Chapitre 4.

Depuis le début
                                    

Son regard d'un vert profond plonge dans le mien et il rétorque, d'un ton sérieux et d'une voix douce qui font fondre mon cœur comme de la neige au soleil :

- Bientôt.

Tentant de chasser la rougeur qui désire s'emparer de mes joues, je détourne le regard et lâche :

- Bon et bien... Trouvons ton amie que nous puissions en finir avec tout ça ! »

Orélien grimace, comme s'il n'était pas sûr lui-même de trouver une réelle solution même en retrouvant sa mystérieuse possible aide. Pourtant, je refuse de laisser le pessimisme me gagner. Sans cesser d'admirer la ville autour de moi, je le suis à travers Athènes.

*

« Un bar ? Sérieusement, c'est là que tu penses trouver l'aide dont tu as besoin ?

- Dis-moi Yerine, dans tous les romans fantastiques que tu caches sous ton lit, n'y en a-t-il aucun qui indique que c'est là que les héros vont trouver leurs informations ?

Bien malgré moi, un rictus amusé vient étirer mes lèvres et je réplique :

- Tu te considères comme un héro maintenant ?

Le regard que me jette mon compagnon me coupe dans ma moquerie et sans plus un mot, nous pénétrons dans le petit bar. Un bar bondé ! À priori, tous semblent s'être donné rendez-vous pour assister à un concert. La musique mi-rock mi-mélodique attire tout de suite mon attention. Elle vibre sous ma peau, comme la voix cristalline et féminine qui la chante. Le blond se raidit avant de me glisser :

- Essaye de ne pas te perdre ici... On ne sait pas qui peut s'y trouver...

Pour une fois, j'acquiesce sans discuter. D'une oreille distraite, je suis Orélien à travers les clients qui se massent autour de la scène, tentant de comprendre les paroles de la chanson. J'en viens à remercier mentalement maman de m'avoir appris le grec quand j'étais petite. C'est une chanson d'amour. Mais d'amour triste, lié à l'océan, aux peines et à la mort. Une mort qui semble être une délivrance. C'est un appel aussi. De ma place, je peux observer la chanteuse : une silhouette fine et élancée, gracile, se meut, habillée d'un pantalon en cuir noir et d'un haut de la même couleur laissant dévoiler son nombril. Il est impossible de voir son visage au travers de la foule mais tous semblent hypnotisés par son timbre. Il y a de quoi, c'est tout à fait exceptionnel. Jamais je n'avais entendu un tel son enchanteur... Je me retourne à la recherche d'Orélien mais celui-ci a disparu. Flûte... Ça ne me dit rien qui vaille !

La voix de la chanteuse se tarit et je devine sa silhouette quittant la scène pour rejoindre les coulisses. Aussitôt, la foule se disperse et j'ai l'impression d'enfin pouvoir respirer. Mais toujours nulle trace d'Orélien... Soupirant, je cherche du regard les toilettes. J'éprouve le besoin soudain de m'isoler quelques instants. Pourtant, je ne vois rien, hormis une petite porte. Croisant les doigts pour qu'il s'agisse de ce que je cherche je m'avance vers elle. Un homme pourtant se dresse sur mon passage et je sursaute. L'image de mon agresseur me revient en mémoire et je pâlis de manière incontrôlée.

L'homme face à moi semble remarquer ma peur et lève les mains avant d'articuler difficilement dans un grec chargé d'un lourd accent une demande qui retire le poids qui pesait sur ma poitrine. Il ne veut qu'une cigarette...

Lui faisant signe que je n'en ai pas, il hoche la tête et s'éloigne en ronchonnant. Enfin seule... Alors que je pousse la porte, me dérobant ainsi à tout ce monde, je tombe nez à nez sur deux personnes.

Un homme et une femme, dont le visage plongé dans la gorge de l'homme est dissimulé par sa longue et lisse chevelure d'ébène tranchée par une mèche dont le nacre rayonne dans l'obscurité. Si au début je crois surprendre une scène entre deux amoureux, je me pétrifie aussitôt lorsque je comprends avoir tort sur toute la ligne. L'homme me fixe de ses yeux vitreux, plus pâle que la mort et du sang coule le long de sa gorge. La femme lui maintient la tête d'une poigne qui semble ferme. Lorsque ses yeux d'un bleu transperçant, luisant dans la pénombre se posent sur moi, elle se fige. Puis elle repousse l'homme qui tombe au sol, et j'ai tout juste le temps d'apercevoir ses canines se rétracter. Ses lèvres sont d'un écarlate bien trop prononcé pour que ça ne soit autre chose que du sang.

Yerine (Mélusine HS.1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant