> Fifth - Jour d'observation

21 2 13
                                    

To learn.

Vendredi 25 Août, neuf heure et quelques, Alpes suisses.

Soif. La langue pâteuse, le ventre vide et surtout, la tête qui tourne. Maeve est plutôt résistante concernant ses besoins naturels, la preuve est, elle n'a pas bu depuis la veille, ni manger, et pourtant elle ne se plaint pas. Enfin pas verbalement. Parce qu'il doit être dans la même situation - à peu de chose près qu'il a mangé tout à l'heure.

Mais plutôt que de penser à sa gorge sèche, à la chaleur torturante de la journée qui s'en vient et aux grognements de son ventre, elle doit se concentrer sur autre chose - comme par exemple la silhouette du garçon. Il n'est pas particulièrement grand : un bon mètre soixante-dix au moins, mais pas le mètre quatre-vingt non plus. Disons qu'il est dans la moyenne. Et qu'il n'a pas besoin d'être plus grand, au vu de sa force et de sa carrure. Comme ça, avec sa veste, son t-shirt large, son pantalon aussi, on pourrait aisément penser qu'il est d'une stature normale. Mais Maeve s'est retrouvée de dos contre son torse et elle est certaine que le tout est plus que parfaitement musclé.

Il a les épaules assez larges - juste bien à vrai dire. Il est bien taillée, sûrement. Et son visage... bien... elle ne le trouve pas franchement attirant - il a le nez droit, des yeux bruns en amendes, le regard dur parfois vitreux. Pas de quoi s'extasier. Sa mâchoire est bien dessinée, imberbe. Ses lèvres sont délicates quoique mâchouillées. Les cheveux châtains, en bataille. Il est... plus que normal dans son apparence.

C'est rageant, frustrant, encore une fois. A le voir comme ça, il serait le bon voisin ou camarade de classe, qu'on connait sans connaître. Mais le caractère et le contexte contraste avec le physique. Mystérieux, calme, taciturne, comme s'il ne ressentait rien. Un homme robot qui se prend de temps à autre pour un chien. Mais y a quand même cette aura bestiale autour de lui, qu'elle ne peut que reconnaître.

- Tu veux quelque chose ?

Toujours pas un regard, mais sa première question. Dis-donc, ça ferait presque plaisir à la jeune fille. Peut-être que l'observer avec tant de sérieux l'a un peu gêné ?

- Eh bien puisque tu demandes, un peu d'eau ne serait pas de refus, toutefois j'imagine que cette ressource précieuse est difficile d'accès et - elle se stoppe dans sa réflexion au ton ironique quand elle le voit s'arrêter pour fouiller dans son sac.

S'il lui passe à boire aussi facilement, elle va vriller et finir folle. Et c'est là qu'il lui tend une gourde.

- Juste une gorgée.

Dubitative, elle s'empare du précieux, l'ouvre et l'apporte à ses lèvres pour finalement sentir le bon goût du liquide dans sa bouche, puis dans sa gorge. Elle tuerait pour une autre gorgée, mais il lui reprend l'eau de vie pour l'imiter. En fait, il doit vouloir la tuer lentement, à petit feu, tel un sadique. Elle croit commencer à comprendre le personnage. A le cerner. Et à force d'observation, elle finira par prévoir ses actions, c'est certain. Et c'est comme ça qu'elle survivra. Elle l'espère.

Le chemin continue. Puis continue encore. Le sentier est long. Et à nouveau les émotions de la demoiselle font le yoyo. Un coup elle garde espoir de voir une habitation ou un randonneur, l'instant d'après, elle n'attend plus que la mort et est sur le point d'abandonner. Ça doit être elle la bipolaire finalement. Bah, ça ne ferait que s'ajouter à ses trop nombreuses pathologies psychologiques.

Il s'arrête, elle fait de même. La fatigue est présente et elle ne cherche même plus à comprendre ou réagir - l'observer doit suffire, elle apprendra comme ça de toute façon. Il reste comme ça plusieurs secondes - de longues secondes. Bon, elle peut être très patiente, mais pour le coup, elle n'a pas les nerfs pour. Alors elle fait un pas sur le côté et plusieurs en avant pour voir ce qu'il observe.

Une maison ! Ou un refuge peut-être ! Bref, un abri avec peut-être de quoi se désaltérer et se reposer ! L'espoir renaît. Elle s'élance en sa direction mais Jonas plante sa main contre son buste, sans aucune douceur, la faisant reculer de deux pas. Outch. Elle geint plaintivement. Puis lui lance un regard noir. Imperturbable, il passe devant, se tient éloigner, tente de voir à travers les vitres. Il lui fait signe d'attendre là où elle est et part en reconnaissance. Il doit se croire dans un jeu de guerre.

Finalement, après avoir fait le tour du propriétaire et avoir enfoncé la porte, il lui fait signe de venir. Nonchalamment, elle s'avance vers la demeure abandonnée. L'intérieur est sale et poussiéreux - ça fait un moment que les lieux n'ont pas été foulés. Donc la probabilité de trouver quelque chose d'intéressant est... très basse. Mais y a un lit. Crade. Avec des capotes usagées. Super.

- Repose toi là.

Et il part. Ah ça non. Elle le poursuit. Pas qu'elle n'a pas envie de se reposer - juste qu'elle a encore moins envie d'être seule, abandonnée, elle ne sait où. Et quitte à choisir, elle préfère rester avec le fou.

- Je vais chasser. Reste là, tu fais trop de bruit.

Et son expression ne laisse pas place à une conversation entre gens sensés et éduqués. Hmphr, elle retient un rire. Un discussion avec un mec qui aboie et grogne comme un loup solitaire. Il doit être apeuré en fait. Les armes pointées sur elle étaient effrayantes, plus que les hommes qui les tenaient. Est-ce qu'il l'a ressenti de la même manière lui aussi ?

Exténuée, elle trouve quand même la force de faire un rapide tour des lieux approfondi. Dans une armoire, elle trouve des vieux plaids. Ça sera certainement mieux que le lit gardien des exploits sexuels de certains. Et comme les autres placards sont vides d'intérêt, elle se prélasse sur son matelas de fortune, prend du repos et attend le retour incertain de Jonas.

Tout est bien trop irréaliste, elle se penserait presque dans un film d'action - sauf qu'elle n'en est pas l'héroïne comme elle n'a pas les qualités requises. De un, elle n'est pas sportive, elle se répète, mais c'est ce qui fait tous les héros - ils savent se battre, courir vite et sont endurants. De deux, elle n'a aucune véritable détermination, n'est pas spécialement emprunte de justice - bref, elle veut vivre une vie simple et loin des histoires d'aventure.

Ouais, vraiment, sa place, elle la donne à quiconque en veut bien.

•••

Cinquième chapitre, je vous avoue que j'adore rédiger cette histoire. C'est l'une des rares où je ne me prends pas trop la tête avec les tournures de phrases ou la profondeur des personnages et des dialogues.
J'ai 40 brouillons à côté et projets mais comme je suis un peu perfectionniste je ne le publierais peut-être jamais haha !

With love,
Lyn.

No one for loveWhere stories live. Discover now