Où il y a comme un soupçon de trahison dans l'air.

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Pendant que Martin déverrouillait la porte, les zombies avaient stoppé leurs attaques et attendaient patiemment que les survivants s'échappent tranquillement. Les créatures dodelinaient de la tête, le regard vitreux, les bras ballants. Emma eut le temps de relever Perrine, l'auteur, Audrey et Nora purent revenir jusqu'à la porte sans utiliser leurs armes, et Martin claqua le battant au nez des zombies paralysés. Tous étaient sains et saufs.

Bien évidemment, ce n'était pas vrai.

La foule des zombies qui avait été quelque peu interpellée par le hurlement strident de Martin avait fini d'être étonnée par son passage, et était revenue à l'assaut des trois survivants armés. La porte était désormais ouverte, mais encore fallait-il y accéder. Car dès qu'un zombie tombait, un autre était déjà à sa place. Il était impossible de leur tourner le dos pour rejoindre la cage d'escaliers. De plus, les coups se faisaient moins puissants au fur et à mesure qu'ils frappaient. La fatigue faisait son chemin dans les muscles bandés des survivants.

Emma passa le bras de Perrine autour de ses épaules pour l'aider à se relever, et Martin fit de même de l'autre côté. Ils la mirent en sûreté à l'intérieur, avant de se regarder.

– Il faut qu'on aille les aider..., murmura Emma.

Mais dans les yeux de Martin, elle lisait une toute autre idée. Il serait si facile de refermer la porte et de courir vers la liberté. Les zombies étaient occupés avec les trois personnes encore dehors, pourquoi risquer sa vie pour elles ? La survie était une question très égoïste. Penser à soi avant les autres, c'était là la nature humaine. Peut-être était-ce celle de Martin. Mais ce n'était pas certainement pas le cas pour Emma. Elle ne souhaitait pas mourir, encore moins être dévorée par les zombies, mais l'auteur lui avait sauvé la vie. Nora et Audrey étaient embarquées dans le même bateau qu'elle. Si on ne peut plus compter sur ses propres congénères, que restait-il dans cette apocalypse ?

De là où ils se trouvaient, ils pouvaient voir comment les autres se débrouillaient. Et Emma réalisa bien vite qu'elle n'avait aucune idée sur la façon dont elle pourrait les aider à franchir le pas de la porte sans être suivis par les zombies. Si elle les rejoignait, ils seraient quatre à être bloqués. Les zombies continuaient d'arriver, ils ne parviendraient jamais à tous les éliminer. Chaque seconde perdue à réfléchir augmentait les chances des zombies à attraper l'un des survivants.

– Est-ce que la porte est ouverte ? cria Audrey.

Martin plissa les yeux, faisant frémir Emma d'angoisse. Il avait vraiment prévu de les abandonner ! La jeune femme attrapa fermement sa batte et redressa les épaules.

– La porte est ouverte ! répondit-elle, défiant Martin de la contredire.

Mais celui-ci haussa les épaules, comme s'il s'en fichait. Des paroles furent échangées entre Audrey, l'auteur, et Nora, et ils commencèrent à reculer en direction de la porte. Un pas, un rang de zombies exterminé, un autre pas, un autre zombie.

– Préparez-vous à refermer la porte, lança Audrey en plantant son balai dans l'œil d'une créature.

Martin se plaça de manière à laisser passer les survivants tout en ayant accès à la poignée. Ça allait se jouer à la seconde près. À quelques centimètres de la liberté, Nora fit un pas de plus en arrière et trouva la sécurité de la cage d'escaliers, pendant que l'auteur et Audrey refermait les rangs. La libraire était en nage, et ses bras tremblaient tellement qu'elle en lâcha le tabouret. Ce fut au tour d'Audrey de passer la porte. L'auteur était désormais seul face à la horde de zombies, mais étant pratiquement dans l'encadrement de la porte, la portée des morts-vivants était limitée.

Emma se dit qu'avec l'allonge de sa batte, elle pourrait jeter au sol toute la première rangée de zombies pour permettre à l'auteur de sauver sa peau. Puis elle se rappela qu'elle était loin d'être capable d'une telle chose, alors elle se tordit les doigts pendant que les autres travaillaient à leur survie à tous. Les grognements étaient proches, et elle entendait distinctement les claquements de mâchoire dans le vide.

Perrine se mit à gémir. Emma se précipita à son côté, et la retint de justesse avant qu'elle ne s'affaisse complètement sur le sol. Elle était brûlante de fièvre, et un liquide blanchâtre souillait la commissure de ses lèvres. Emma jeta un œil à sa blessure et eut un haut-le-cœur. Une odeur infecte s'en échappait, accompagnée par un épais pus couleur de lait caillé qui suintait. Les traces de dents étaient bien visibles et étaient toutes boursouflées. Des lignes rouges et bleues striaient les contours de la blessure et semblaient continuer de part et d'autre de la jambe. Ce n'était pas bon signe.

Soudain, Perrine se mit à vomir. Elle éclaboussa le sol devant elle, le jeans d'Emma, et fit crier Audrey de dégoût quand elle en reçut sur le visage. Perrine cracha une dernière fois, et tomba dans les pommes.

– Qu'est-ce que..., murmura Nora.

Emma se rendit compte que la porte avait finalement été fermée. L'auteur était là, exténué mais bien vivant, et elle sentit une bouffée de soulagement l'envahir. Audrey s'était agenouillée devant son amie juste avant qu'elle ne se mette à vomir, et elle était tellement angoissée de voir l'état de Perrine qu'elle ne s'était pas encore nettoyé le visage.

– Sa blessure empire de minute en minute, dit Emma.

– Mais ce n'est pas possible ! L'infection ne devrait pas se propager aussi rapidement !

Audrey luttait pour conserver son calme. Elle savait depuis le départ que son amie était condamnée. Elle avait vu et lu trop d'œuvres de zombies pour ne pas comprendre qu'une morsure signait un arrêt de mort. Ou de non-mort, en l'occurrence. Cela ne l'empêchait d'espérer avec ferveur que la réalité n'allait pas rejoindre la fiction pour chaque point de détail.

– Il faut qu'on se rende au commissariat, annonça l'auteur. Ils ont peut-être des médecins, là-bas.

A la dériveWhere stories live. Discover now