LES AMOURS ÉPONYMES 2

25. Conversation entre amies

— Depuis que tu lui as vomi dessus, complète Megan à ma place. 

— « Vomi » ? Elle exagère ! Elle m'a prise par surprise, c'est tout. Je ne pouvais quand même pas m'attendre à ce qu'elle m'accuse d'avoir négocié une place en finale de la WattySélection en draguant Eliott Scott, si ? 

Mais j'ai à peine terminé ma phrase que la coordinatrice de l'événement braque son regard sur moi, comme si je venais de débiter la plus grosse ânerie du monde – ce qui, en soi, est plutôt vrai. 

— C'est ridicule, hein ? Je ne sais pas ce qui lui est passé par la tête.

— La jalousie. Eliott a donné une interview à la BBC, hier matin, en expliquant avoir déjà conversé avec les participant.e.s. Quand le présentateur lui a demandé plus de précisions, il t'a citée en exemple en racontant que tu lui avais raccroché au nez après avoir marmonné ce qui ressemblait à un juron.

— IL A QUOI ? 

PAR... PARLÉ DE MOI ? ELIOTT SCOTT A PARLÉ DE MOI ? 

— Tu n'as bénéficié d'aucun traitement de faveur, Emy. Tu as juste eu de la chance. 

De la chance... C'est presque antinomique, me concernant. 

Megan se redresse, et me partage son interprétation :

— Eliott s'est souvenu de toi, et Béa a dû le voir comme une forme de favoritisme. 

— Mais on est resté au téléphone... quoi ? Trois minutes ? 

— Ce n'est pas ta faute si Béa a extrapolé l'affaire... soupire-t-elle. Elle cherchait probablement à te déstabiliser ou à booster l'intérêt autour de sa dernière sortie. Il faut simplement espérer qu'elle se tienne tranquille et nous épargne une autre polémique. Tu ne veux pas te faire plus d'ennemis, je me trompe ? 

— Une seule me suffit.

— J'en toucherai deux mots à Béa, dans ce cas. 

Megan étire ses jambes et entrechoque ses talons de 10 cm, visiblement fatiguée. Elle rejette la tête en arrière et m'adresse un signe de la main, m'enjoignant de partir, mais je n'ai pas envie de retourner à l'intérieur. 

Bleuenn est dans son élément, je ne m'inquiète pas pour elle. 

Moi ? Je ne suis qu'une petite souris. Un hamster. Le genre de rongeur dont même le plus stupide des requins ne ferait qu'une bouchée. 

— Tu n'aimes pas ça, n'est-ce pas ? devine Megan. Les mondanités. 

— Pas vraiment, non. 

Pas du tout, même. 

— Ça ira mieux avec le temps. Tu angoisseras toujours avant de te montrer en public, mais tu t'y feras, prophétise-t-elle. Qu'iels viennent de Wattpad ou non, les auteur.ice.s sont sollicité.e.s de partout, aujourd'hui. Il faut vivre et paraître. Sans ça, on n'existe plus.

Je perçois sans mal la pointe de regret dans sa voix. 

— Tu sembles persuadée que je finirai auteure, souligné-je. 

— Parce que toi, non ? s'indigne-t-elle.

Oups ! Je ne crois pas que le manque d'ambition soit une qualité appréciée des juges de la WattySélection – ni une qualité tout court, d'ailleurs.

— Je ne sais pas. Il y a encore quelques mois, je n'avais jamais terminé une fiction, et je ne suis même pas sûre de pouvoir réitérer un tel exploit. 

— Ce n'est pas un exploit, me corrige Megan. C'est une victoire. Une victoire méritée. Tout le monde n'est pas capable d'écrire un roman, Emy. 

— Mais tout le monde n'est pas capable d'en écrire deux, argué-je.

— Je ne suis pas censée te le dire, lâche-t-elle après un temps, et toi et moi allons prétendre que je ne l'ai pas fait, parce que je ne veux pas me coltiner une autre Béa, mais ton histoire est bonne. Très bonne. La trame est intéressante, et ton héroïne est ferme, résolue. C'est elle, le point fort de ton texte – et je ne dis pas ça parce qu'elle s'appelle Meghan.

Je reste bouche bée un instant. Personne n'a jamais parlé comme ça de mon roman. 

— Attends, tu veux dire que... 

— Oui, confirme-t-elle, c'est moi qui ai sélectionné Mon cœur contre tes peurs. 

Megan a géré, là, on est d'accord ? 🥺 Vous arriviez à trouver un mot pour la décrire ?

Comment auriez-vous réagi, à la place d'Emy ?