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Fanny-Eve n'arrêtait pas de faire les cent pas dans le couloir des urgences de l'hôpital Principal de Dakar, se demandant comment les choses ont pu dégénérer à ce point. Elle avait réussi à garder son calme, mais elle bouillait intérieurement. Elle tournait la tête à chaque fois qu'elle entendait le bruit de la porte. « Pourquoi c'est si long, pourquoi ne lui dit-on rien », pensa-t-elle.
Elle s'assit sur un siège et se prit le visage dans ses mains. Elle avait envie de pleurer, mais les larmes ne voulaient pas venir.
Elle sentit une présence, un parfum agréable lui titilla les narines. Elle leva la tête et ses yeux rencontrèrent ceux de Elimane... Ce dernier mit les lunettes qu'il tenait dans sa main, c'était Malick. Leur ressemblance était vraiment flippante pensa la jeune femme. Le procureur s'assit sur le siège à côté d'elle et dit.
- Fanny-Eve, je suis vraiment désolé pour votre frère.

C'est plus que ne pouvait supporter la jeune femme, les larmes jusqu'alors retenues jaillirent de ses yeux sans qu'elle puisse les retenir. Elle posa spontanément sa tête sur l'épaule de Malick, ce dernier ne bougea pas dans un premier temps, puis l'enlaça timidement. La jeune femme trouva cette étreinte rassurante mais elle était loin de ressentir l'émoi dans les bras de Elimane. Ils restèrent ainsi de longues minutes sans un mot. Les larmes de Fanny-Eve ne coulaient plus, elle lui en était reconnaissante de ces quelques moments de répit.

- Je ne vous dérange pas j'espère ?

La voix de Elimane les fit sursauter. Il les regarda tour à tour, ses yeux lançaient des éclairs, il semblait être dans une colère sourde. Son frère se leva et dit en se raclant la voix.

- Où en est l'enquête ?
- Le tireur est au commissariat central de Dakar, les collègues ont réussi à le faire parler sans aucun problème, il a d'ailleurs avoué le meurtre du gérant de l'auberge. Ce dernier l'avait retrouvé et avait menacé de le dire à la police.
- Oh mon Dieu dit Fanny-Eve dans un souffle.
- Qu'en est-il de la dame ? questionna à nouveau Malick.
- Elle est actuellement dans les locaux de la police à Mbour, mais elle refuse de parler. Les gars vont la tenir éveillée toute la nuit, Ils pensent qu'avec la fatigue, elle va craquer. Comment va votre frère ajouta-t-il en s'adressant à Fanny-Eve.

La jeune femme fixa longtemps les taches de sang sur ses orteils avant de répondre.
- Les nouvelles ne sont pas rassurantes dit-elle d'une voix à peine audible, ils sont en train de l'opérer. Il a perdu beaucoup de sang, la balle lui a transpercé l'épaule ce qui n'est pas forcément une bonne nouvelle pour un chirurgien. Fatou assiste à l'opération et cela me rassure un peu.
- Je suis sûr que tout ira très bien, dit le flic.

Un long silence, très gênant s'en suivit. On pouvait entendre les mouches voler. Une forte odeur d'éther embaumait l'air. Quelques cris et gémissements de douleurs se faisaient entendre de temps en temps.
Fanny-Eve repensa à ces dernières semaines et se demanda comment tout a pu basculer à ce point. Avant de venir à Dakar pour cette affaire, elle menait une vie tranquille, qui tournait autour de sa famille et de son boulot. Sa vie sociale se résumait à des sorties cinéma, qu'elle affectionnait particulièrement, soit seule soit avec des copines, ou des restos entre collègues. En deux semaines sa vision de la vie avait quelque peu changé et ses priorités également. Elle a failli perdre sa mère, elle s'est fait agresser, elle a connu l'amour et son frère s'est fait tirer dessus. C'est comme si un tsunami avait déferlé dans sa vie, balayant toutes ces certitudes.
Le grincement d'une porte la tira de ses pensées. Elle leva la tête et son regard croisa celui de Fatou. Celle-ci avait la mine grave, elle était en tenue de bloc et tout comme l'homme qui l'accompagnait. Fanny-Eve voulut se lever, mais ses jambes se refusaient à la porter. C'est Malick qui se leva et parla en premier.

- Comment va-t-il, demanda le procureur oubliant toutes les règles de politesse.
- Bonsoir dit le monsieur qui était avec Fatou, je suis le Docteur Dieng, c'est moi qui ai opéré M. Diop. L'intervention s'est bien passée. Nous avons retiré la balle, il a perdu beaucoup de sang, mais il va récupérer.
- Et pour son épaule demanda Fanny-Eve, il est chirurgien et il ne pourrait pas le supporter si jamais il devait renoncer à son métier.
- Il est trop tôt pour prédire l'avenir, il faudra sûrement passer par la case rééducation, cela va être dur, mais je suis optimiste. Je vous laisse, j'ai une autre intervention.
- Merci pour tout Khadre dit Fatou. Je t'appelle dans la semaine.
- Pas de souci et bon courage conclut le médecin en s'adressant à Fanny-Eve.
A peine eut-il tourné les talons que Fatou se précipita vers sa cousine et lui prit les deux mains.
- Il a raison dit-elle à Fanny-Eve, cela va être dur, mais il va s'en sortir. Iba est robuste et c'est un battant. Viens, je te raccompagne à ton hôtel, je vais rester avec toi ce soir.
La jeune femme hocha la tête sans un mot, elle se sentait lasse et vidée.
- Bon je vais vous laisser dit le procureur, Fatou n'hésitez pas à m'appeler, même en plein milieu de la nuit, si vous avez besoin de quoi que ce soit. Bonne nuit et à demain. Suis-moi, ajouta-t-il en s'adressant à son frère. Toute compassion avait disparu de sa voix.
Elimane fixa longuement l'avocate, puis suivit son frère sans rien dire.

Entre deux feux!Where stories live. Discover now