porte pas conseil

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Quentin dut se secouer pour reprendre ses esprits et se remettre à respirer. Pour lui, tout ceci à des allures de conspiration mais de quelle envergure? On ne pouvait certainement pas s’improviser policier et arriver sur les lieux d’un crime comme ça, au hasard. De plus, ce crime, il l’avait planifié dans sa tête, sans mettre sur papier ses idées et encore moins en parler à qui que ce soit. Ç’eut été ridicule de tuer dans l’œuf le beau plan qu’il avait élaboré en sachant très bien qu’il allait finir ses jours en prison. Mais que ce Matheus arrive dans une voiture balisée, costumé, connaissant son nom et étant au courant de tout ne rentrait pas dans sa tête. Et maintenant ce témoin, cet homme aux allures franchement hors de ce monde, il y avait de quoi être scié en deux.

« J’étais sur le boulevard St-Joseph, je marchais par là et j’ai vu un homme, assez grand, habillé en beige, comme s’il revenait du Sud. Je ne l’ai vu que de dos. Il suivait la petite madame. Sur le coup je me suis dit que ce n’était rien parce que je me fais souvent des histoires avec des riens, mais je l’ai vu sauter sur elle, j’ai paniqué. Je me suis caché derrière le bac de recyclage et j’ai vu l’homme tirer un couteau et ensuite elle est tombée. »

« Est-ce que vous avez vu le visage de l’homme? » demanda le journaliste.

« J’ai tout raconté aux policiers. Ils m’ont dit de ne rien dire d’autre » répondit l’homme baissant les yeux, non sans faire un semblant de sourire entendu en fixant la caméra.

Quention souffla : « Cet homme, il était là, tantôt. Je le reconnais. »

Matheus ricana. Il vint s’asseoir près de lui, déposant une tasse de thé fumant sur la table basse.

« Prend un petit palmier, Quentin. Et attend un peu pour le thé, il est brûlant comme l’enfer »

Quentin dévisagea Matheus et crut déceler une lueur étrange au fond des yeux de celui-ci. Sur le coup, il se dit qu’il rêvait, que tout ce qu’il vivait depuis une heure ou deux n’était qu’un cauchemar. Mais ces yeux le firent frémir. Une teinte rougeâtre fit presque disparaître les pupilles déjà d’un ton ambre délavé. Puis, il aurait pu jurer que la pupille se transforma en un ovale très étroit, vertical, et il songea à ce caméléon qu’il avait vu un jour en Amérique du Sud.

« Alors, merci monsieur Duschêne, dit le journaliste au témoin qui restait là, figé. On vient de m’apprendre que les policiers seraient à la recherche d’un homme âgé d’environ cinquante ans, les cheveux cendrés, assez longs sur la nuque, vêtu de pantalons et d’une veste beige. Il s’agirait, comme je le mentionnais tantôt d’un drame conjugal. Les proches de la victime n’ont pas encore été avisés alors… »

Le chef d’antenne lui coupa la parole, ne voulant pas entendre à nouveau le même topo de la part du journaliste visiblement inexpérimenté. Il passa alors à une autre nouvelle sans plus attendre.

Ce fut à ce moment que le mobile de Quentin vibra. Matheus posa une main brûlante sur celle de Quentin et fit signe de ne pas répondre.

« Mais, pourquoi? C’est la police. On me cherche. C’est à propos d’Élaine! »

« Bien sûr, fiston, bien sûr. Mais ça peut attendre un peu » dit Matheus, en lui prenant l’appareil des mains.

Quentin se leva brusquement, s’éloignant de son hôte, tremblant de la tête aux pieds :

« Arrêtez de m’appeler fiston! Je ne suis pas votre fils et je veux savoir ce qui se passe ici! Qui êtes-vous et que me voulez-vous? » hurla-t-il.

Le majordome entra doucement dans la pièce et se posta devant la porte, les mains jointes comme dans une pose de prière. L’éclairage ambiant fut alors tamisé et Matheus resta sur le sofa en retournant le mobile entre ses doigts.

Tout ce que tu feras (tu le feras pour moi)Nơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ